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Trump a ouvert la voie au harcèlement des jeunes musulmans américains en milieu scolaire

On imagine sans mal que lorsque les adultes récompensent l’hostilité contre les musulmans dans les urnes, les enfants en âge d’aller à l’école reproduiront probablement ce comportement en punissant les musulmans dans les cours de récréation

Au cours de l’année dernière, 42 % des parents musulmans américains ont déclaré que leurs enfants étaient victimes de harcèlement à l’école, selon un récent sondage mené par l’Institute for Social Policy and Understanding.

En comparaison, les enfants américains musulmans sont deux fois plus susceptibles d’être victimes de harcèlement que les enfants juifs ou protestants, et sept fois plus que les enfants de parents catholiques, tandis que les enfants des familles sans affiliations religieuses ne rapportent quasiment aucun harcèlement.

Une vague d’intimidation

Dans tout le pays, des enseignants ont signalé une vague de harcèlement scolaire depuis le début de la campagne présidentielle du président américain Donald Trump il y a plus de deux ans. « Nous avons dénombré plus d’incidents raciaux au cours des douze derniers mois qu’il n’y en a eu ici depuis des années », a déclaré Michael Zilles, président d’une association d’enseignants du Massachusetts.

Bien que le harcèlement scolaire soit aussi vieux que l’école elle-même, plus de 50 % des enseignants ont signalé une augmentation du « discours politique incivil », tandis qu’un autre tiers a observé un essor du sentiment antimusulman, selon une étude menée par le Southern Poverty Law Center intitulée « L’effet Trump : impact de l’élection présidentielle 2016 sur les écoles de notre nation ».

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On imagine sans mal que lorsque les adultes récompensent l’hostilité contre les musulmans dans les urnes, les enfants en âge d’aller à l’école reproduiront probablement ce comportement en punissant les musulmans dans les cours de récréation.

Le mois dernier, j’ai posté un tweet demandant aux musulmans américains si leurs enfants avaient été victimes de harcèlement scolaire et/ou s’ils croyaient que cela s’était aggravé ces dernières années. J’ai reçu des dizaines de réponses, par messages directs et courriels. Chacun était profondément affligeant, certains décrivant des détails choquants de harcèlement et de persécution.

Traduction : « Chers musulmans, vos enfants sont-ils sujets au harcèlement scolaire ? Ont-ils vécu une discrimination similaire à celle décrite ci-dessous ? Est-ce que cela a empiré ces dernières années ? Je sais que c’est un sujet douloureux à aborder, mais j’attends vos commentaires. Certains pourraient être utilisés pour mon article. Merci – CJ Werleman »

Un musulman de Folsom, en Californie, qui a demandé à garder l’anonymat, m’a dit : « Un jeune garçon musulman de 10 ans a été menacé par deux enfants plus âgés à la piscine locale… ces deux enfants ont menacé de le tuer et ont essayé de le noyer avant qu’il ne réussisse à s’échapper. »

Quand je lui ai demandé de développer son récit, il a précisé que cette attaque avait eu lieu pendant l’été, et qu’« il s’agissait clairement d’une attaque basée sur sa religion car ces garçons faisaient certains commentaires contre les musulmans ».

D’autres m’ont dit que leurs enfants étaient systématiquement accusés d’« appartenir à Daech » ou d’être des « terroristes », tandis qu’un parent a dit que sa fille de 14 ans avait trouvé sur son sac une note qui disait : « Les musulmans sont interdits en Amérique. Au revoir », faisant clairement référence à l’interdiction d’immigration des musulmans proposée par Trump.

Shaik Fahad Akhtar, un Pakistano-Américain de 24 ans né et élevé en Californie du Sud, m’a dit qu’il avait l’impression d’être un « marginal » à cause de son « apparence » quand il était enfant et qu’il se sentait par conséquent « opprimé et pas à sa place », ce qu’il attribue au climat hostile aux musulmans qui s’est répandu aux États-Unis depuis les attentats du 11 septembre 2001.

Victimes de préjugés

Plus troublant encore, les enfants musulmans ne sont pas seulement victimes de préjugés et de discrimination de la part de leurs camarades, mais aussi de leurs enseignants. Le mois dernier, un enseignant du Tennessee a été suspendu pour avoir arraché le hijab d’une étudiante musulmane, tandis qu’un autre a été accusé d’avoir étouffé et harcelé un élève musulman de 5 ans à Charlotte, en Caroline du Sud.

« L’expérience d’événements stressants tôt dans la vie – à l’âge scolaire – a des effets significatifs et durables sur la santé et le bien-être d’un enfant tout au long de sa vie », explique Sirry Alang, maître de conférences au département de sociologie de l’Université Lehigh.

« Cela engendre des problèmes comme la détresse psychologique, les problèmes émotionnels et comportementaux, les mauvaises performances scolaires. Cela accroit également les risques de maladies physiologiques et chroniques liées au stress, comme les problèmes gastro-intestinaux ou les maladies cardiovasculaires, ce qui affecte non seulement l’enfant mais également d’autres systèmes tels que la santé, l’éducation et les services sociaux. »

Des membres de la communauté d’Astoria (Oregon) manifestent en soutien aux Américains et immigrés musulmans lors d’un rassemblement, le 3 février 2017 à New York (AFP)

Quand j’ai interviewé Rabia Chaudry, avocate et auteure américaine de confession musulmane, dont la défense juridique d’Adnan Syed, adolescent musulman accusé du meurtre de sa petite amie, a été rendue célèbre par le podcast Serial, elle m’a parlé des craintes liées à l’impact négatif que « l’ombre du 11 septembre » a eu sur les identités des enfants musulmans américains.

« Vous avez de jeunes musulmans qui disent : “Vous savez quoi, je ne veux plus avoir rien à faire avec cette religion [l’islam]”, mais d’autres [enfants musulmans] agissent différemment et proclament : “Je suis un musulman fort et fier, et m**de à ce pays.” »

Rabia Chaudry estime ainsi que ce n’est pas une coïncidence si les sites djihadistes sont publiés en anglais, ajoutant que les groupes extrémistes ciblent les enfants américains musulmans marginalisés et harcelés de la même manière que les prédateurs sexuels ciblent les enfants vulnérables en ligne et tentent de gagner leur confiance.

« [C’est] ce sentiment que nous avons tous ressenti pendant l’adolescence : ‘’Je ne suis pas intégré. Je ne suis pas à ma place. Je veux plus. Je veux faire quelque chose de ma vie’’ », a expliqué le Dr John Horgan, psychologue judiciaire et spécialiste du terrorisme, dans une récente interview. « Voilà le genre de choses que les recruteurs utilisent et exploitent, et ils sont très bons dans ce domaine. C’est un fantasme que les recruteurs vont au final utiliser pour faire en sorte que la conversation se poursuive. »

Ainsi, cela nous rappelle que les racines de l’extrémisme violent ne sont pas le reflet d’une idéologie religieuse statique, mais plutôt d’un ensemble de facteurs psychosociaux qui reflètent des défauts fondamentaux dans nos propres sociétés.

Par exemple, un nouveau rapport, produit par le think-tank Runnymede et intitulé « Islamophobie : un défi pour nous tous », montre comment le racisme structurel dans la société britannique exclut les musulmans des principales affaires politiques et sociales, engendrant des conséquences économiques, éducatives et politiques négatives pour les trois millions de musulmans du pays.

Les groupes extrémistes s’attaquent aux marginalisés et à ceux qui se sentent discriminés. En fait, une des pierres angulaires de la stratégie de recrutement de l’État islamique (EI) est de rendre la vie aussi difficile que possible pour les musulmans vivant en Occident. 

Par conséquent, si nous ne nous attaquons pas au harcèlement dans nos écoles, et si nous restons passifs alors que 42 % des enfants musulmans américains sont victimes de violences physiques et verbales en classe, nous sommes coupables de ne rien faire pour prémunir nos adultes en devenir contre l’attrait des groupes extrémistes violents.

- CJ Werleman est l’auteur de Crucifying America (2013), et Koran Curious (2011). Il est également l’animateur du podcast « Foreign Object. » Vous pouvez le suivre sur Twitter : @cjwerleman 

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : une manifestante porte une pancarte où est écrit « Pas de haine, pas de peur. Les immigrés sont les bienvenus ici » durant un rassemblement à New York le 3 février 2017 (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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