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Tension dans le Golfe : comment ont réagi les chefs de gouvernement arabes et du monde entier

Alors que la crise s’aggrave, la Russie, la Turquie et l’Inde lancent un appel au calme
Riyad a donné quatorze jours à ses citoyens pour quitter le Qatar (AFP)

Commentateurs, politiciens et activistes arabes ont réagi à l’impasse dans les relations entre le Qatar et d’autres états de Golfe en appelant à l’unité arabe et en rejetant la responsabilité sur le président américain Donald Trump.

Lundi, l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis et Bahreïn ont tous mis fin à leurs relations avec le Qatar. Les ramifications de cette décision incluaient la sortie du Qatar de la coalition qui se bat au Yémen. Riyad a ordonné à ses citoyens de quitter le Qatar sous quatorze jours et a interdit aux Qataris d’entrer sur le sol du royaume. Les avions en provenance du Qatar ne seront plus autorisés à survoler la péninsule arabique.

Le responsable, c’est Trump

Le diplomate iranien Hamid Aboutalebi a accusé Donald Trump d’avoir provoqué ce conflit lors de la récente visite à l’Arabie saoudite du président américain, où il participait à un sommet des chefs de gouvernements arabes :

Traduction : « Ce qui arrive aujourd’hui a été provoqué par la danse de Trump à Riyad »

Cette opinion a été reprise par le Palestinien Adham Abu Selmia :

Traduction : « Mais qu’y avait-il dans le vin bu par les chefs arabes avec Trump ? Ce qui est sûr, c’est qu’après son départ, ils ont été frappés de folie collective et se sont mis à se battre. »

On redoute l’escalade

Mohammad Mukhtar Alshanqeety, écrivain et journaliste basé au Qatar, a émis des mises en garde contre les risques stratégiques qui pèsent sur la région :

Traduction : « Ceux qui ont rompu leurs relations avec le Qatar comprendront leurs erreurs plus tard, parce qu’ils abandonnent le Golfe, vulnérable stratégiquement en ces temps dangereux »

D’autres ont comparé le désaccord à un siège. Nasser Duwailah, avocat koweitien et ancien député, a prévenu que la gravité du conflit pourrait dépasser le simple échange de propos.

Traduction : « Sièges terrestre ainsi que blocus aériens et maritimes sont plus graves que l’interruption des relations diplomatiques : ils constituent la phase finale précédant la guerre. Nous adjurons les leaders du Golfe à sauver notre histoire et nos proches »

De plus larges motifs

Amr Abdulhadi, activiste égyptien, a rejeté la faute sur les EAU :

Traduction : « Les EAU essaient de démanteler le GCC [le Conseil de Coopération du Golfe] et ils viennent aujourd’hui de franchir la première étape »

Abdullah Al-Athbah, rédacteur du journal Alarab, quotidien basé au Qatar, a tweeté :

Traduction : « Les deux plus grands pays arabes ont décidé de placer le Qatar en état de siège, avec l’intention de l’étouffer. Certaines personnes diront que c’est un petit pays… Erreur, c’est un pays important »

Selon Saed Alhaj, activiste arabe en Turquie, plusieurs États de Golfe seraient hypocrites.

Traduction : « S’ils appellent à rompre les relations avec le Qatar, c’est parce ce pays entretient des relations avec l’Iran. En même temps, eux-mêmes conservent des relations fortes avec l’Iran. Les EAU échangent beaucoup avec l’Iran »

Unité arabe

D’autres en ont appelé à plus d’unité arabe. Feras Abu Helal, écrivain basé à Londres, a souligné le tragique de voir la querelle s’aggraver le 5 juin – jour anniversaire de la guerre de Six jours en 1967, où Israël s’est emparé de Jérusalem-Est ainsi que d’autres territoires.

Traduction : « Le jour de naksa [jour de la commémoration de l’occupation israélienne], des Arabes ont décidé d’instaurer un blocus contre d’autres Arabes, tandis que les États-Unis et la Chine les appelaient à s’asseoir à la table des négociations !! Honte sur nous ! »

Jaber Alharmy, ancien rédacteur au quotidien Al-sharq au Qatar a écrit ceci :

Traduction : « Absolument toutes les familles arabes en Arabie saoudite, aux EAU et au Bahrein ont des liens avec le Qatar. Comment concevoir trancher ces membres du corps auquel ils appartiennent ? »

Turky Shalhoop, activiste saoudien, a exprimé sa tristesse à l’égard des Qataris vivant en Arabie saoudite...

https://twitter.com/Turkeyshalhoub/status/871698121989935105

Traduction : « Poser un ultimatum au départ des Qataris constitue une très fâcheuse initiative. Même les Iraniens n’ont pas été confrontés à une telle situation en Arabie saoudite lorsque les relations diplomatiques ont été interrompues »

... tandis qu’Ismael Yasha, journaliste turc, comparait la situation à celle de la Turquie pendant le coup d’État manqué de 2016 :

Traduction : « On se croirait au temps du coup d’État manqué en Turquie ! Nos frères au Qatar doivent démontrer la plus grande fermeté contre cette abominable conspiration »

Réactions internationales

Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a exprimé lundi sa tristesse devant ce désaccord et demandé que reprenne le dialogue pour une résolution de ce différend.

« À nos yeux, la stabilité de la région de Golfe est aussi importante que notre propre unité et solidarité », a déclaré Cavusoglu pendant une conférence de presse. « Il est certes normal que des pays rencontrent des problèmes, mais ce qui compte c’est maintenir le dialogue, quelles que soient les circonstances, et résoudre paisiblement les problèmes. Nous sommes attristés devant le spectacle de la situation actuelle et mettrons tout en œuvre pour obtenir sa normalisation. »

« Ce qui compte c’est de  maintenir le dialogue, quelles que soient les circonstances, et résoudre paisiblement les problèmes »

- Ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu

L’Iran a appelé le Qatar, l’Arabie saoudite ainsi que d’autres États arabes du Golfe à résoudre leurs problèmes par la voie diplomatique et souligné que l’aggravation des tensions ne contribuerait en rien à la résolution de la crise au Moyen-Orient, a-t-il été déclaré à la télévision d’État.

« S’ils veulent résoudre les différends régionaux et conflits actuels, il leur faut adopter des méthodes pacifiques, des dialogue transparent et de la diplomatie », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bahram Qasemi. « Une aggravation des tensions ne profitera à aucun pays de cette région. »

Un haut fonctionnaire iranien a dit lundi que la décision de certains États arabes du Golfe et de l’Égypte de rompre des relations diplomatiques avec le Qatar ne contribuerait en rien à mettre fin à la crise au Moyen-Orient.

Le Kremlin a indiqué qu’il était de l’intérêt de la Russie de voir le Golfe retrouver une situation « stable et pacifique ».

Lors d’une téléconférence de presse, le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, a indiqué que Moscou comptait bien que ce désaccord n’affecterait pas « la détermination de l’engagement commun » à combattre ensemble le « terrorisme international ».

Ce qu’en dit l’Asie du sud

Le Pakistan n’a, dans l’immédiat, aucune intention d’interrompre ses relations diplomatiques avec le Qatar, a assuré un porte-parole pour le ministère des Affaires étrangères de la nation sud-asiatique.

Notre pays « n’en a aucunement l’intention », a promis le porte-parole, Nafees Zakaria, suite à l’interruption lundi des relations diplomatiques avec le Qatar par l’allié clé d’Islamabad – l’Arabie saoudite – ainsi que par trois autres nations du Moyen-Orient, qui a pris le monde entier par surprise.

« Notre unique préoccupation concerne nos concitoyens Indiens qui se trouvent là-bas. Nous nous efforçons de voir si des Indiens sont bloqués dans ce pays »

- Ministre indienne des Affaires étrangères, Sushma Swaraj

« Pour l’heure, nous n’avons aucun commentaire à faire sur la situation du Qatar ; [nous] publierons une déclaration si l’évolution du conflit l’impose », a indiqué Zakaria.

La population pakistanaise compte une forte proportion de musulmans chiites et elle a été ces dernières années prise entre deux feux lors de la querelle entre son allié sunnite, l’Arabie saoudite et l’Iran voisin, à majorité chiite.

De même, l’Inde a déclaré ne pas avoir été impactée par le conflit, a déclaré lundi la ministre des Affaires étrangères, Sushma Swaraj : « Cette situation ne nous pose aucun problème. C’est une affaire intérieure au GCC [Conseil de Coopération de Golfe]. Notre seule inquiétude concerne nos concitoyens indiens habitant là-bas. Nous mettons tout en œuvre pour savoir si des Indiens sont bloqués dans ce pays », a-t-elle indiqué aux reporters.

Traduit de l’anglais (original) par [email protected]

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