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Un nouveau dirigeant palestinien émergera d’une nouvelle intifada, affirme un leader du Hamas

Ahmed Yousef encourage les jeunes Palestiniens à mener leur combat pour un État indépendant mais soutient que les annonces d’une 3e Intifada sont prématurées
Ahmed Yousef, un haut responsable du Hamas, lors d’une conférence de presse (Facebook)

Le leader d’une nouvelle intifada émergera d’entre les rangs de ces jeunes Palestiniens responsables des agitations populaires qui secouent actuellement Israël et les territoires palestiniens occupés, a déclaré à Middle East Eye un haut responsable du Hamas.

« C’est la jeunesse qui dirige tout le monde en ce moment, sans personne en charge en particulier », a indiqué Ahmed Yousef, ancien conseiller politique du vice-président du bureau politique du Hamas Ismaël Haniyeh.

« Je pense que si [cette agitation populaire] prend de l’ampleur et devient une intifada, ils trouveront quelqu’un parmi les jeunes qui créera un nom pour les désigner. Le peuple [palestinien] suivra [la personne choisie] et tout le monde, de toutes les factions politiques, joindra [le mouvement]. »

Ahmed Yousef est vu par le Hamas comme une passerelle vers l’Occident et reçoit régulièrement des délégations internationales à Gaza. Il a vécu de nombreuses années aux États-Unis puis est retourné à Gaza en 2005, suite au retrait d’Israël de l’enclave palestinienne.

À 65 ans, il dirige maintenant l’Institut palestinien pour la résolution de conflits et la gouvernance à Gaza, après avoir occupé de nombreux postes proéminents au sein du Hamas. Il demeure une figure influente du mouvement.

Lors d’une interview téléphonique accordée à MEE jeudi dernier, Ahmed Yousef a appelé les Palestiniens à ne pas se laisser « enfermés dans la mentalité » consistant à rechercher leurs leaders parmi les politiciens actuels, ajoutant que le temps était venu pour que la jeune génération palestinienne prenne le contrôle de la lutte pour un État.

Alors que de nombreux observateurs ont décrit la violence qui s’est abattue en Israël et dans les territoires palestiniens comme une nouvelle intifada (56 Palestiniens et 8 Israéliens ont été tués depuis le début du mois d’octobre), Yousef pense pour sa part qu’il est trop tôt pour annoncer la venue d’un troisième soulèvement palestinien.

Plus de 3 000 Palestiniens et 1 000 Israéliens avaient perdu la vie durant la dernière intifada, de 2000 à 2005.

« Trois étapes » dans une intifada

Ahmed Yousef estime qu’il existe trois étapes à compléter avant de pouvoir dire qu’une intifada a commencé.

« Maintenant, nous avons une agitation populaire – c’est la première étape », a-t-il dit. « Peut-être qu’après un ou deux mois, si plus de personnes sont impliquées, elle s’étendra davantage à l’intérieur [d’Israël] et nous nous dirigerons vers la deuxième étape. La deuxième étape adviendra quand toutes les factions politiques y participeront et l’organiseront.

« La troisième étape consiste à trouver un leader – quelqu’un qui puisse représenter toutes les factions, les groupes nationalistes et islamistes. Cette personne doit être capable de formuler une vision de ce que nous voulons obtenir à travers une intifada. »

Ahmed Yousef est depuis longtemps connu pour être une voix indépendante au sein du Hamas. Son opinion selon laquelle une intifada n’a pas encore débuté va à l’encontre de celle d’autres responsables du Hamas qui, le 20 octobre, annonçaient le début d’un nouveau soulèvement.

Bien que certains membres du Hamas aient exprimé leur soutien envers les attaques au couteau qui ont eu lieu ces derniers temps, Ahmed Yousef a précisé qu’il « ne s’agissait pas d’une tactique du Hamas ».

Il n’a toutefois pas critiqué ces agressions à l’arme blanche, tâchant plutôt d’expliquer le contexte socio-politique qui, selon lui, en est la cause.

« Nous avons un peuple désespéré et humilié qui utilise le seul outil à sa disposition, a-t-il affirmé. Ils n’ont pas d’autres moyens de se défendre. Il y a eu de nombreuses initiatives non-violentes pendant des années mais cela n’a peut-être pas été très efficace.

« Peut-être que la seule chose qu’il reste aux Palestiniens est un couteau, une pelle mécanique ou une voiture. Ces attaques sont un message adressé à la communauté internationale qui dit ‘‘Nous, les Palestiniens, continuons de souffrir de l’occupation et nous avons besoin que le monde fasse quelque chose”. »

Les vidéos de Palestiniens attaquant des Israéliens au couteau ont provoqué de nombreuses condamnations, alors que le soutien international pour la cause palestinienne a grimpé en flèche suite à l’attaque brutale d’Israël contre la bande de Gaza l’été dernier.

Ahmed Yousef ne s’est montré guère préoccupé par le fait que ces attaques à l’arme blanche puissent avoir un impact négatif sur l’image des Palestiniens à l’étranger. Selon lui, les réseaux sociaux ont permis à l’opinion publique de se forger un avis indépendant sur le conflit, d’une manière qui n’était pas possible auparavant.

Les réseaux sociaux « enfoncent les barrières »

« Les Israéliens étaient habitués à contrôler les discours sur le conflit, a-t-il expliqué. Aujourd’hui, en revanche, les réseaux sociaux enfoncent les barrières et les gens ont la possibilité d’entendre la version palestinienne. Je crois vraiment que les gens saisissent l’ampleur de notre souffrance. »

Selon Ahmed Yousef, la dernière vague de troubles a été causée par la violence des colons israéliens, citant notamment l’incendie criminel de la maison d’une famille palestinienne en Cisjordanie, lors duquel avait péri un jeune enfant.

Il a affirmé qu’une Troisième Intifada pourrait être évitée si Israël « punissait les colons et cherchait en bonne foi une solution politique au conflit ». Il a appelé la communauté internationale à intervenir et à « dire à Israël que trop c’est trop, et que les Palestiniens devraient avoir leur propre État ».

Ahmed Yousef a prévenu que dans la bande de Gaza, dirigée par le Hamas depuis 2006, le taux de chômage de plus de 60 % parmi les jeunes a transformé l’enclave en une « cocotte-minute » de frustration prête à exploser.

« Le Hamas ne peut pas faire grand-chose pour ces jeunes tant que durent l’occupation et le siège, a-t-il déclaré. Nous ne pouvons rien faire pour aider cette nouvelle génération à améliorer ses conditions de vie ».

Ahmed Yousef a affirmé qu’il n’était pas préoccupé par le fait que des Palestiniens à Gaza puissent diriger leur colère à l’encontre du Hamas, soutenant qu’ils « savent que c’est Israël qui est à l’origine de leur souffrance ».

« Les gens sont aussi en colère contre l’Autorité palestinienne, qui n’a rien fait pour améliorer leur vie à Gaza. Ils sont également en colère contre l’Égypte – ils pensent que l’Égypte fait aussi partie du problème », a-t-il dit en faisant référence à la façon dont Le Caire coopère avec Israël pour le maintien du blocus de Gaza.

Parmi les nombreux problèmes auxquels fait face Gaza a émergé ces derniers mois la menace du groupe État islamique (EI), qui semble désormais être présent dans l’enclave, ayant revendiqué une série d’attaques à la roquette et d’attentats à la voiture piégée.

Selon Ahmed Yousef, la capacité de l’EI à recruter parmi la population palestinienne dépend du siège imposé par Israël sur Gaza.

« Il est plus facile pour ces gens de recruter quand il n’y a pas de travail. Cela leur permet de leur laver le cerveau de façon très négative ».

Yousef s’est pourtant déclaré peu préoccupé par la menace de l’EI, indiquant que le Hamas se chargeait du problème.

« [L’EI] est ici [à Gaza] mais en nombre limité. Ces gens [les membres de l’EI] sont encore sous [notre] contrôle – ils sont conscients de la colère du Hamas.

« Je ne pense pas qu’ils osent faire autre chose que tirer des roquettes de temps à autre pour donner l’impression qu’ils sont présents. Je ne pense pas qu’ils puissent faire quoi que ce soit qui nuise à la stabilité et à la sécurité à Gaza. »

Traduction de l’anglais (original)

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