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Iran : les tensions s’intensifient après l’auto-immolation d’un vendeur de rue

Des affrontements avec les autorités iraniennes ont été signalés dans la région d’Ahwaz où la minorité arabe du pays affirme que les persécutions vont croissant
Younes al-Asakirah, un Arabe ahwazi, à l’hôpital après s’être immolé pour protester contre la confiscation de son étal de fruits et légumes par les autorités iraniennes (Facebook)

La semaine dernière, la province d’Ahwaz, une région iranienne riche en ressources naturelles où vit une part importante de la minorité arabe du pays, a été secouée par une série de manifestations et d’affrontements avec les forces de sécurité.

Lundi, des centaines de personnes ont participé au cortège funèbre d’un vendeur de rue qui s’était immolé le 14 mars pour protester contre la confiscation de son étal de fruits et légumes par les autorités iraniennes.

Younes al-Asakirah, 34 ans, est décédé dimanche, laissant derrière lui sa femme et ses deux enfants. Il essayait de subvenir à leurs besoins grâce à son étal de fruits et légumes dans la ville arabe de Mohammarah (nom historique de la ville que les habitants tiennent à utiliser alors que l’Etat la désigne comme Khorramshahr), selon des témoignages de militants locaux publiés sur les médias sociaux.

La police antiémeute iranienne était sur les lieux et a procédé à plusieurs arrestations, après que les participants au cortège sont descendus dans les rues scandant des slogans hostiles au gouvernement.

Les autorités ont fait pression sur la famille Asakirah et retardé la remise du corps afin que les funérailles se fassent discrètement et n’attirent pas les manifestants. Mais les tentatives du gouvernement ont de toute évidence échoué.

Les activistes locaux indiquent que les autorités ont confisqué les étals sans licence en vue d’une visite organisée par l’Etat à Mohammarah visant à montrer à des visiteurs d’autres provinces les ruines qui restent de la guerre Iran-Irak (1980-1988).

« Après la guerre Iran-Irak, Mohammarah a été délibérément laissée en ruines, de sorte que certains réfugiés n’ont pu retrouver leurs foyers » a rapporté à MEE Amir Saedi, un défenseur des droits de l’homme et diplômé en médecine vivant à Londres.

« Outre les familles qui ont été déplacées il y a des dizaines d’années, celles qui sont restées à Mohammarah gagnent difficilement leur vie dans une zone que le régime souhaite continuer à utiliser comme une sorte de ‘’musée en plein air de la guerre’’ à des fins de propagande », a-t-il ajouté.

Manifestations lors de matches de football

Avant la mort de Younes al-Asakirah, la région avait été secouée par des manifestations anti-gouvernementales lorsque les forces de sécurité avaient cherché à réprimer des amateurs de football scandant des slogans pro-arabes lors d’un match le 17 mars.

Lors de ce match, qui a opposé l’équipe locale Foolad Khuzestan à l’équipe saoudienne al-Hilal, les supporters auraient brandi des slogans mettant en valeur leur identité arabe.

De nombreux supporters ont été arrêtés après avoir brûlé des photos de l’ayatollah Ruhollah Khomeini et de l’ayatollah Ali Khamenei, « les guides suprêmes » du pays.

Ce n’est pas la première fois que des manifestations contre le gouvernement étaient organisées par les jeunes Ahwazis suite à un match de football. « Même les récents matches de football se sont transformés en manifestations de masse », avait constaté Daniel Brett, un observateur de la région d’Ahwaz, dans un article publié dans le Huffington Post l’année dernière.

Les tensions dans cette région arabe d’Iran semblent s’être propagées à Londres, où un certain nombre de militants ahwazis ont manifesté mardi en face du bâtiment de la BBC Persan, alléguant que le radiodiffuseur britannique ne couvre pas l’agitation croissante.

Le jour même de la manifestation londonienne, au cours de laquelle la police aurait empêché les militants d’entrer dans le bâtiment pour remettre une lettre de plainte à la direction, la BBC a toutefois publié un rapport sur l’enterrement d’Asakirah.

L’étal d’un vendeur dans la région arabe d’Ahwaz en Iran (Facebook)

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