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Royaume-Uni : flambée des crimes de haine et des injures racistes après le Brexit

Tandis que les données à travers le pays montrent une hausse des crimes de haine suite au référendum, une victime d’injures racistes confie à MEE que c’est « comme remonter le temps jusqu’aux années 1970 »
Un membre de la Ligue de défense anglaise, une organisation de droite, crie sur la police escortant des manifestants musulmans à Londres le 11 septembre 2011 (AFP)

Les signalements de crimes de haine contre les musulmans, les migrants de l’UE et les Britanniques d’origine non-blanche ont fortement augmenté depuis que le Royaume-Uni a voté sa sortie de l’Union européenne, selon la police et les utilisateurs des réseaux sociaux.

Un site de signalement des crimes de haine de la police a indiqué lundi qu’il y a eu un pic de 57 % des incidents racistes signalés depuis le vote de jeudi dernier. Le Conseil national des chefs de la police (NPCC) a déclaré qu’il y avait eu 85 signalements entre le jeudi 23 juin et le dimanche 26 juin contre 54 signalements pour les quatre jours correspondants il y a un mois.

Utilisant le hashtag #PostRefRacism, des centaines de personnes se sont également tournées vers les réseaux sociaux pour documenter et mettre en évidence des cas de crimes de haine dont elles ont été témoins ou victimes le week-end suivant le vote en faveur de la sortie de l’UE.

Beaucoup de ceux qui auraient été attaqués affirment que leurs agresseurs ont cité la décision de la Grande-Bretagne de quitter l’UE pour justifier leurs actions.

Une Londonienne de 46 ans, mi-Égyptienne et mi-Pakistanaise mais qui est née, a été éduquée et a ensuite travaillé au Royaume-Uni toute sa vie, a raconté à Middle East Eye comment elle avait été agressée verbalement dans une rue animée du Surrey, samedi après-midi.

Elle rendait visite à sa mère âgée quand un homme d’une trentaine d’années a commencé à crier que la Grande-Bretagne allait retrouver sa grandeur et obtiendrait des millions de l’UE.

« Il s’est retourné pour me regarder et m’a dit : ‘’Vous – les gens comme vous – ne serez plus là d’ici peu’’ », a-t-elle rapporté. « J’étais tellement stupéfaite. Cela ne m’était jamais arrivé auparavant. Je suis née et j’ai vécu à Londres toute ma vie. »

Elle a dit avoir peur de donner son nom aux médias au cas où sa mère âgée venait à découvrir l’incident et qu’elle se sente isolée et ait peur. Pour elle, la campagne pour le Brexit a contribué à fournir un exutoire au discours de haine.

« Je ne sais pas si cela présage des choses à venir et je ne pense certainement pas que les gens qui ont voté pour la sortie approuvent ce genre de comportement, mais la façon dont la campagne a été menée a donné une tribune à une petite minorité et a donné à cette minorité [raciste] le courage de s’exprimer. »

« J’ai l’impression qu’en un week-end, nous avons remonté le temps jusqu’aux années 1970. »

Le responsable des crimes de haine du NPCC, l’adjoint au chef de la police Mark Hamilton, a déclaré dans un communiqué que True Vision, le site de signalement des crimes de haine de la police, avait connu une « augmentation des signalements des crime de haine » au cours des derniers jours.

« Ce qui se passe est similaire aux tendances suivant d’autres grands événements nationaux ou internationaux. Dans les cas précédents, les taux de criminalité sont revenus à la normale assez rapidement, mais nous suivons de près la situation », a-t-il ajouté.

La conseillère municipale travailliste Alice Perry a rapporté qu’un de ses collègues avait été agressé verbalement à Londres.

Traduction : Quelqu’un s’est approché d’un de nos conseillers municipaux noirs à Sainsbury’s et lui a dit : « Retourne dans ta jungle, le singe, dégage de mon f**tu pays » – Alice Perry (@aliceperryuk)

Le Londonien « Kerem Brulee » a quant à lui raconté sur Twitter que, dans une banque du nord de Londres, une femme lui aurait crié : « On est en Angleterre. Nous sommes blancs, tire-toi de mon pays. »

https://twitter.com/KeremBrulee/status/746748379921813508?ref_src=twsrc%5Etfw

Traduction : Parmi les électeurs qui se décrivent comme blanc, 53% ont voté pour la sortie. Plus de 2/3 des électeurs asiatiques et presque 3/4 des électeurs noirs voulaient rester – kerem @KeremBrulee

Traduction : Des hommes scandant « DEHORS, DEHORS, DEHORS » à des musulmanes à Brockley. Femme dans une banque d’Enfield criant « On est en Angleterre. Nous sommes blancs, tire-toi de mon pays » – kerem @KeremBrulee

Basheera Khan, qui vit également à Londres, a tweeté : « un homme [Anglais blanc] m’a qualifiée d’étrangère. À voix haute. Ma première expérience du racisme ordinaire à Londres. Merci au Brexit »

De nombreux signalements d’agressions contre les migrants de l’UE sur les réseaux sociaux, en particulier les migrants polonais, ont également fait surface.

La police métropolitaine de Londres a été appelée à enquêter sur les graffitis racistes qui auraient été écrits sur un bâtiment de la communauté polonaise à Londres lundi matin selon le Evening Standard.

La police enquête également sur un crime de haine dans la ville de Huntingdon, dans le Cambridgeshire, où les familles polonaises ont reçu des cartes rédigées en polonais et en anglais qui disaient : « Sortie de l’UE, plus de vermine polonaise » le jour des résultats du référendum.

Traduction : Ces cartes ont réellement été mises dans les boîtes aux lettres de familles polonaises à Huntingdon aujourd’hui. J’en pleurerais – fencelt @howgilb

Les organisations communautaires musulmanes et polonaises ont publié des communiqués condamnant les crimes de haine qui ont été signalés et ont demandé à leurs communautés de signaler tout incident dont elles sont victimes ou témoins à la police.

L’Ambassade de Pologne au Royaume-Uni a publié une déclaration sur Twitter faisant part de son « choc » et de son inquiétude concernant les « incidents récents d’attaques xénophobes contre la communauté polonaise » et a exhorté les ressortissants polonais qui sont victimes ou témoins de violences xénophobes à les signaler aux autorités locales.

Le Conseil musulman de Grande-Bretagne (MCB) a déclaré à Middle East Eye qu’il prévoyait de conseiller les mosquées à travers le Royaume-Uni sur la façon de signaler les crimes de haine et de se mettre en relation avec les forces de police locales en prévision des éventuels crimes de haine dans les quelques derniers jours du Ramadan.

« Une certaine haine contre les immigrés couvait sous la surface depuis longtemps », a déclaré à MEE le secrétaire général adjoint du MCB, Miqdad Versi.

« Il y a eu une vague de haine contre les migrants de toutes origines. Que ce soit le passage à tabac d’un Polonais ou les insultes à l’encontre d’une musulmane portant le hijab. »

Versi estime que les résultats du référendum ont légitimé les opinions de « ceux qui veulent nous diviser » puisqu’une « majorité de personnes a voté conformément à leur position sur l’immigration ».

Versi fait valoir que l’intolérance envers les immigrants au Royaume-Uni a été alimentée par les médias et les politiciens pendant des années à des fins électorales.

Après ce week-end, le député travailliste Jess Philips a posé une question au Parlement pour demander des informations sur une augmentation éventuelle des incidents de haine raciale signalés au cours du week-end par rapport à la situation avant le référendum.

Traduction : Je vais soumettre une question parlementaire pour connaître tous les incidents de haine raciale au Royaume-Uni ce week-end par rapport à la semaine dernière. – Jess Phillips MP (@jessphillips)

Le maire de Londres Sadiq Khan a appelé le public à « surveiller » les crimes de haine. Il a été rejoint par le commissaire de la police métropolitaine de Londres Bernard Hogan Howe, qui a ordonné à ses hommes d’être « extrêmement vigilants » concernant les crimes de haine dans une conférence de presse donnée mardi.

Carl Foulkes, l’adjoint du chef de la police des West Midlands, où beaucoup ont voté pour quitter l’UE, a déclaré : « Nous avons analysé les chiffres enregistrés concernant les crimes de haine du 1er avril au 26 juin et n’avons pas constaté de flambée des infractions depuis l’annonce des résultats du référendum.

« En moyenne, nous enregistrons dix crimes de haine par jour et le nombre d’incidents qui nous ont été signalés dans les trois derniers jours correspond à la moyenne. »

Cependant, la chercheuse et analyste politique Farah Elahi, du Runnymede Trust, affirme qu’en dépit d’une augmentation constante du signalement des crimes de haine au fil des ans, « ils sont encore largement non signalés puisque l’enquête 2014 sur la criminalité en Angleterre et au Pays de Galles a souligné que 43 % des crimes de haine ne sont pas signalés à la police. »

Hamilton a ajouté : « Nous encourageons fortement tous ceux qui pensent qu’ils peuvent avoir été victimes ou témoins d’un crime de haine à le signaler en appelant la police au 101, en contactant Crimestoppers ou en utilisant le site Web True Vision, où vous pouvez également trouver des conseils pour assurer votre sécurité. En cas d’urgence, composez toujours le 999.

« Tout le monde a le droit de se sentir en sécurité et d’avoir confiance en soi. Être soi-même n’est pas un crime : le crime de haine en est un.

« Les crimes motivés par la haine ou l’hostilité envers une personne en raison de ce qu’elle est ou de ses croyances religieuses sont absolument déplorables et ne seront pas tolérés. »

Karen Bradley, ministre de la Prévention de la violence, de l’exploitation et de la criminalité a déclaré dans un communiqué de presse : « Le gouvernement travaille en étroite collaboration avec les communautés pour accroître les signalements et accroître la confiance dans le fait que leurs préoccupations au sujet des crimes de haine seront prises au sérieux par la police et les tribunaux. »

Le gouvernement, dit-elle, n’a commencé à signaler les incidents concernant l’islamophobie qu’en avril dernier dans le but de mieux « comprendre la nature des crimes de haine ».

Le Premier ministre britannique David Cameron a déjà critiqué « l’obsession » de la campagne en faveur du Brexit concernant les immigrants, l’accusant d’attiser l’intolérance et la division en raison de ses avertissements extrêmes sur l’immigration et suggérant que la Grande-Bretagne serait considérée comme un pays « étroit, insulaire et autocentré » si elle quittait l’UE.

Cameron a également demandé des actions contre l’intolérance lors d’une réunion du Cabinet lundi et a déclaré au Parlement dans sa première déclaration après le référendum sur l’UE qu’il avait la « responsabilité » de rassembler le pays.

La campagne en faveur du Brexit n’avait pas répondu aux sollicitations de MEE au moment de la publication.

– Reportage additionnel de Simona Sikimic.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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