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Les Palestiniens d’Acre face à des pressions israéliennes croissantes en vue de leur expulsion

Les habitants palestiniens de la vieille ville d’Acre se battent pour conserver leur identité et leur propriété en dépit d’une gentrification rapide
La ville portuaire d’Acre, dans le nord d’Israël, est un site classé au patrimoine mondial qui se transforme rapidement en un centre touristique majeur, mais les habitants palestiniens affirment ne pas en bénéficier (MEE/Jenny Nyman)

ACRE, Israël – Les habitants palestiniens de la vieille ville d’Acre, dans le nord d’Israël, font face à une lutte continue et de plus en plus intense contre les efforts israéliens visant à les faire quitter la ville. Alors que l’identité et le patrimoine palestiniens de la vieille ville sont peu à peu obscurcis, les habitants sont obligés de partir pour laisser place à de riches investisseurs et à des projets touristiques.

L’ancien marché d’Acre (MEE/Jenny Nyman)

Située sur la côte méditerranéenne, dans le nord d’Israël, la ville portuaire d’Acre est l’une des plus anciennes de la région et comporte des signes d’un peuplement continu datant de 4 000 ans. En raison de son histoire riche, associant un patrimoine arabe, croisé et ottoman, elle est devenue en 2001 un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Pendant l’invasion israélienne d’Acre en 1948, environ trois quarts de la population majoritairement palestinienne de la ville ont été déplacés. Aujourd’hui, la plupart des habitants vivant à l’intérieur des remparts historiques de la vieille ville sont des « déplacés internes » palestiniens. Forcés de quitter leurs villes et leurs villages en 1948, ils sont néanmoins restés à l’intérieur des frontières d’Israël et font maintenant partie du million et demi de Palestiniens ayant la citoyenneté israélienne.

La plupart des bâtiments de la vieille ville ont été saisis par Israël en 1948 (MEE/Jenny Nyman)

Alors que la population s’enfuyait, la majorité des habitations de la vieille ville d’Acre ont été confisquées par Israël en 1948 et placées sous le contrôle de la compagnie nationale du logement, Amidar. Jusqu’aujourd’hui, la plupart de ces bâtiments sont administrés par Amidar, qui les loue aux habitants locaux. « Amidar joue un rôle majeur lorsqu’il est question de déplacer la population palestinienne de la vieille ville », affirme Jihad Abu Raya, avocat.

Fenêtre condamnée d’une habitation (MEE/Jenny Nyman)

Par exemple, Amidar refuse souvent de délivrer des permis aux habitants pour effectuer des rénovations ou réparer des détériorations dangereuses. Et lorsque la compagnie émet des permis de rénovation, ceux-ci sont conditionnés au recours à des entreprises spécifiques qui facturent des prix exorbitants. Au final, les habitations sont déclarées « dangereuses » et les habitants sont expulsés. Les bâtiments sont ensuite mis sur le marché privé à des prix qui les relèguent au rang de rêves pour la population locale, explique-t-il.

Un homme parcourt une rue étroite de la vieille ville (MEE/Jenny Nyman)

Amidar est également connue pour ne pas collecter le loyer de ses locataires depuis plusieurs années, accumulant des dettes importantes que les habitants appauvris sont incapables de payer. Bien que les chiffres exacts ne soient pas disponibles, Abu Raya estime que la population totale de la vieille ville a déjà chuté de 8 000 à environ 3 000 habitants au cours des vingt dernières années et que plus de 200 ordres d’expulsion menacent actuellement des habitations du secteur.

« Boutique à vendre » à Acre (MEE/Jenny Nyman)

Même les propriétaires font face à de fortes pressions afin qu’ils vendent et déménagent. Alors que la vague de gentrification qui balaie la vieille ville a suscité une montée en flèche des prix des logements, la population locale est également confrontée à des difficultés socio-économiques et à des services de piètre qualité. Beaucoup sont donc tentés de vendre leur propriété. « Les gens sont poussés à ressentir que cet endroit ne vaut pas vraiment le coup et à ne pas voir qu’ils vendent un vrai trésor », explique Hazar Hijazi, qui a grandi dans la vieille ville.

Mosquée dans la vieille ville d’Acre (MEE/Jenny Nyman)

La vieille ville d’Acre renferme également un certain nombre de sites historiques et religieux importants qui ont été placés sous la protection du waqf islamique en 1948. Cependant, le waqf a ensuite remis le contrôle d’une grande partie de ces sites à la Société de développement d’Acre, qui relève de l’autorité du ministère israélien du Tourisme et qui gère un programme intensif visant à établir la vieille ville d’Acre en tant que destination touristique exclusive.

Le site impressionnant de Khan al-Umdan situé à Acre est fermé et à l’abandon (MEE/Jenny Nyman)

Les projets comprennent notamment le développement de boutiques et de restaurants haut de gamme et la transformation de sites historiques tels que le Khan al-Umdan en de grands hôtels de luxe. En outre, le statut de site classé au patrimoine mondial accordé par l’UNESCO contribue à l’avancement de ces projets dans la mesure où l’organisation onusienne apporte des fonds et des investissements pour des projets de développement à grande échelle principalement réalisés par des sociétés israéliennes ou internationales.

Un homme vend du poisson sur le marché arabe de la vieille ville (MEE/Jenny Nyman)

Bien que les objectifs annoncés par la Société de développement d’Acre incluent le fait de « permettre des conditions de logement et de vie de qualité pour la population de la vieille ville d’Acre », la réalité sur le terrain semble différente.

Les habitants palestiniens ressentent rarement les avantages des projets de développement réalisés dans la ville. Au contraire, ils voient leur patrimoine et leur mode de vie être délibérément obscurcis par une industrie du tourisme contrôlée par Israël, tandis que leurs commerces sont privés de clients et éprouvent des difficultés à concurrencer ceux qui ciblent les touristes aisés.

Des touristes lisent le menu d’un restaurant appartenant à des Israéliens dans le bazar turc d’Acre (MEE/Jenny Nyman)

« Les guides touristiques israéliens font affaire avec des propriétaires de restaurants qui sont prêts à les payer pour qu’ils amènent des groupes de touristes pour un repas », déplore le propriétaire d’un petit restaurant local. « Les guides ont donc un repas gratuit et gagnent de l’argent en même temps, tandis que nous perdons nos clients. »

Une famille juive marche le long du port d’Acre (MEE/Jenny Nyman)

Alors que les Palestiniens continuent de s’accrocher à leur culture et à ce qu’ils ont quitté, la vieille ville d’Acre se transforme rapidement. « Je pense que l’avenir d’Acre ressemblera à celui de Jaffa, affirme Abu Raya. Cela signifie que la majeure partie de la population arabe sera déplacée. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation

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