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Malgré l’embargo, la Libye continue de recevoir des armes

Armes légères et équipements militaires lourds ne cessent d’alimenter le marché libyen de l’armement démontrant l’inefficacité des contrôles internationaux
Véhicules blindés légers Kraz Cougar, de fabrication ukrainienne, aperçus sur des photos publiées par la brigade libyenne Tariq Ibn Ziyad (Twitter)

Alors qu’un embargo sur les armes est en vigueur contre la Libye depuis février 2011, les forces de l’Armée nationale libyenne (ANL) continuent de recevoir des armes lourdes de l’étranger et de les exhiber. 

La communauté internationale a eu beau mettre en place l’opération EUNAVFOR Med, aussi appelée opération Sophia (décidée par l’Union européenne au titre de la politique de sécurité et de défense commune pour lutter contre le trafic de migrants en Méditerranée, elle est dotée d’une force maritime habilitée à contrôler les navires se dirigeant vers les ports libyens), les armes ont continué à affluer, notamment via les conteneurs des navires marchands et les avions cargo militaires, ou même via la frontière égyptienne, l’Égypte ayant livré des avions de guerre à la Libye entre 2015 et 2016.

Des blindés ukrainiens aux mains de l’ANL

Ces derniers jours, une série d’images prises début janvier et attribuées aux forces de la 106brigade et à la brigade Tarik Ibn Ziyad (milice aux ordres de l’ANL faisant route vers le sud, montre un convoi composé de plusieurs véhicules blindés neufs. Des Kraz Cougar ukrainiens sur lesquels sont installés, de manière artisanale, des missiles antichars russes Kornet E. Sur les images, on aperçoit aussi des véhicules lourds jordaniens Al Wahch avec des tourelles AMCO Snakehead de la même origine.

Les armes ont continué à affluer, notamment via les conteneurs des navires marchands et les avions cargo militaires

Le Kraz Cougar est construit en partenariat avec l’entreprise privée canadienne Streit Group, très présente dans les pays du Golfe, et qui dispose de deux usines d’assemblage aux Émirats arabes unis (EAU). 

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C’est aussi un blindé léger adopté en masse par l’armée saoudienne, qui a aussi contribué à équiper l’armée du maréchal Haftar et de la brigade Tariq Ibn Ziyad, composée de miliciens d’obédience salafiste madkhali, très proches de l’Arabie saoudite.

Traduction : « photos de la brigade Tariq Ibn Ziyad en déploiement vers le sud, avec au moins deux véhicules (Kraz Cougar ?) avec des tourelles 9M133 Kornet (…) et au moins quatre blindés jordaniens Al Wahch avec leurs tourelles AMCO Snakehead »

Pour ce qui est du second véhicule, Al Wahch, il s’agit d’une fabrication jordanienne exclusive qui n’a jamais été exportée auparavant. 

Ce n’est pas la première fois que ces équipements sont visibles : en mai 2017, lors de la parade militaire organisée pour le maréchal Haftar dans son fief de Benghazi, à l’est de la Libye, il était possible de voir bon nombre de véhicules, dont les Kraz Cougar, défiler.

Traduction : « Des Kraz Cougar aperçus hier lors d’un défilé de l’ANL »

En juin 2018, c’est le blindé Al Wahch qui a été vu lors des combats dans la ville de Derna et sa récupération par l’armée de Haftar de l’emprise de l’EI.

Ces apparitions d’équipements flambant neufs n’ont pas ému les médias occidentaux ou moyen-orientaux, ni même les Libyens eux-mêmes.

Pourtant, depuis le 19 décembre 2018, une véritable campagne internationale visant la Turquie et impliquant les médias des pays du Golfe, ceux de Libye et même d’Algérie a été déclenchée suite à la saisie au port de Khoms de deux conteneurs en provenance d’Istanbul, remplis d’armes et de munitions.

Un marché libyen gourmand en armes

Les autorités portuaires y ont trouvé 4,8 millions de balles, 3 100 pistolets et 400 armes de chasse. Les conteneurs transportaient aussi des détonateurs et des mèches pour explosifs miniers et des tonnes d’engrais chimique.

Mais à y regarder de plus près, l’ensemble des munitions se compose de cartouches à blanc. Les pistolets sont quant à eux des pistolets d’alarme en vente libre en Europe et en Turquie et ne constituent en aucun cas une arme de guerre.

Pistolets saisis au port libyen de Khoms (Douanes libyennes)

« Ces pistolets d’alarme, qui font le même bruit qu’un pistolet normal et qui en ont l’allure, sont accessibles sans contrôle d’identité dans les armureries turques ou celles des pays occidentaux. Ces pistolets coûtent quelques dizaines d’euros et peuvent être revendus plusieurs centaines d’euros sur le marché libyen très gourmand en armes », explique à Middle Est Eye un spécialiste italien de la Libye. 

« Ces pistolets pourront être modifiés localement pour pouvoir tirer de vraies balles »

- Un spécialiste de la Libye

Selon cet expert, « ces pistolets pourront être modifiés localement pour pouvoir tirer de vraies balles. C’est une opération laborieuse, qui fragilise l’arme et qui n’a pas de sens vu l’importation de millions de cartouches à blanc. Dans les deux cas, nous sommes loin d’une configuration dans laquelle des trafiquants d’armes internationaux montent une opération complexe vers la Libye. »

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