Aller au contenu principal

Djamel Beghal expulsé de France vers l’Algérie : fin de l’imbroglio

L’Algérien, libéré aujourd’hui en France, a finalement été expulsé vers l’Algérie, alors qu’Alger tardait à se décider face à l’accueil d’un ex-soutien du Groupe islamique armé
Djamel Beghal, 52 ans, était dans le viseur des autorités françaises depuis le milieu des années 1990 (Tweeter)

L'islamiste algérien Djamel Beghal, considéré comme le mentor de deux des auteurs des attentats de janvier 2015 à Paris, a été expulsé vers son pays natal après sa sortie d'une prison française lundi matin, a appris l'AFP de sources concordantes.

Djamel Beghal, 52 ans, déchu de la nationalité française, a quitté la prison de Vezin-le-Coquet, dans l'ouest de la France, « vers 5h30 en vue d'être reconduit à la frontière », selon une source syndicale, et a décollé peu après 10h30 de l'aéroport parisien de Roissy en direction d'Alger, ont indiqué des sources proches du dossier.

« Il a été libéré ce matin à 5h20, pris en charge par la [police aux frontières]. Il a adopté un comportement calme et n'a pas été surpris de l'heure de son départ », a indiqué l'administration pénitentiaire à l'AFP.

Dans le viseur des autorités françaises depuis le milieu des années 1990, Djamel Beghal, considéré comme le mentor de Chérif Kouachi et d'Amedy Coulibaly, deux des auteurs des attentats de janvier 2015 à Paris, a été déclaré expulsable en 2007, deux ans après avoir été condamné à dix ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste. 

À Vezin-le-Coquet, en Bretagne, il terminait de purger sa seconde peine de dix ans de prison pour un projet d'évasion en 2010 de Smaïn Aït Ali Belkacem, ancien du Groupe islamique armé algérien (GIA) condamné à perpétuité pour l'attentat à la station RER Musée d'Orsay en 1995 à Paris.

Djamel Beghal est considéré comme le mentor de Chérif Kouachi et d'Amedy Coulibaly, deux des auteurs des attentats de janvier 2015 à Paris

Cette expulsion intervient après plusieurs semaines d’incertitude sur le sort de Beghal. 

Paris attendait le feu vert d'Alger pour l'expulser et avait même prévu de le placer, en attendant, en centre de rétention ou de l'assigner à résidence.

« Nous travaillons avec les autorités algériennes. Les choses avancent, c'est un travail délicat. J'espère que nous allons trouver la solution adéquate », avait confié jeudi la ministre de la Justice Nicole Belloubet sur Radio Classique assurant qu'« en tous cas, Beghal sera sous une surveillance absolue ».

À LIRE ► France : le piège de l'islamisation du terrorisme

Depuis plusieurs semaines, les autorités françaises, qui souhaitent voir cet encombrant personnage retourner en Algérie, discutent avec Alger des conditions de son retour dans son pays natal qu'il avait quitté à l'âge de 21 ans pour venir en France. 

Selon une source proche du dossier à Alger qui s’est confié à l’AFP, les discussions en étaient, hier encore, au stade « du mécanisme de délivrance du laissez-passer consulaire », un titre de voyage délivré à un ressortissant algérien souhaitant rentrer dans son pays mais dépourvu d'un passeport valide.

Des fourgons de police arrivent, le 3 janvier 2005 au palais de justice de Paris, transportant les membres du réseau présumé constitué autour de Beghal, dont le projet était de commettre un attentat suicide contre l'ambassade des États-Unis à Paris (AFP)

Beghal serait favorable à cette option. « Il y a dix ans, nous avions bloqué son expulsion vers l'Algérie en raison du risque de torture encouru. Le climat lui apparaît désormais plus apaisé », a expliqué à l'AFP son avocat Bérenger Tourné.

Devant la justice, Beghal a expliqué qu'il souhaitait retrouver son épouse et ses quatre enfants en Algérie puis lancer « des projets économiques et professionnels » qui feraient le pont entre le Maghreb et l'Europe. Quant à ses anciennes craintes sur la situation politique à Alger, il dit avoir changé d'opinion : son pays natal est, dit-il, désormais « une quiétude militaire ». 

Libéré en 2009, Beghal est assigné à résidence dans le Cantal (centre), en attendant une possible expulsion - à laquelle s'oppose alors la Cour européenne des droits de l’homme

Quant à l'hypothèse d'un refus de l'Algérie d'accueillir son client, il parle d'« une situation inédite » : « Si l'Algérie ne veut plus de lui alors qu'il n'y a aucun doute sur sa nationalité, alors, elle fait de lui une sorte d'apatride, ce qui est contraire au droit international », a déclaré l’avocat à l’AFP.

L’incertitude était telle qu’à dix jours de sa libération, d’après l’hebdomadaire Le Nouvel Obs, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et la ministre de la Justice Nicole Belloubet ont écrit à leurs homologues algériens respectifs, Abdelkader Messahel et Tayeb Louh, afin d'appeler leur attention sur le cas de Djamel Beghal.

À LIRE ► La guerre risquée du président « Homeland »

À son arrivée à Alger, il a été « remis aux autorités algériennes » pour être rejugé par la justice algérienne qui l'a condamné par contumace en 2003 à vingt ans de prison pour « appartenance à un groupe terroriste » a annoncé lundi soir l'APS, l'agence officielle algérienne. 

Pas de condamnation en Algérie ?

Il lui a également été reproché d'avoir animé et dirigé une « cellule terroriste » lors de son séjour à Londres, à partir de 1998. Mais son avocat, Me Tourné, a vivement contesté une telle condamnation, affirmant à l'AFP : « Mon client et moi-même découvrons qu'il serait condamné à vingt ans de prison en Algérie, alors qu'aucune condamnation, par défaut ou contumace ou autre, n'a jamais été signifiée à M. Beghal à ce jour ». Et d'ajouter qu'il n'a « jamais reposé le pied en Algérie depuis 1987 ».

Au jour de sa libération, Djamel Beghal aura effectué près de dix-sept ans de détention dans les prisons françaises. Il est devenu une référence pour trois générations d'apprentis islamistes armés

Au jour de sa libération, Djamel Beghal aura effectué près de dix-sept ans de détention dans les prisons françaises. Il est devenu une référence pour trois générations d'apprentis islamistes armés.

Condamné en 2005, il avait reconnu, avant de se rétracter en expliquant avoir été torturé par les enquêteurs émiratis, avoir été mandaté par un proche de Ben Laden pour préparer un attentat contre l'ambassade et un centre culturel américains.

Plaque commémorative de l’attentat contre Charlie Hebdo, à Paris, le 6 janvier 2016 (MEE/ Roxanne D’Arco)

C'est à la prison de Fleury-Mérogis, en région parisienne, qu'il fait la connaissance des futurs auteurs des tueries de Charlie Hebdo et du magasin Hyper Cacher. Selon les enquêteurs, il devient leur « mentor », respecté pour sa « science religieuse ».

Libéré en 2009, il est assigné à résidence dans le Cantal (centre), en attendant une possible expulsion - à laquelle s'oppose alors la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Des photos le montrent au côté d'Amedy Coulibaly, venu lui rendre visite. Il est à nouveau arrêté en 2010, et a passé au total une dizaine d'années à l'isolement.

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].