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L’accord sur le nucléaire iranien se précise, les principaux obstacles sont surmontés

Des responsables iraniens ont révélé à MEE que des progrès réels ont été réalisés et qu’un accord pourrait être conclu dès le 9 juillet
Les ministres des Affaires étrangères et d’autres ministres du P5+1 assistent aux pourparlers sur le nucléaire iranien, à Vienne (Autriche), le 6 juillet 2015 (AA)

VIENNE – Tandis que les négociateurs américains et iraniens progressent vers la conclusion d’un accord historique à Vienne, la levée des sanctions contre l’Iran, question la plus épineuse de ces négociations, est en voie d’être résolue, ont indiqué à MEE des sources occidentales et iraniennes proches des négociations sur le nucléaire.

Alors que les pourparlers sont prolongés jusqu’au 10 juillet et que des sources iraniennes suggèrent qu’un accord pourrait être rédigé dès le soir du 9 juillet, les États-Unis et l’Iran semblent s’être entendus sur la plupart des dispositions de l’accord régissant la levée des sanctions unilatérales et celles du Conseil de sécurité de l’ONU.

La seule question portant sur les sanctions qui est restée une pierre d’achoppement au cours des derniers jours concerne le texte de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui, comme les deux parties l’ont convenu, remplacera une série de résolutions adoptées entre 2006 et 2010.

Jusqu’à présent, les P5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne) ont insisté pour que le texte de la nouvelle résolution comprenne un prolongement de l’embargo sur les armes conventionnelles imposé par une résolution du Conseil de sécurité datant de 2007. Or l’Iran s’y est opposé énergiquement.

Un responsable iranien, qui n’a pas pu être identifié en vertu de la réglementation de ses communications avec la presse ce lundi, a révélé la position de l’Iran sur la question dans les négociations. « L’embargo sur les armes ne doit pas faire partie du plan global, a déclaré le responsable. Il n’y a aucune preuve d’un rapport entre l’embargo sur les armes et la question du nucléaire. »

Toutefois, la position iranienne semble avoir été renforcée par de profondes divisions sur la question parmi les six puissances. Le P5+1 (sans l’Allemagne, qui n’est pas un membre permanent du Conseil de sécurité) s’est réuni lundi soir pour revoir sa position de négociation quant à l’embargo sur les armes, d’après un diplomate européen qui a demandé à rester anonyme en raison du caractère extrêmement sensible des discussions.

Lors des pourparlers, les Russes et les Chinois étaient fermement opposés à l’inclusion de cet embargo, tandis que la France est restée indécise, a ajouté le diplomate européen. L’absence de consensus jusqu’à présent sur la position prise par les six puissances semble indiquer que la dernière question majeure relative à la suppression des sanctions est désormais en passe d’être résolue.

Comment l’obstacle des « PDM » a été effacé

Une autre pierre d’achoppement potentielle empêchant la conclusion d’un accord a été écartée lors des premiers jours du cycle des pourparlers à Vienne. Ce bond en avant diplomatique a été suggéré par l’annonce surprise de Yukiya Amano, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique, qui a déclaré ce samedi que les experts seront en mesure d’achever d’ici décembre leur rapport sur la question des « possibles dimensions militaires » (PDM) avec la coopération iranienne.

Dans les cycles de négociations précédents, la position prise par le P5+1 avait été que les sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU seraient uniquement levées si l’Iran coopérait pleinement avec l’AIEA en vue de résoudre la question des PDM. Des diplomates occidentaux avaient même laissé entendre aux médias que le P5+1 retarderait le règlement de la question des PDM afin de maintenir un effet de levier sur l’Iran pour les années à venir. Les Iraniens se sont quant à eux opposés à toute tentative des six puissances de prolonger le processus de règlement de la question des PDM, le qualifiant de « jeu sans fin » qui permettrait aux États-Unis et à leurs alliés de maintenir certaines sanctions.

En dépit de leurs objections, l’accord-cadre de Lausanne a inclus la question des PDM dans les conditions que l’Iran était tenu de respecter afin de lever les sanctions de l’ONU, et on ignorait encore comment l’Iran éviterait une crise dans la mise en œuvre des mesures portant sur cette question.

Mais l’administration Obama était déterminée à éliminer les chances de voir une telle crise survenir. Moins de deux semaines avant de commencer, le secrétaire d’État John Kerry a signalé dans une conférence de presse que la question des PDM ne pourrait interférer avec un accord. Ensuite, lors des premiers jours des pourparlers de Vienne, Amano a rencontré Kerry, puis le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif à deux reprises. Il s’ensuivit une visite rapide d’Amano à Téhéran pour rencontrer le Président Hassan Rohani et le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale, Ali Shamkhani.

D’après deux responsables iraniens, qui ont demandé à conserver l’anonymat pour discuter de ces négociations à caractère sensible, le résultat des rencontres avec Amano a été un accord entre Amano et l’Iran pour que son rapport final reflète « deux versions » sur la question de savoir si l’Iran avait cherché à acquérir des armes nucléaires.

Un des responsables iraniens a indiqué à MEE qu’Amano avait assuré aux Iraniens que la plainte iranienne contre les renseignements que l’AIEA avait rendus publics par le passé serait reflétée dans son rapport, tout comme le serait une réitération anticipée de la ligne adoptée par l’AIEA dans les rapports précédents.

Le déroulé des événements indique clairement que Kerry a formellement fait savoir à Amano que les États-Unis souhaitent qu’il émette un rapport qui contribuera à la mise en œuvre de l’accord au lieu de devenir une pierre d’achoppement pour la conclusion de ce dernier.

Diplomatie créative et allégement des sanctions

Un succès diplomatique encore plus important sur cette question a été atteint avec l’élaboration d’un programme détaillé portant sur le calendrier de retrait des sanctions, qui a été négocié par des experts techniques la semaine dernière et qui doit être soumis à l’approbation des dirigeants politiques du P5+1 et de l’Iran. Un deuxième responsable iranien, qui a également demandé à conserver l’anonymat, a décrit ce programme à MEE la semaine dernière.

Selon le responsable, ce programme, qui n’a pas encore été approuvé par les directeurs politiques des six puissances qui négocient avec l’Iran, réconcilie les positions des États-Unis et de l’Iran sur une question qui, plus tôt cette année, avait semblé suffisamment contradictoire pour exclure toute idée de compromis diplomatique.

Les responsables américains ont affirmé à plusieurs reprises que les sanctions contre l’Iran ne pouvaient être levées qu’après une vérification par l’AIEA de l’application par l’Iran de ses engagements sur le nucléaire, et le seraient ensuite uniquement de manière « progressive ».

Le guide suprême iranien Ali Khamenei avait cependant exigé une levée des sanctions immédiatement après l’entrée en vigueur de l’accord.

La solution à ce problème apparemment insoluble a été initialement présentée aux Iraniens par la délégation des États-Unis, selon un responsable iranien impliqué dans les négociations, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat. Elle était basée sur deux idées essentielles dans le cadre desquelles chaque camp a accepté de réinterpréter des éléments centraux du programme.

Les États-Unis ont accepté pour la première fois que, de façon réaliste, la levée des sanctions serait beaucoup plus complexe et plus longue que la simple signature d’un document juridique. Les Américains ont reconnu que la levée des sanctions nécessiterait toute une série d’actions qui rendraient vraiment efficace l’engagement du P5+1 visant à mettre fin aux sanctions.

L’Iran a pour sa part accepté d’interpréter sa demande d’allégement des sanctions dès le premier jour de mise en œuvre comme signifiant que les États-Unis garantiraient l’allégement des sanctions dès le premier jour de la mise en œuvre mais effectueraient le travail nécessaire au cours de la même période que celle où l’Iran remplirait sa part du contrat.

Ces concessions mutuelles sont la base de ce qu’on pourrait appeler la « phase d’opérationnalisation » de l’accord. Dans cette phase, les actions des deux camps pour remplir leurs obligations seraient « simultanées et parallèles ».

Cette phrase cruciale permettrait à l’Iran de vendre cet accord en Iran en le présentant comme étant compatible avec les exigences de Khamenei, qui souhaite que la levée des sanctions ait lieu le premier jour de la mise en œuvre.

Les engagements de l’Iran pour réduire son programme nucléaire étaient déjà acceptés en détail dans l’accord-cadre conclu le 2 avril à Lausanne. L’accord final est appelé à énoncer dans une annexe technique ce que les États-Unis et leurs alliés européens (qui ont imposé des sanctions contre l’Iran en 2012) feront exactement pour rendre la levée de ces sanctions véritablement efficace, et la façon dont le calendrier de mise en œuvre sera synchronisé.

La première mesure du processus détaillé dans l’annexe (devant être prise dès le départ) est ce que les Iraniens considèrent comme la « garantie » que les États-Unis et leurs alliés européens procéderont au retrait des sanctions. Selon le responsable iranien, cette « garantie » prendrait la forme d’un engagement visant à prendre les mesures juridiques spécifiques nécessaires pour suspendre les sanctions des États-Unis et mettre fin aux sanctions de l’UE après vérification par l’AIEA des mesures de mise en œuvre iraniennes.

Pour garantir à l’Iran que les sanctions seront effectivement levées, il sera tout aussi important d’élaborer une série de mesures que les alliés occidentaux seraient tenus de prendre dans les mois suivant l’engagement initial afin d’informer la communauté économique et financière mondiale des implications de l’accord visant à mettre fin aux sanctions.

« Ils ont besoin d’effectuer un travail préparatoire pour changer la culture des sanctions », a expliqué le responsable iranien. Cela impliquera d’informer les grandes institutions financières et associations commerciales qu’elles ne seront plus soumises aux sanctions extraterritoriales contre les entreprises faisant affaire avec des banques iraniennes dès la fin de la phase d’opérationnalisation.

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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