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Les services secrets israéliens ne pensent pas que l'Iran fabrique des armes nucléaires

Des documents du Mossad récemment dévoilés suggèrent que l'agence de renseignement savait que les allégations israéliennes relatives à la production d'armes nucléaires étaient fausses
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou illustre le programme nucléaire iranien à l’ONU (AFP).

Selon une série de documents émanant de différentes agences d'espionnage, les services secrets israéliens pensent depuis longtemps que l'Iran ne fabrique pas d'armes nucléaires.

Un nouveau rapport publié lundi par Al-Jazeera et le Guardian dévoile des fichiers top secrets contenant des correspondances avec les services de renseignement sud-africains qui suggèrent que le Mossad, l'agence de renseignement israélienne, pense depuis 2012 que la République islamique d'Iran « n'accomplissait pas les activités nécessaires pour produire des armes ».

Cette révélation semble contredire les propos d'autres acteurs de l'Etat israélien, y compris le Premier ministre, qui ont affirmé que l'Iran constituait une menace pour les Israéliens en raison de sa volonté de produire des armes nucléaires.

La date de ces câbles s'avère particulièrement ironique, puisque ceux-ci ont été échangés un mois à peine après un discours prononcé par le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, lors de l'Assemblée générale de l'ONU, dans lequel il demandait une réponse unie et internationale à la menace des armes nucléaires iraniennes, dont il affirmait à l'époque qu'elle était bien réelle.

« Depuis près d'une décennie, la communauté internationale a tenté de mettre un terme au programme nucléaire iranien par la voie diplomatique », a-t-il déclaré à l'Assemblée en septembre 2012.

« Cela n'a pas fonctionné. »

Benjamin Netanyahou a régulièrement affirmé que l'opposition de l'Iran à Israël était existentielle, et pas seulement politique. L'ex-président Mahmoud Ahmadinejad s’est forgé une réputation internationale par ses déclarations provocatrices, que certains ont interprétées comme un appel à la destruction d'Israël et une incitation à la négation de l’Holocauste.

Il a également accusé l'Iran de fournir au Hamas dans la bande de Gaza et au Hezbollah au Liban un soutien matériel et financier visant à détruire Israël.

« Compte tenu des antécédents d'agression des Iraniens sans armes nucléaires, imaginez une agression iranienne avec des armes nucléaires », a-t-il déclaré à l’ONU.

« Imaginez leurs missiles à longue portée munis d’ogives nucléaires et leurs réseaux terroristes armés de bombes atomiques. »

Lors de son discours, il avait décrit les « lignes rouges » de la menace nucléaire iranienne à l'aide d'un schéma représentant une bombe à retardement sur laquelle les annotations « Phase 1 », « Phase 2 » et « Phase finale » représentaient les niveaux d'enrichissement d'uranium que l'Iran aurait atteints.

Il affirma qu'à l'été 2013 l'Iran aurait atteint la phase « médiane d'enrichissement et serait entré dans la phase finale ».

« A partir de ce moment, ce n'est qu'une question de mois, voire de semaines, avant qu'ils n'aient suffisamment d'uranium enrichi pour produire une première bombe », avait-il déclaré.

Cette affirmation est cependant contredite par les documents du Mossad qui ont été dévoilés. Ceux-ci suggèrent que le réacteur IR-40 d'Arak, qui pourrait produire du « plutonium de qualité militaire », ne serait pas mis en service avant le milieu de l'année 2014.

Le document affirme toutefois que l'Iran « travaillait à combler ses lacunes dans des domaines qui semblent légitimes, tels que l'enrichissement ou les réacteurs, qui permettront de réduire le délai de production des armes à compter du moment où l’ordre serait effectivement donné ».

Benjamin Netanyahou avait également affirmé que pendant deux ans les services de renseignement israéliens « ignoraient » que l'Iran était en train de construire un réacteur nucléaire.

« Ecoutez, personne n'apprécie autant nos agences de renseignement que le Premier ministre israélien », avait-il indiqué. « Toutes ces agences de renseignement de premier plan sont fantastiques, y compris les nôtres. Elles ont déjoué de nombreuses attaques. Elles ont sauvé de nombreuses de vies. »

« Mais elles ne sont pas infaillibles. »

Certains ont accusé le Mossad de chercher activement à saper l'autorité de Benjamin Netanyahou sur l'Iran. L'agence s'est opposée à de nouvelles sanctions américaines à l'encontre de Téhéran, et d'anciens représentants officiels ont exprimé leur frustration quant au fait que Benjamin Netanyahou ait ignoré leurs appels à la modération.

Le programme nucléaire

Israël est déjà intervenu militairement dans des pays voisins afin d'enrayer la prolifération du nucléaire.

En 1981, des avions israéliens ont détruit le réacteur Osirak situé à proximité de la capitale irakienne, Bagdad, suspectant le président Saddam Hussein de chercher à fabriquer des armes nucléaires, que le gouvernement israélien de l'époque considérait comme représentant une « menace mortelle pour le peuple d'Israël ».

En 2011, Israël a également détruit une installation située à al-Kibar, en Syrie, qui aurait abrité, selon le gouvernement, un réacteur nucléaire secret.

En outre, l'Iran a régulièrement accusé Israël d'être impliqué dans des assassinats ciblés de physiciens nucléaires de la République islamique, bien que cette allégation puisse désormais être mise en doute s’il apparaît que les services secrets israéliens considéraient qu'il n'existait pas de menace nucléaire.

L'Iran a constamment nié avoir mis au point un programme nucléaire dans le but de fabriquer des armes, prétendant que son seul objectif était d'atteindre l'autonomie énergétique.

Des documents contenant de prétendues preuves de l'intention de l'Iran de fabriquer des armes nucléaires ont été divulgués dans la presse en 2005. Cependant, ceux-ci ont par la suite fait l'objet de critiques lorsque l'on a découvert qu'ils émanaient de l'Organisation des moudjahiddines du peuple iranien (Mujaheddin-e-Khalq, MeK) et non d'un membre du gouvernement iranien, comme on le pensait initialement.

Depuis sa création, le groupe militant MeK mène une guérilla contre la République islamique et aurait noué des liens étroits avec le Mossad.

De nombreux éléments, qui n'ont toutefois pas été confirmés, indiquent que le Mossad aurait fourni au MeK plusieurs, ou l'ensemble, des documents, dont l'authenticité serait par ailleurs douteuse.

Le MeK avait préalablement été ajouté à la liste des organisations terroristes par le département d'Etat américain et l'Union européenne, avant d'en être retiré par cette dernière en 2009 et par les Etats-Unis en 2012 à la demande d'éminents hommes politiques américains.

On a accusé le groupe d'être responsable de la mort de milliers de personnes en Iran, et les allégations selon lesquelles il imposait des exigences sociales particulières à ses membres, notamment des divorces forcés, la révélation publique de fantasmes sexuels cachés et l'adoration vouée à son dirigeant, Massoud Rajavi, expliquent que le groupe ait été régulièrement qualifié de « secte ».

Un passé tourmenté

Le passé de l'Iran et d'Israël est tumultueux. Avant 1979, les deux pays étaient de fidèles alliés qui partageaient des liens diplomatiques et militaires.

Après la révolution islamique de 1979 et le renversement de la monarchie du Chah Mohammad Reza Pahlavi, des documents exhumés des chambres fortes de la police secrète éminemment détestée, l'Organisation pour le renseignement et la sécurité nationale (SAVAK), avaient révélé le rôle joué par le Mossad dans la formation des agents de la SAVAK à l'élimination des opposants du Chah.

L'implication du Mossad dans la création du dispositif de protection du Chah n'a fait que renforcer le ressentiment de la population iranienne à l'égard d'Israël. La figure de proue de la révolution, et futur Guide suprême, avait qualifié Israël de « petit Satan » par opposition au « grand Satan » américain et appelait régulièrement à la destruction du « gouvernement sioniste d'Israël ».

Traduction de l'anglais (original).

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