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Malgré les obstacles, les fabricants de verre d’Hébron entretiennent la flamme du four à céramique

En Palestine, les artisans font face à d’énormes défis en raison de l’occupation israélienne, mais une entreprise familiale de céramique réussit à préserver une tradition vieille de 500 ans
Un artisan peint un bol en céramique dans l’usine de verre et de céramique d’Hébron, en Palestine occupée (MEE/Katie Miranda)

HÉBRON, Territoires palestiniens occupés – La première chose que l’on remarque en pénétrant dans l’usine de verre et de céramique d’Hébron est la chaleur torride ; on a l’impression d’entrer dans un four. Dans cette fournaise, des travailleurs trempés de sueur s’activent à nettoyer le four en enlevant les résidus de verre fondu.

Emad Natsheh au travail dans l’usine de verre et de céramique d’Hébron (MEE/Katie Miranda)

Emad Natsheh, copropriétaire de l’atelier, finit de mettre à la poubelle les restes de verre qui ne peuvent plus être utilisés dans le processus de production.

Un artisan dessine un motif floral sur une coupelle en céramique (MEE/Katie Miranda)

Dans une autre pièce, des artisans peignent des motifs sur des bols en céramique qui passeront ensuite à la cuisson. L’usine emploie 60 artisans, qui sont responsables de la production d’une variété de verre soufflé et de céramiques aux motifs joyeux peints à la main.

Dessous de plat, bols et verre dépoli (MEE/Katie Miranda)

« Notre atelier dans la vieille ville [d’Hébron] a été ouvert en 1890 par mon arrière-grand-père », raconte Hamzeh Natsheh, l’un des propriétaires de l’atelier familial, à Middle East Eye. « Hébron a une histoire de plus de 500 ans de la céramique et du verre. La céramique fait partie du patrimoine palestinien. Avant l’existence de la réfrigération, elle était utilisée pour refroidir l’eau. »

Emad Natsheh montre un plat en céramique qui a refroidi dans le four (MEE/Katie Miranda)

« L’une des choses qui font la force de cet atelier familial, c’est la relation entre les membres de la famille. Tous ceux qui travaillent ici sont vraiment passionnés par ce qu’ils font et veulent vraiment que cette tradition palestinienne se poursuive », ajoute-t-il.

Le verre sale refroidit dans une poubelle (MEE/Katie Miranda)

Le processus de fabrication d’une seule pièce prend près d’une semaine. L’argile est tout d’abord installée sur un potier et façonnée à la main. Le lendemain, après avoir séché, les bords sont lissés à la main avec de l’eau et une éponge. Ensuite, la pièce est cuite dans un four à 1 500 degrés pendant deux jours.

Après sa sortie du four, les artisans dessinent les motifs en noir puis appliquent la couleur. Un vernis de protection brillant est pulvérisé à deux reprises puis la pièce est trempée dans le vernis une fois de plus avant de repasser au four pour 24 heures.

Un carreau au motif floral peint à la main de l’usine de verre et de céramique d’Hébron, en Palestine occupée (MEE/Katie Miranda)

« Vous pouvez également voir les motifs utilisés pour la céramique dans l’architecture et la broderie locales. Les fleurs qui sont utilisées dans les dessins, telles que les tulipes, sont originaires de la région », explique Hamzeh.

Dans la boutique de l’usine, les touristes se déplacent lentement pour examiner et acheter les produits faits à la main.

« À partir des années 1970, vingt bus de touristes venaient chaque jour à l’atelier, mais après l’Intifada, nous n’avons plus accueilli que des touristes individuels ou des groupes faisant des visites politiques organisées par des organisations comme l’Alternative Tourism Group de Bethléem et l’UNRWA [l’agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine] », indique-t-il.

Selon Hamzeh, en raison des préoccupations israéliennes en matière de sécurité, les itinéraires touristiques ont été modifiés afin que les touristes se rendent directement à la mosquée al-Ibrahim et éviter ainsi d’errer dans la ville.

Carreau de céramique peint à la main représentant des motifs de la nature (MEE/Katie Miranda)

« Avoir des touristes est plus significatif pour promouvoir l’entreprise et parler de la culture. C’est très important de voir des touristes. C’est important pour les Palestiniens de ne pas se sentir isolés », confie-t-il.

Hamzeh explique que tandis qu’il transférait facilement ses produits au port de Haïfa avant la deuxième Intifada, depuis, ses marchandises doivent passer par plusieurs check-points israéliens, sans parler des restrictions imposées aux Palestiniens de Cisjordanie qui souhaitent se rendre au port de Haïfa, en Israël. Cela génère des retards et une forte augmentation des dépenses, et rend les transferts difficiles.

Un échantillon des vernis utilisés pour créer les couleurs lumineuses des céramiques palestiniennes (MEE/Katie Miranda)

« C’est de plus en plus difficile. Depuis 2000 et le début de la deuxième Intifada, les choses ont changé rapidement et des restrictions ont été imposées aux entreprises dans toute la Palestine », poursuit-il. « Un camion complètement chargé coûte environ 1 200 dollars pour aller d’Hébron au port. Avant les check-points, cela coûtait environ 500 dollars. »

Exemples de dessous de plats colorés (MEE/Katie Miranda)

Selon Hamzeh, pour faire des profits, l’usine dépend à présent des boutiques locales et des exportations à l’étranger, lesquelles représentent 50 à 60 % de la production, mais le défi est de trouver de nouveaux marchés.

« Nous dépendons de nos partenaires aux États-Unis, au Canada et en Europe qui font du bon travail en transmettant notre histoire. Heureusement, nous sommes passés aux exportations, nos revenus n’ont donc pas baissé », souligne-t-il.

Hamzeh explique que les Palestiniens de Cisjordanie représentent aussi une part significative du marché : « C’est une façon pour eux d’être fiers de la culture palestinienne. Ils les utilisent pour servir de la nourriture et des boissons à la maison. »

La boutique de la coopérative Holyland Handicraft Society contient une variété d’objets artisanaux, de bijoux et d’artefacts fabriqués par des artisans de Cisjordanie (MEE/Katie Miranda)

Holyland Handicraft Society est une coopérative de commerce équitable rassemblant divers artisans de Cisjordanie. Basée à Beit Sahour, elle vend des figurines en bois d’olivier sculpté, des céramiques, des bijoux en nacre et des broderies. La coopérative a été fondée en 1981 en réponse à la détérioration du tourisme dans la région de Bethléem à cause de l’occupation israélienne.

Basma Barham, directrice de la coopérative, fait écho aux propos d’Hamzeh Natsheh concernant les problèmes rencontrés par les artisans en Cisjordanie :

« Parfois, lorsque nous devons recevoir des marchandises de l’extérieur, il peut s’écouler trois mois avant que les Israéliens ne libèrent la cargaison, et parfois ils ne font pas attention aux articles qui ont besoin de réfrigération », indique Basma à MEE.

Elle explique comment les poids-lourds transportant le bois d’olivier de Naplouse, utilisé pour la fabrication des produits, doivent passer par plusieurs points de contrôle israéliens.

« Ils [les soldats israéliens] peuvent dire : ‘’désolés, la route est fermée, vous devez revenir’’. Nous devons alors recommencer le lendemain et repayer le chauffeur. »

« Ce sont des choses qui arrivent chaque jour de notre vie et dont personne n’est au courant. C’est notre routine. Nous avons souvent des dates limites pour envoyer les marchandises à l’étranger mais nous découvrons que les routes sont fermées et nous devons l’expliquer aux clients, qui ne peuvent pas comprendre parce qu’ils ne sont pas ici. »

Traduit de l’anglais (original).

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