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Les pays du Golfe en deuil pour Rafsandjani, moins d’indulgence sur les réseaux sociaux arabes

Alors que Ryad, principal adversaire arabe de Téhéran, n’a pas tout de suite réagi, les réseaux sociaux arabes n’étaient pas d’humeur à faire des condoléances
L'ancien président Akbar Hachémi Rafsandjani assiste à l'assemblée semestrielle des experts à Téhéran, le 8 mars 2011 (Reuters)
Par MEE

Quatre pays du Golfe ont envoyé leurs condoléances lundi pour le décès de l’ancien président iranien Ali Akbar Hachémi Rafsandjani, en exprimant leur reconnaissance pour ce pragmatique qui œuvra pour la détente régionale.

Ryad – principal adversaire arabe de Téhéran dans la région du Golfe – n’a pas tout de suite réagi et les réseaux sociaux se sont montrés moins indulgents.

L'ex-président iranien Akbar Hachémi Rafsandjani, l'une des principales figures de la République islamique depuis la révolution de 1979, et qui a présidé de 1989 à 1997, est mort dimanche à l'âge de 82 ans à Téhéran après un malaise cardiaque.

Ses funérailles auront lieu mardi à Téhéran, une journée déclarée fériée parmi trois jours de deuil.

Il a appelé à tisser des liens avec les États arabes

Si Rafsanjani appelait régulièrement à améliorer les relations entre les États arabes du Golfe, selon ses détracteurs, les interventions de l’Iran dans le monde arabe ont alimenté une décennie de violence et de tourmente dans la région.

Il était connu pour entretenir de bonnes relations avec les officiels saoudiens de haut-rang et était perçu comme un personnage clé capable de désamorcer les tensions croissantes à venir entre les pays rivaux de la région.

Sur son compte officiel Twitter, le ministre d’État des Affaires étrangères des Émirats arabes unis Anwar Gargash, a décrit Rafsandjani comme « une des voix du réalisme politique et de la modération ».

Traduction : « Ali Akbar Hachémi Rafsandjani est mort, il était l’une des voix du réalisme politique et de la modération en Iran. Son nom est lié à la république et à la révolution contre le shah. »

Le ministre des Affaires étrangères du Bahreïn, le cheikh Khalid bin Ahmed al-Khalifa, dont le pays entretenait des relations tendues avec l’Iran, a aussi exprimé ses condoléances sur Twitter.

Traduction : « Que Dieu accorde sa miséricorde à Ali Akbar Hachémi Rafsandjani, ancien président de la République d’Iran. »

Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu a aussi adressé ses condoléances sur Twitter en disant qu’il éprouvait « une profonde tristesse ».

Alors que Ryad accuse Téhéran d’être à l’origine des troubles au Bahreïn et même en Arabie saoudite, Téhéran accuse Ryad de comploter pour sa destruction avec Washington.

Dans une interview donnée en août 2015, Rafsandjani avait déclaré au site Al Monitor, que par nature, l’Iran n’avait pas de problèmes avec l’Arabie saoudite ni avec les autres pays arabes « parce qu’il s’agit de pays islamiques et que dans notre Constitution, nous considérons la coopération avec eux comme une priorité ».

Selon lui, les événements en Syrie, en Irak, au Yémen et au Bahreïn font partie des dossiers qui créent de la « distance » entre les pays, mais si les gouvernements arabes et iranien décidaient de travailler ensemble, il serait possible de normaliser la situation.

« Je crois vraiment que c’est possible. Toutefois, nous devons voir où nous mènent ces événements, ce qui est très important », a-t-il précisé.

Les messages de condoléances sont aussi venus des forces arabes pro-iraniennes, dont le Hezbollah au Liban et les groupes houthis au Yémen. « Nous avons perdu un grand homme parmi les figures les plus anciennes de la communauté islamique », a déclaré Hassan Nasrallah, leader du Hezbollah, dans un message, selon le site d’informations arabophone al-Ahed.

Les réseaux sociaux moins compatissants

Mais les réseaux sociaux arabes ont été moins indulgents que leurs gouvernements, en raison de l’implication profonde de l’Iran dans les conflits politiques et militaires dans le monde arabe depuis 2011, en particulier le conflit syrien où Téhéran est accusée d’aggraver la dimension confessionnelle de la guerre civile.

La réputation de réformiste de Rafsandjani – selon les standards iraniens – n’a pas aidé à améliorer les réactions en ligne à sa mort.

Hussein al-Muaeyed, un ancien religieux chiite irakien, qui a converti son groupe au sunnisme, a tweeté : « Il n’est pas important que Rafsandjani meure ou vive encore de longues années, car il était un pilier d’un régime hostile et sectaire qui a opprimé son propre peuple et ravagé la communauté islamique mondiale. Ce qui est important, c’est que sa mort marque la chute de son régime. »

Tweet de Hussein al-Muaeyed

Des journalistes arabes militants ont aussi mis en avant le chauvinisme perse de plus en plus important dans la relation entre l’Iran et le monde arabe.

Traduction : « Le Perse raciste Rafsandjani est mort. Une fois, dans les journaux iraniens, il a décrit les Arabes comme des Roms. Espérons que le boucher Khamenei mourra bientôt lui aussi. »

D’autres ont contesté les qualités réformistes de Rafsandjani, en attirant l’attention sur le rôle de l’ancien président dans le massacre de la prison en 1988 qui mena à l’exécution de plusieurs milliers de prisonniers politiques et de religieux sunnites.

Traduction : « Saviez-vous que Rafsandjani était conseiller de Khamenei lors du massacre de 1988 où 30 000 politiques ont été tués ?!! Et maintenant Tawfiq al-Seif (un chroniqueur saoudien) prie pour sa miséricorde et le considère comme une réformiste ?!! »

La mosquée al-Azhar critiquée

Mais les réactions n’ont pas été homogènes – sur les réseaux sociaux, certains ont critiqué les institutions sunnites de ne pas faire davantage le deuil.

Un compte a même attaqué la mosquée al-Azhar, en Égypte, considérée comme un des instituts les plus prestigieux du monde sunnite, pour avoir refusé de publier des condoléances pour le décès du président.

Traduction : « Jusqu’à maintenant, la mosquée al-Azhar, dont on ne sait pas la dernière fois qu’elle a été vénérable, n’a pas passé de condoléances pour la mort de l’ayatollah Rafsandjani !! En sachant que le cheikh décédé était l’un des piliers de la jurisprudence islamique. »

Traduit de l'anglais (original).

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