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EXCLUSIF : Une rançon de 4 millions d’euros demandée pour les otages enlevés en Libye

Les deux Italiens et le Canadien enlevés le 19 septembre en Libye seraient, selon des sources sécuritaires, aux mains d’un groupe mené par un Algérien en lien avec AQMI mais agissant pour son propre compte
Dans les négociations menées pour obtenir la libération des otages, les intermédiaires, des membres des tribus du Fezzan, jouent un rôle capital entre les gouvernements et les ravisseurs (AFP)

Une rançon de 4 millions d’euros et la libération de deux prisonniers détenus en Algérie : selon des sources sécuritaires algériennes, voilà quelles seraient les exigences du groupe armé qui a enlevé les trois ressortissants étrangers près de Ghat, dans le sud libyen, le 19 septembre dernier.

Deux Italiens, Bruno Cacace, 56 ans et Danilo Calonego, 68 ans, et un Canadien prénommé Frank travaillaient comme ingénieurs pour la société italienne Contratti Internazionali Costruzioni (CO.I.COS) à l’aéroport de Ghat.

Si la zone où ils ont été kidnappés – entre Ghat et Taharat, deux oasis dans le Fezzan – est connue pour être fréquentée par al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), et en particulier par les hommes de Mokhtar Belmokhtar (l’auteur de la prise d’otages de Tiguentourine en janvier 2013), il semble que les ravisseurs, même s’ils ont des liens avec AQMI, agissent pour leur propre compte.

« Le groupe est composé de Libyens et d’Algériens et l’homme qui les commande est algérien. Il s’appelle Abdellah Belakahal », a indiqué à Middle East Eye une source sécuritaire algérienne.

Attaque contre le site gazier de Kherchba

Que sait-on de lui ? Toujours selon l’enquête, il aurait mené l’attaque contre le site gazier de Kherchba, dans le sud algérien, près de Ghardaïa.

Le 18 mars dernier, un groupe de six hommes armés, pour l’essentiel des Mauritaniens, avait attaqué le site, le troisième plus grand champ de gaz en Algérie, par des tirs de roquettes. L’assaut n’avait fait aucune victime.

Les écoutes téléphoniques des services de sécurité avaient révélé que l’opération avait été organisée par la katiba al-Fourkane (le Coran) d’AQMI.

« Nous savons notamment qu’Abou Mohamed el-Tergui, de son vrai nom Salam Ghinan, un Algéro-Malien jusque-là localisé à Tombouctou, fief de la katiba al-Fourkane, était impliqué dans cette attaque », précise un cadre des renseignements de l’armée algérienne.

Intermédiaires tribaux pour les négociations

« Existe-t-il un lien entre lui et Abdellah Belakahal ? Rien ne le prouve pour l’instant mais une chose est sûre : pour prendre d’assaut le site, les hommes d’AQMI avaient besoin de relais locaux, dont Belakahal pouvait faire partie », poursuit-il.

Car l’homme en question est originaire de la commune de Hassi Gara, à quelques kilomètres au sud de Ménéa.

Les autorités algériennes, qui entretiennent d’étroites relations avec les tribus touarègues et toboues de la région auraient, à la demande des Italiens, ouvert un canal pour faciliter les négociations entre les gouvernements et les ravisseurs. 

Le lien familial passe avant tout

Une source sécuritaire algérienne précise que le groupe de Belakahal a menacé, si la rançon n’était pas payée, « de livrer les otages à AQMI ou à une cellule du groupe État islamique (EI) ».

« L’enquête judiciaire qui a suivi l’attaque de la base de Kherchba estime qu’Abdellah Belakahal agit de manière autonome mais nous pensons qu’il est lié à AQMI », poursuit notre source. « Il n’y a aucune contradiction là-dedans. Dans cette région, les liens familiaux et tribaux prévalent sur l’appartenance à une organisation terroriste. »

Or justement, le groupe de ravisseurs aurait réclamé, en plus de la rançon, la libération de deux prisonniers dont le frère d’Abdellah Belakahal, incarcéré pour trafic d’armes.

« Belakahal aurait enlevé les ressortissants pour répliquer aux autorités algériennes qui, après l’attaque du site gazier de Kherchba, ont inscrit ses parents et deux de ses frères sur une liste de personnes recherchées. »

Selon un notable de Ghat contacté par MEE, les discussions, menées par des intermédiaires tribaux libyens – les mêmes qui avaient négocié la libération du wali (préfet algérien) d’Illizi enlevé en 2012 – seraient « en bonne voie » et « les otages devraient bientôt être libérés ».

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