Des Syriens se retrouvent piégés dans des camps des FDS après avoir échappé à l’EI
Les civils qui fuient les deux bastions syriens du groupe État islamique (EI) sont confrontés à des « conditions horribles » dans des dizaines de camps mal équipés en périphérie des villes syriennes.
Plusieurs de ces camps manquent d’eau potable, de nourriture et de services de santé. Certains sont gérés par les Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par les États-Unis, selon les résidents des camps. Les FDS démentent gérer ces camps, bien qu’ils soient situés sur le territoire sous leur contrôle.
Les combats dans les zones où les forces soutenues par les États-Unis continuent de se battre contre les combattants de l’EI ont contraint des dizaines de milliers de Syriens à quitter leurs maisons pour des dizaines de camps dans les provinces de Hassaké et Raqqa.
Ils sont nombreux à se retrouver piégés dans de terribles conditions.
« Nous sommes comme prisonniers dans le camp, même pas autorisés à partir »
– Ahmed, camp d’Arisha
« Vivre dans une véritable prison aurait été plus facile que de vivre dans un de ces camps », affirme Ahmed, qui a fui sa maison de Deir ez-Zor avec ses parents et ses cinq frères et a déménagé dans le camp d’al-Sad, également connu sous le nom d’Arisha.
Arisha est situé dans la banlieue sud de Hassaké et est considéré comme l’un des plus grands camps de déplacés internes pouvant accueillir environ 6 000 personnes.
« Nous sommes comme prisonniers dans le camp, même pas autorisés à partir », ajoute Ahmed.
Dans un communiqué le 14 août, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) affirme que les civils syriens à Arisha ainsi que dans des dizaines d’autres camps informels mal équipés sont confrontés à des « conditions vraiment terribles ».
« Il y a un camp appelé Arisha dans le gouvernorat d’Hassaké. Le camp lui-même était auparavant une raffinerie de pétrole, donc vous voyez des enfants qui jouent au milieu de déchets toxiques, qui boivent et se baignent dans de l’eau contaminée », souligne la porte-parole du CICR, Ingy Sedky.
Traduction : « #Campsdelamort où les passeurs et les milices des FDS monnayent aux gens leur propre vie ! Si vous pouvez obtenir de l’argent, vous pouvez quitter le camp »
Selon Ahmed, six personnes sont récemment mortes à Arisha en raison de la hausse des températures et du manque de soins médicaux.
« L’ambulance vient dans le camp chaque jour parce que des femmes et des personnes âgées tombent sans cesse malades en raison de la chaleur, du manque d’hygiène et de la prolifération d’insectes, de serpents et de scorpions. »
Environ 70 000 personnes vivent dans de tels camps, qui se trouvent souvent dans des endroits difficiles d’accès, ce qui complique la fourniture d’aide, selon le CICR.
« Camps de la mort »
Mohamed Hassan, un militant syrien dirigeant la campagne « Camps de la mort » – une initiative en ligne lancée la semaine dernière pour sensibiliser aux conditions dans les camps de déplacés syriens, explique que les civils sont confrontés à des conditions mortelles dans huit camps informels en périphérie de Hassaké et Raqqa, lesquels sont gérés par les FDS.
« De nombreux Syriens quittant leur maison sont transférés par des membres des FDS vers des camps des FDS qui n’ont pas de source d’eau ou d’installations médicales », précise Hassan à Middle East Eye.
Traduction : « #DeirEzzor #Campsdelamort Photos du camp de réfugiés de Rajm al-Salibi sur le front entre les #FDS et #EI »
Les militants rapportent que les résidents des huit camps – Rajm al-Salibi, Arisha, Alhoul et Mabouka en banlieue de Hassaké, Aïn Issa et Karama en banlieue de Raqqa, Ruwaishid et Rukban près de la frontière irakienne – ont signalé de mauvaises conditions et ont déclaré que les ressources vitales, telles que les installations médicales et la nourriture, font défaut.
De nombreux militants syriens connus, y compris Lina al-Shamy et d’autres, se sont joints à la campagne sur Twitter afin de sensibiliser le public à cette question.
Dans son rapport, le CICR a documenté que les tentes de ces camps ont tendance à être placées au milieu du désert, les serpents et les scorpions constituant une menace quotidienne pour les résidents. Plusieurs de ces camps sont mal équipés, dépourvus du matériel médical de base et d’un accès à de l’eau potable, selon Sedky, la porte-parole du CICR.
« La plupart des camps ne disposent pas de médecin sur place. Ils n’ont même pas de bandages, même les choses les plus simples ne sont pas disponibles. En conséquence, les habitants des camps courent le risque de maladies chroniques », a déclaré Ingy Sedky à l’époque.
Les autres camps manquent même du matériel le plus basique, notamment de tentes, les nouveaux arrivants dormant à la belle étoile pendant dix jours en attendant un abri.
La plupart des camps ne disposent pas de médecin sur place. Les habitants des camps courent le risque de maladies chroniques
– Ingy Sedky, porte-parole du CICR
Le CICR a également signalé qu’environ 50 % des résidents du camp sont des enfants. Et la chaleur intense et la surpopulation rendent la situation pire encore.
« En même temps, le nombre total de personnes arrivant chaque jour aggrave la catastrophe », ajoute-t-il en soulignant qu’il y a environ 18 000 personnes dispersées dans les huit camps, qui manquent tous de services de base.
Traduction : Notre peuple dans les #Campsdelamort est en danger et n’a aucun espoir de survie si nous ne les soutenons pas et ne faisons rien pour mettre fin à leur souffrance »
Selon le CICR, les camps de déplacés internes en Syrie manquent de place avec des logements prévus pour entre 2 000 et 10 000 personnes. Et comme les combats se poursuivent, les chiffres au sein des camps augmentent, a indiqué la Croix-Rouge dans un communiqué plus tôt ce mois-ci.
Hassan rapporte à MEE qu’un camp a été établi le long des lignes de front entre les FDS et l’EI, à un endroit, donc, où des civils sont morts en raison des combats.
« L’EI a attaqué les personnes déplacées dans le camp de Rajm al-Salibi le mois dernier alors qu’il se battait contre les FDS et cela a conduit à la mort de 37 personnes à l’intérieur du camp », relève Hassan.
Selon les organisateurs de la campagne, Rajm al-Salibi, situé dans la banlieue de Hassaké, est géré par les FDS et abrite environ 400 familles, dont la plupart ont fui leur maison de Deir ez-Zor.
Mais le porte-parole des FDS, Mustafa Bali, affirme à MEE que ses forces ne gèrent aucun camp à travers la Syrie et ne « se préoccupent que des combats ».
« Vivre dans une prison »
Après avoir fui la violence autour de son domicile à Deir ez-Zor, Mohamed, 22 ans, a été emmené par un membre des FDS au camp de Karama dans la banlieue de Raqqa et interrogé pendant des heures avant d’être laissé sans tente.
« Nous sommes arrivés au camp pour ne trouver que du sable. Les femmes et les enfants ont été emmenés dans une tente, mais on a laissé tous les hommes s’asseoir et dormir à l’air libre, sans rien pour nous abriter de la chaleur du désert », raconte Mohamed à MEE.
Les FDS ne voulaient laisser personne sortir du camp à moins d’être malade ou disposé à payer une énorme somme d’argent
– Mohamed, camp de Karama
« Après cela, chacun de nous a été fouillé et interrogé par des membres des FDS pour qu’ils s’assurent que nous n’étions pas affiliés à l’EI », ajoute-t-il.
Selon Mohamed, lorsqu’il a essayé de quitter le camp, les membres des FDS ne voulaient pas le laisser partir sans qu’il leur paye une somme exorbitante.
« Les FDS ne voulaient laisser personne sortir du camp à moins d’être malade ou disposé à payer une énorme somme d’argent. »
« Pour un jeune homme comme moi, ils voulaient une somme énorme. »
Traduction : « #Syrie : Ce n’est pas une photo d’un film hollywoodien. C’est une enfant qui a échappé à l’EI et les #QSD (#FDS) l’ont placée dans un #Campdelamort sans eau ni nourriture »
Mohamed a vécu dans des conditions difficiles à Karama jusqu’à ce qu’il trouve une occasion de partir.
« J’ai résisté des semaines dans le camp, à dormir en plein air, sans nourriture hormis du pain, sans eau potable et sans toilettes », raconte-t-il.
Il a payé 700 dollars (592 euros) aux FDS pour quitter le camp lorsqu’une femme souffrant de colique néphrétique a été transportée à l’hôpital après leur avoir elle-même versé 400 dollars (338 euros).
Mohamed a finalement atteint Reyhanlı à la frontière syro-turque, mais Ahmed est toujours à Arisha.
« Dans le camp, même essayer de passer un appel est difficile », raconte-t-il à MEE.
« J’ai toujours peur que les FDS me punissent s’ils découvrent que je me suis plaint des conditions [à Arisha] ou que j’ai essayé de communiquer. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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