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Espagne-Maroc : au-delà du match, une vieille histoire passionnelle

Déjà éliminé, avec deux défaites lors de ses deux premiers matches, le Maroc dispute sa troisième et dernière rencontre face à l'Espagne ce lundi 25 juin. Sur le terrain, ce sont plus que des voisins qui s'affronteront
L'attaquant marocain Khalid Boutaïb en pleine action (FIFA)
Par AFP

Le Maroc et l'Espagne sont séparés par les quatorze kilomètres du détroit de Gibraltar. Mais depuis plus d'un siècle, le football joue le rôle de pont entre voisins : passion commune du Clásico Real Madrid-Barcelone, vision du jeu similaire, ou encore joueurs binationaux aux destins croisés.

Pour mesurer l'étroite relation footballistique entre les deux royaumes, nul besoin de se rendre sur un terrain ou dans une boutique truffée de maillots du championnat d'Espagne. Rendez-vous plutôt à la Chambre de commerce espagnole de Casablanca, la surprenante Maison-Blanche des supporters du Real Madrid.

Comment imaginer qu'au cœur de ce sublime bâtiment des années 1960, où officiels, entrepreneurs, et autres capitaines d'industrie approfondissent les liens entre les économies des deux pays, se trouvent les locaux d'une des principales peña du club madrilène sur le sol marocain ?

La « peña madridista » est l'un des huit groupes de supporters officiellement reconnus par le club merengue au Maroc

Fondée en 2003 par le vice-président de la chambre de commerce, la « peña madridista » est l'un des huit groupes de supporters officiellement reconnus par le club merengue au Maroc, sans compter les écoles « socio-sportives » lancées par la fondation Real Madrid dans le nord du royaume maghrébin.

« C'est là où l'on regarde tous les matchs du Real, que ce soit en Liga, en Champions League ou les amicaux, entre amis et entre membres », explique à l'AFP Nabil, 27 ans, l'un des cadres de l'association, en désignant l'écran panoramique qui surplombe un bar et une salle à la décoration 100 % Real, avec même un mannequin taille réelle de Cristiano Ronaldo installé près des maillots dédicacés.

Philosophie du jeu commune

À quelques kilomètres de là, dans un complexe sportif adossé à un luxueux hôtel en bord de mer, des jeunes marocains apprennent même à toucher leur premier ballon... sous le maillot du Barça !

« Il y a une proximité Maroc-Espagne au niveau du jeu, au niveau de la formation », confie à l'AFP Gabriel Hicham Guedira, fondateur de FCB Escola, une ancienne académie du club catalan qui a pris son autonomie depuis 2017.

Pour diffuser une philosophie de jeu inspirée du Barça, M. Guedira a notamment engagé Oscar Rey, jeune formateur de 28 ans qui officiait pour la fédération espagnole.

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« Il y a plus de rivalité ici qu'en Espagne pour le Clásico ! C'est très curieux d'ailleurs. Quand ils sont fans du Barça ou du Real, ce n'est pas à moitié mais à fond », observe-t-il.

Mais pourquoi une telle passion marocaine pour le foot espagnol ? « Philosophiquement, c'est une continuité géographique. Il ne faut pas oublier que les musulmans ont passé neuf siècles en Andalousie. Entre le Maroc et l'Espagne il y a quatorze kilomètres quand même, c'est peu ! », explique à l'AFP le président de la Fédération marocaine Fouzi Lekjaa.

« Sur le plan football, il y a aussi beaucoup de ressemblances : le foot basé sur le talent, le spectacle... C'est cela qui explique l'attachement des Marocains au foot espagnol », ajoute-t-il.

Autour de Tanger et Tétouan, on utilise toujours les mots « gol », « campo » ou « partido » pour évoquer un but, le terrain ou le match de foot

Mais à quand remonte une telle fascination ? Pour comprendre, il faut se rendre dans l'ancien protectorat espagnol (1912-1954) au nord du pays, où demeurent les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Autour de Tanger et Tétouan, on utilise toujours les mots « gol », « campo » ou « partido » pour évoquer un but, le terrain ou le match de foot.

« Le nord du Maroc a été colonisé pendant des dizaines d'années par les Espagnols », rappelle le PDG d'une entreprise d'événementiel Abdelmalek Saoud, qui espère fonder une nouvelle peña pro-Madrid à Tanger.

Les Marocains de la Liga

« Et durant les années 1970-1980, on captait beaucoup plus la télé espagnole que marocaine, donc on suivait beaucoup plus la Liga que le championnat marocain. C'est à partir de là que les jeunes de l'époque ont suivi de plus près une équipe ou une autre. »

Au point de voir dans la génération actuelle six joueurs de la sélection marocaine évoluer en Liga sur les 23 sélectionnés pour le Mondial 2018. Avec pour symbole le latéral du Real Achraf Hakimi, né en Espagne mais qui a opté pour les Lions de l'Atlas.

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Les héritiers d'Abdallah ben Barek, légende marocaine de Malaga, auraient même pu être sept, si l'ancien joueur du Barça Munir el-Haddadi n'avait pas été empêché par le Tribunal arbitral du sport (TAS) de changer sa nationalité sportive espagnole au profit du Maroc.

De là à changer la destinée du derby Espagne-Maroc de ce lundi ? « Quand on a vu l'Espagne au tirage au sort, on s'est dit ‘’On aura chaud’’ ! », craint Nabil. Mais si l'Espagne s'incline, ça risque de chambrer fort dans le local pro-madrilène !

Par Yassine Khiri

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