Accueil favorable de l’accord sur le nucléaire, mais les partisans d’une ligne dure restent à convaincre
NEW YORK - Les observateurs ont accueilli favorablement l'accord-cadre devant régler la question du programme nucléaire iranien, mais il reste à savoir si l’accord sera satisfaisant pour les groupes les plus intransigeants, à Washington comme à Téhéran.
« Je suis très impressionnée par cet accord », affirme à Middle East Eye Jacqueline Shire, ancienne membre du groupe d'experts des Nations unies sur l'Iran.
« L'Iran est en train d'ouvrir ses portes et de soulever le capot, en laissant le monde regarder à l'intérieur. Mais en même temps, l'Iran garde toute sa dignité intacte car il obtient le maintien de son programme d'enrichissement ; 6 000 centrifugeuses, ce n'est pas rien. »
Après des négociations-marathon de huit jours en Suisse, l'Iran et six puissances mondiales ont trouvé un accord-cadre conçu pour apaiser les craintes occidentales que l'Iran cherche à construire une bombe atomique et qui, en retour, lève les sanctions économiques à l'encontre de Téhéran.
Selon l’accord-cadre, l'Iran devrait fermer plus des deux tiers des centrifugeuses productrices d'uranium, qui pourrait être utilisé pour construire une bombe, démanteler un réacteur qui pourrait produire du plutonium et accepter des contrôles intrusifs de la part de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
« Il est important de noter que la levée des sanctions ne se fera qu’à partir du moment où l'Iran aura résolu la question de l'enrichissement et d'autres points clés », observe Jacqueline Shire. « C'est extrêmement important que le plutonium ne puisse pas déboucher sur la bombe, que l'enrichissement de l'uranium soit limité et que l'AIEA puisse effectuer des opérations de vérification et de supervision sans précédent. »
L'accord-cadre, farouchement contesté par Israël, l'Arabie saoudite et certains républicains au Congrès américain, ne laisse à l'Iran que 6 000 des 19 000 centrifugeuses utilisées pour l'enrichissement et limite l'enrichissement de l'uranium pendant dix ans.
Cet accord conclut huit jours de pourparlers qui avaient été prolongés après l'échéance de mardi à minuit et dont le but était de parvenir à une entente politique pouvant servir de base à un accord final d'ici le 30 juin. Les pays participants étaient l'Iran et les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies – les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Chine et la Russie – ainsi que l'Allemagne, dans un groupement diplomatique dénommé P5+1.
« Les tenants de la ligne dure au Congrès vont bondir de toute manière », affirme Jacqueline Shire.
« Les gens sérieux qui comprennent le fond des problèmes verront que leurs préoccupations ont été prises en compte. Je m'inquiète seulement d'une chose, à savoir qu'il faudra des mois avant que les sanctions soient levées et que la population ne pourra voir les avantages de la levée des sanctions avant un certain temps. »
Selon Paul Sullivan, expert en technologie nucléaire à l'université de Georgetown, le présent accord a éludé d'importantes questions techniques, ce qui signifie qu'il reste encore beaucoup à négocier avant la date butoir du 30 juin.
« Ils sont allés en Suisse pour conclure un accord solide et sont revenus avec du fromage suisse », indique Sullivan à MEE. « Cet accord est faible et plein de lacunes si l'on regarde de près la formulation concernant ce qui peut être fait et quand. »
« Ce qui va se passer c'est qu'il y aura des retombées politiques en Iran et aux Etats-Unis, chacun va l'examiner selon son propre avantage politique. C'est pourquoi on les appelle les partisans de la ligne dure : ils sont inflexibles. »
Les Etats-Unis ont également échoué à aborder des questions importantes telles que la capacité de l'Iran à construire des missiles et son soutien aux groupes armés chiites qui cherchent à étendre l'influence de Téhéran en Irak, en Syrie et dans d'autres parties tumultueuses du Moyen-Orient, affirme Sullivan.
« La perception que certains députés républicains ont de l'Iran, qui peut être exacte dans une certaine mesure, est qu'il s'agit d’un Etat menaçant : regardez ce qu'ils sont en train de faire au Liban, à Bahreïn, au Yémen et dans plusieurs autres endroits, et ce qu'ils déclarent à propos d'Israël », poursuit-il.
« Les Saoudiens vont faire avancer leur programme nucléaire. »
Le sénateur américain Bob Corker, membre du Parti républicain et président de la commission pour les Affaires étrangères du Sénat, a déclaré qu'il était trop tôt pour dire si l'accord défendu par le Président américain Barack Obama est assez fort pour mettre fin aux ambitions nucléaires de l'Iran.
« Il est important d'attendre de connaître les détails spécifiques de l'annonce faite aujourd'hui, et alors que le P5+1 travaille à un accord final, nous devons rester lucides sur la persistance de l'Iran à ne pas faire de concessions, sa longue histoire d’opérations secrètes liées aux armes nucléaires, son soutien au terrorisme et son rôle déstabilisant dans la région », a affirmé Corker dans une déclaration à MEE.
Trita Parsi, président du Conseil national irano-américain, espère que l'accord-cadre restreigne le programme nucléaire iranien et assure « à travers la diplomatie, ce que ni la guerre ni les sanctions n'auraient jamais pu réaliser ».
« Aujourd'hui, il ne reste plus que trois ou quatre lacunes à combler. Certaines des questions les plus difficiles et inextricables ont désormais été résolues. Nous n'avons jamais été aussi proches d'un accord final », commente-t-il. « Les esprits étroits seront obsédés par ce que nous avons concédé. Les grands esprits célébreront ce que nous avons accompli. »
Un porte-parole du Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a parlé d'« un cadre politique qui ouvre la voie à un plan d'action commun de portée globale et historique ». Le Conseil de sécurité de l’ONU est censé intervenir dans l'annulation des précédentes sanctions des Nations unies à l'encontre de l'Iran.
« Cet accord exhaustif prévoit des limites substantielles au programme nucléaire de l'Iran et une levée de toutes les sanctions », a expliqué le porte-parole. « L'accord respectera les droits et les besoins de l'Iran tout en donnant des garanties à la communauté internationale que ses activités nucléaires resteront exclusivement pacifiques. »
Kofi Annan, ancien Secrétaire général des Nations unies, a déclaré qu'il espérait que l'accord « marque le début d'une relation considérablement meilleure entre l'Iran et la communauté internationale et une opportunité de renforcer la coopération en matière de sécurité entre les Etats du Moyen-Orient ».
Traduction de l'anglais (original).
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