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Après l’assassinat du maire de Misrata, les habitants craignent le pire

Le maire de Misrata, Mohamed Eshtawi, a été assassiné dimanche soir dans sa ville. Modéré et partisan des accords politiques signés sous l’égide de l’ONU, l’édile a été la victime d’une scène macabre dont les répercussions laissent présager le pire
Mohamed Eshtewi a été poursuivi et enlevé à sa sortie de l'aéroport de Misrata, à 200 km à l'est de la capitale Tripoli (capture d'écran)

TUNIS – « Je pense qu’il y aura la guerre », affirme Ibrahim, étudiant, contacté par téléphone par Middle East Eye. Depuis dimanche, Misrata, troisième ville du pays, à quelque 200 kilomètres à l’est de la capitale Tripoli, est la scène d’un déploiement de forces après l’assassinat de son maire, Mohamed Eshtawi.

Le soleil se couchait quand la voiture du maire a été prise en embuscade. Mohamed Eshtawi, revenait d’un voyage officiel en Turquie. Les assaillants ont blessé gravement son frère qui l’accompagnait. Ils ont ensuite enlevé le maire. Son corps, criblé de balles avec une large entaille à la tête, a été retrouvé devant l’hôpital Safwa de Misrata quelques heures plus tard.

Son enterrement, lundi après-midi, a été suivi par de nombreux Misratis. Depuis 2014 et la division politique qui a mené à la création de deux gouvernements rivaux à l’Est et à l’Ouest du pays, la cité était considérée comme l’une des plus sûres du pays.

Cette attaque ciblée risque de mettre à mal les efforts de l’ONU pour accélérer le processus de paix car Ghassan Salamé, le chef de la mission des Nations unies en Libye, compte sur les municipalités pour pacifier le pays (AFP)

Cette attaque ciblée risque de mettre à mal les efforts de l’ONU pour accélérer le processus de paix. Ghassan Salamé, le chef de la mission des Nations unies en Libye, compte sur les municipalités pour pacifier le pays. Du 6 au 8 décembre, 94 maires se sont ainsi rencontrés en Tunisie.

« Cet événement était positif. Nous avons vu des maires de villes dites ennemies se parler, discuter ensemble », témoigne à MEE un observateur en se remémorant une photo où le maire de Misrata et celui de Tawargha riaient de concert. Fief kadhafiste habité par une population à la peau noire, la ville de Tawargha, à 30 km au sud de Misrata, a été détruite par sa puissante voisine en 2011. Le meurtre de Mohamed Eshtawi pourrait remettre en cause ces mains tendues vers la paix.

Plusieurs pistes

L’assassinat n’a pas été revendiqué mais plusieurs pistes sont évoquées.

Le groupe État islamique (EI) est montré du doigt. Il a été chassé de Syrte par les forces de Misrata en décembre 2016. Depuis, les terroristes opèrent via des cellules au sud de la région. Ce sont elles qui ont perpétré l’attaque du tribunal de Misrata en octobre dernier.

Autre possibilité : Khalifa Haftar. Dimanche, date anniversaire de l’accord politique de Skhirat, l’homme fort de l’Est libyen a décrété dans une allocution télévisée solennelle, la mort de ce texte soutenu par l’ONU. Il a eu des mots très durs contre les Nations unies et les partisans du traité, comme Mohamed Eshtawi.

La piste la plus sérieuse est d’ailleurs l’opposition interne. La ville de Misrata, qui a mené la coalition de brigades islamo-conservatrices de Fajr Libya qui a contrôlé Tripoli entre 2014 et 2016, est divisée depuis des mois entre les « radicaux » qui refusent les accords de Skhirat et les « modérés » qui estiment qu’il s’agit de la seule solution à la crise politique.

À LIRE : Misrata fait face à un autre ennemi, sur un autre front

Ce week-end, avant la mort de Mohamed Eshtawi, les habitants de Misrata ont noté des mouvements de troupes. À l’approche de l’anniversaire de l’accord de paix qui n’a jamais pu être véritablement appliqué, certaines brigades soutenant le Gouvernement d’union nationale (GNA) créé par le texte se seraient éloignés de la ville. « C’était simplement pour éviter des tensions inutiles », coupe court une source sécuritaire.

Mohamed Eshtawi était considéré comme modéré et devait faire face à une lourde opposition. Ainsi, pour Ibrahim, qui soutient une position radicale, le maire était un « pro-Haftar qui ne dit pas son nom ». Pour le jeune homme, ce commentaire est presque une insulte.

La drapeau libyen flotte rue de Tripoli, à Misrata (AFP)

Au printemps dernier, plusieurs manifestations avaient eu lieu pour demander la démission du conseil municipal. Les protestataires, emmenés par Ibrahim ben Rajeb, chef du conseil militaire d’obédience islamiste, avaient même été jusqu’à murer l’entrée principale de la mairie. La municipalité avait d’ailleurs dû déménager ses bureaux en périphérie de la ville.

Malgré ses divisions, les habitants ont été choqués par cet assassinat politique, le premier dans leur ville qui se voulait la plus sûre du pays. Ibrahim est d’ailleurs allé à l’enterrement du maire, malgré ses opinions totalement différentes, parce que dit-il, « On ne doit pas mourir pour des idées ».

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