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Fureur à Bahreïn suite à la détention du chef de l’opposition

Le drapeau britannique est incendié par des manifestants alors que la colère gronde contre Londres pour son soutien à la famille régnante des al-Khalifa
Manifestants bahreinis protestant contre l’arrêt du cheikh Ali Salman, chef du mouvement d’opposition al-Wefaq (AFP)
Par MEE staff

Les affrontements entre police et manifestants au Bahreïn continuent jeudi pour le cinquième jour consécutif alors que les appels de la communauté internationale se multiplient pour demander la libération du célèbre leader de l’opposition.

Les forces de police ont affronté les manifestants à coup de matraques et de bombes lacrymogènes lors d’échauffourées ayant suivi la prière du vendredi à la mosquée Mumen, dans le centre de la capitale Manama. Jusqu’à présent, les agitations s’étaient concentrées dans les villages chiites de la périphérie.

Les manifestants s’étaient rassemblés pour exprimer leur indignation face à la détention du cheikh Ali Salman (49 ans), chef du mouvement d’opposition al-Wefaq, qui est détenu depuis le 27 décembre dernier pour « incitation à la violence aux fins de réaliser le changement politique ».

Selon des groupes de défense des droits de l’homme, des manifestants ont été blessés et d’autres arrêtés lors des manifestations de jeudi.

« Des dizaines de personnes... dont des femmes et des enfants, ont été arrêtées », a indiqué un communiqué de l’Observatoire bahreïni des droits de l’homme.

Les manifestants ont mis feu au drapeau britannique, vraisemblablement en réponse à la récente annonce de construction d’une nouvelle base militaire britannique au Bahreïn.

Le Royaume-Uni est un proche allié de la famille régnante des al-Khalifa. Des activistes politiques ont indiqué à Middle East Eye que les manifestants étaient de plus en plus en colère contre Londres pour son soutien à la monarchie.

« Les critiques et les gestes protestataires à l’encontre des Britanniques, tels que la mise à feu du drapeau, reflètent une colère grandissante à l’encontre du gouvernement britannique et de son ambassadeur au Bahreïn pour leur soutien continu au régime répressif en place », a expliqué Nabeel Rajab, fondateur du Centre bahreïni des droits de l’homme.

« Le Royaume-Uni s’est mis en travers des aspirations du peuple bahreïni, qui se bat pour la démocratie, l’égalité et la justice sociale. Nous ignorons si ces protestations porteront atteinte aux intérêts stratégiques britanniques dans le pays mais il est certain que la colère monte et pourrait rapidement se propager à d’autres pays de la région. »

Condamnation internationale

Tandis que la Grande-Bretagne est restée silencieuse au sujet de l’arrestation du cheikh Salman, un nombre croissant d’acteurs internationaux ont appelé à sa libération, y compris les Etats-Unis dont la cinquième flotte est située sur l’île.

« Les partis d’opposition exprimant pacifiquement leur critique du gouvernement jouent un rôle vital au sein des Etats et sociétés inclusives et pluralistes », a déclaré le département d’Etat américain dans un communiqué mercredi. « Notre crainte est que cette action contre un membre éminent de l’opposition ne fasse qu’aviver les tensions.

« Nous enjoignons fermement le gouvernement du Bahreïn à agir selon la règle de droit en toute circonstance et respecte ses engagements en faveur d’une procédure judiciaire transparente dans le respect de la loi bahreïnie et de ses obligations juridiques internationales. »  

L’Union européenne, pour sa part, a déclaré que l’arrestation du cheikh Salman « risquait de mettre en péril une situation politique et sécuritaire déjà difficile ». La Commission des droits de l’homme de l’ONU a appelé quant à elle à sa « libération immédiate ».

Le gouvernement du Bahreïn a rejeté la critique de l’ONU comme « étrange ».

« Nous sommes étonnés de voir que la mise en examen de figures de l’opposition sur la base de plusieurs violations de la loi ait été adressée comme une question de droits de l’homme », s’est exprimé le ministre bahreïni des Affaires étrangères dans un communiqué de presse jeudi.

Le ministère a insisté sur le fait que le dossier contre Salman était « légal ».

Des protestations, inspirées par le Printemps arabe, ont éclaté au Bahreïn en février 2011 et se sont poursuivies depuis. Les rassemblements, qui avaient dans un premier temps appelé à l’élection d’un tout nouveau gouvernement, ont par la suite incorporé la demande d’un renversement total de la monarchie.

Les dirigeants du Bahreïn ont continuellement affirmé que le mouvement de proteste était instigué par leur puissant voisin iranien qui, selon eux, fourniraient en armes l’opposition. Aucune preuve n’est venue soutenir ses allégations.

Téhéran a également fait part de son inquiétude face à l’arrestation du cheikh Salman, déclarant être « extrêmement inquiet de cette situation ».

« Nous voulons qu’il soit libéré », a annoncé mercredi à la presse Marzieh Afkham, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. « Nous pensons que les mesures de sécurité prises par le gouvernement bahreïni pour résoudre ses problèmes internes sont inadaptées. »

Bahreïn a répondu à cette critique en suggérant à l’Iran de se préoccuper de son propre bilan en matière de droits de l’homme.

« Le ministère condamne la déclaration [iranienne…] relative à l’enquête menée sur un citoyen bahreïni impliqué dans un certain nombre d’actions illégales et d’infractions à la loi », a indiqué un communiqué du ministère bahreïni des Affaires étrangères.

« Nous exprimons en outre notre surprise et notre regret de voir l’Iran adopter une telle politique hostile qui déroge au concept de bon voisinage entre les pays de la région. Nous invitons Téhéran à se préoccuper plutôt des intérêts de nos frères musulmans iraniens qui souffrent de flagrantes violations des droits de l’homme et d’atteintes à la liberté d’expression. »

Le procureur chargé du cas de Salman a indiqué que le leader de l’opposition serait à nouveau interrogé jeudi et confronté à des enregistrements audio de propos qu’il a tenus par le passé.

Il a ajouté que Salman avait été interrogé en présence de ses avocats et qu’il avait été autorisé à recevoir la visite de ses proches.

Dans l’un des enregistrements, Salman raconte comment, alors qu’il se trouvait à l’étranger, il avait rejeté une proposition de « militariser » le mouvement d’opposition.

Le procureur n’a pas expliqué pourquoi l’accent avait été mis sur cet incident, susceptible de contredire l’accusation selon laquelle Salman aurait cherché à renverser le régime par la force.

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