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À Rafah, les habitants de la bande de Gaza attendent désespérément de pouvoir sortir

Il est temps que Gaza ait à nouveau son propre port ouvert sur le monde libre

Après trois jours d’ouverture exceptionnelle de la seule porte de Gaza vers le monde extérieur, le poste-frontière de Rafah, les Palestiniens se retrouvent – à nouveau – confinés derrière les murs de béton géants du blocus. Le seul moyen de sortir est de payer le pot-de-vin inabordable du « passage coordonné ».

Au cours de 2017, le poste-frontière de Rafah a ouvert environ seize jours au total. Le blocus mené par Israël, en complète coopération avec l’Égypte, entre dans sa onzième année.

À LIRE : Malgré la brève ouverture du poste-frontière, les Gazaouis atteints de cancer restent captifs

Il est temps que Gaza possède à nouveau son propre port ouvert sur le monde.

Une fermeture longue et pénible

Chacun à Gaza, qu’il soit un voyageur enregistré ou même qu’il ne voyage pas, est toujours soulagé en entendant aux nouvelles que le poste frontalier de Rafah contrôlé par l’Égypte va ouvrir pour une nouvelle trêve « humanitaire » après une longue et pénible fermeture de plusieurs mois.

Le 1er novembre, le Hamas, dans le cadre d’un accord de réconciliation négocié par l’Égypte et signé le mois dernier avec l’Autorité palestinienne (AP), a cédé le contrôle du passage à l’AP, qui doit prendre le contrôle total de Gaza le 1er décembre.

Bien que le passage fût supposé ouvrir régulièrement à partir du 15 novembre sous le contrôle de l’AP, la promesse de cette dernière n’a pas été concrétisée et les jours ont passé, dans l’attente que ce délicat processus de réconciliation progresse.   

Traduction : « Ahmad al-Refai, un jeune patient atteint d’un cancer, attend au passage de Rafah, entre #Gaza et l’#Égypte. Le cancer est une souffrance, mais le manque de traitement et le siège en sont une plus grande. #Palestine »

L’Autorité palestinienne, de son côté, a donné son accord pour les personnes dont les noms ont été placés en tête des listes d’attente élaborées par le Hamas puissent partir en priorité. Mais le véritable premier test qui devait faire de la réconciliation un succès fut un échec cinglant, les autorités égyptiennes ayant donné l’absolue priorité à ceux qui avaient payé leur sortie de Gaza via des réseaux locaux, pendant que l’AP regardait en silence.

Comparé à l’époque où le Hamas contrôlait les frontières, cela fait peu de différence pour les voyageurs. Ces derniers, qui étaient attendus à 3 heures du matin le matin suivant, au point Abou Yousef al-Najjar à Khan Younès, pour la procédure de tri, ont eu droit à un préavis de moins de six heures pour faire leurs adieux et se préparer à partir.

À l’aube, les bus de voyageurs se sont dirigés vers le passage frontalier pendant que les gens attendaient que les autorités égyptiennes ouvrent la barrière noire géante séparant le « monde libre » de l’enclave assiégée.

Des Palestiniens attendent au poste frontalier de Rafah pour entrer en Égypte le 14 février 2006 (AFP)

Cette fois, cependant, les autorités égyptiennes ont insisté pour faire passer en premier la liste des « passages coordonnés ».

Plus de 40 000 personnes étaient inscrites sur la liste d’attente. Mais seuls 1 400 voyageurs ont été autorisés à sortir de la bande de Gaza. Parmi eux se trouvaient 200 citoyens égyptiens et 730 avaient payé leur sortie via les listes des « passages coordonnés ».

D’innombrables checkpoints

Le premier jour, quelque 200 voyageurs ont pu entrer pour les contrôles de sécurité. Ils ont été autorisés à se rendre à l’aéroport du Caire, mais seulement le lendemain dans l’après-midi, après une nuit froide passée sans dormir sur le sol, dans l’effroi et la peur de subir d’impitoyables interrogatoires ou de se voir renvoyés à Gaza.

À la différence des « passages coordonnés », les voyageurs ordinaires ont été arrêtés et retenus pendant plusieurs heures au premier checkpoint militaire égyptien dans la péninsule du Sinaï, avant qu’ils continuent vers les autres innombrables checkpoints sur la route du Caire.

Le troisième et dernier jour, les autorités égyptiennes ont consacré toute la journée à la liste des « passages coordonnés », où 400 voyageurs sont passés, laissant les autres fulminer dans le désordre, le chaos et la fureur.

Traduction : « Pourquoi l’Égypte ou Israël devraient-ils décider du futur de cet enfant ? Nous sommes comme des animaux en cage, autorisés à sortir, mais rarement #Rafah #Gaza »

Des dizaines d’étudiants ont organisé une manifestation à la frontière pour exiger la priorité. Les autorités du Hamas leur ont promis de les aider si les autorités égyptiennes décidaient d’ouvrir Rafah une autre journée. Un espoir dissipé vers minuit, l’Égypte annonçant officiellement la fermeture de ses frontières jusqu’à nouvel ordre.

Pour les personnes inscrites au départ, chaque minute compte. On ne leur laisse qu’une option pour répondre à cet impératif de « vie ou de mort » : payer de 2 000 à 10 000 dollars en pots-de-vin.

Mais pour une population avec probablement des niveaux de chômage parmi les plus élevés au monde et un PIB par tête équivalent à celui des sociétés les plus pauvres en Afrique, à la traîne en dessous des 1 000 dollars par an, le prix pour voir la lumière derrière les murs de Gaza reste complètement hors d’atteinte pour la plupart, en dépit de leur besoin persistant.

Un groupe d’étudiants palestiniens manifestent pour demander la rouverture du poste-frontière de Rafah fermé par l’Égypte, à Gaza, le 26 février 2015 (AFP)

Bombardée, humiliée et victime de chantage

Le seul pari est d’attendre pendant des mois – et peut-être même des années – que son tour vienne, de traverser la frontière comme un voyageur ordinaire, passible d’interrogatoires, de pillage, de chantage, et par-dessus tout d’un rapatriement à Gaza – et cela même si les critères compliqués pour partir ont tous été remplis.

Les autorités égyptiennes peuvent trouver une justification et fermer leurs frontières « souveraines » en utilisant le même prétexte, celui du « dilemme de sécurité », de la guerre contre le groupe État islamique (EI) dans le Sinaï.

Les autorités israéliennes voient la majorité de la population de Gaza comme une potentielle menace, et par conséquent, moins d’1 % de la population est autorisée à sortir par le poste-frontière israélien d’Erez.

Mais lorsqu’Israël maintient la fermeture des frontières aériennes et maritimes de Gaza pour la onzième année consécutive, il prend sur ses épaules la responsabilité de la population de Gaza, et est légalement tenu de créer un point de sortie alternatif pour la population, collectivement punie.

Une population entière de deux millions de personnes se retrouve confinée derrière des murs de béton de huit mètres de haut, régulièrement intimidée, bombardée, humiliée et victime de chantage

Les deux parties (Égypte et Israël) restant indifférentes aux souffrances de Gaza et considérant les Palestiniens de Gaza comme une charge ingrate, il est temps que Gaza soit autorisée à rouvrir un port et un aéroport, comme elle en avait il n’y a pas si longtemps.

Ouvrir le port

Depuis 1967, Israël exerce un contrôle total des 43 kilomètres de côtes que compte Gaza et de ses eaux territoriales, empêchant les bateaux d’atteindre la ville. Le port de Gaza est le seul port de Méditerranée fermé au transport maritime. Entre 1967 et 1994, l’infrastructure existante a été gravement négligée.

Dans un édito, Hanine Hassan, un chercheur palestinien a expliqué que le port fournirait à Gaza sa propre sortie. « Ce ne permettrait pas uniquement aux Palestiniens d’être libres de leurs mouvements, mais contribuerait aussi à faire revivre l’économie et à améliorer la vie sociale et politique dans la bande de Gaza. »

Que ce soit sous le contrôle des Nations unies ou de l’Union européenne, les deux ont déjà démontré leur compétence à accomplir cette mission correctement en prenant en compte les préoccupations de toutes les parties.

L’humanité des Palestiniens devrait être respectée. Il est inconcevable qu’au XXIe siècle, une population entière de deux millions de personnes se retrouve confinée derrière des murs de béton de huit mètres de haut, régulièrement intimidée, bombardée, humiliée et victime de chantage, pendant que le reste du monde attend qu’elle agisse « normalement » comme un peuple épris de paix.

- Muhammad Shehada, écrivain et militant de la société civile de la bande de Gaza, suit également des études en développement à l’Université de Lund, en Suède. Il fut responsable des relations publiques pour l’antenne de Gaza de l’ONG Euro-Med Monitor pour les droits de l’homme.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : Le poste-frontière de Rafah est le seul point d’accès à la bande de Gaza qui n’est pas contrôlé par Israël (AFP)

Traduit de l’anglais (original).

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