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« Pas besoin d’être nus pour montrer la beauté de nos antiquités » : polémique en ligne pour une séance photo devant des pyramides

Un photographe et une mannequin ont été arrêtés puis relâchés à la suite d’une séance photo sur le site de la nécropole de Saqqarah, suscitant des réactions diverses chez les internautes
La mannequin Salma al-Shimi sur l’une des photos prises sur le site de Saqqarah (capture d’écran/Twitter)
La mannequin Salma al-Shimi sur l’une des photos prises sur le site de Saqqarah (capture d’écran/Twitter)

Des clichés d’une mannequin égyptienne ont suscité un vif débat en ligne après que le photographe et la mannequin figurant sur les photos – jugées « provocantes et offensantes » par les médias égyptiens – ont été arrêtés par les autorités égyptiennes lundi. 

Tous deux ont été libérés mardi.

Dans la série de clichés du photographe Houssam Mohammad, la mannequin Salma al-Shimi porte des accessoires typiques de l’époque des pharaons avec une robe arrivant au-dessus du genou et pose sur le site de la nécropole de Saqqarah, à 30 km au sud du Caire.

Selon une source judiciaire, les deux individus ont été accusés d’avoir « pris des photos sans autorisation sur le site archéologique de Saqqarah » et ont été libérés moyennant une caution de 500 livres égyptiennes (environ 26 euros) chacun en attendant les résultats d’une enquête.

Akhbar el-Youm, média d'État, a rapporté mardi que Salma al-Shimi avait comparu devant un procureur général et rejeté toutes les accusations portées contre elle, soutenant que son but était de promouvoir le tourisme et non d’offenser l’Égypte.

Salma al-Shimi aurait déclaré qu’elle ne savait pas qu’il était interdit de faire des photos sur des sites archéologiques sans autorisation.

La tenue de la mannequin a suscité de nombreuses réactions en ligne, certains jugeant les images irrespectueuses du site antique où la séance photo s’est déroulée.

https://twitter.com/Allaa43581633/status/1333722259102576640

Traduction : « Nous n’avons pas besoin d’être nus pour montrer la beauté de nos antiquités ou pour attirer les touristes… Les touristes recherchent le confort et les services, pas de la viande bon marché. »

Traduction : « Vos photos sont vraiment dégoûtantes et ne représentent pas du tout l’histoire de notre civilisation. » 

Un tollé surprenant pour le photographe

Dans une interview accordée à Youm7 TV avant son arrestation, Houssam Mohammad a affirmé que Salma al-Shimi était entrée sur le site en portant une abaya – une robe ample – à la demande du personnel, et qu’elle s’était changée à leur arrivée sur le lieu de la séance photo.

Il a par ailleurs révélé que six employés étaient venus assister à la séance photo, qui n’a duré que quinze minutes, sans leur demander d’arrêter.

Houssam Mohammad a exprimé sa surprise face au tollé suscité en ligne par la séance photo, affirmant que « si une fille mince avait posé à la place de Salma, ce serait quelque chose de tout à fait normal ». 

Après l’arrestation de Houssam Mohammad et la comparution de Salma al-Shimi devant le tribunal, le ton en ligne a changé avec l’apparition de vagues de messages dénonçant un manque de liberté d’expression en Égypte.

Traduction : « Je serai mort avant de savoir quel a été son crime... »

Traduction : « Je ne sais ce qui pourra être reproché à cette fille qui s’est habillée en pharaonne et qui a posé devant Saqqarah. Son acte est-il différent de celui de mannequins étrangers ? Il n’y a pas de loi qui criminalise son comportement, mais ceux qui sont censés protéger le public emploient tous les prétextes pour ennuyer les gens et répandre la malveillance. »

Traduction : « Le gouvernement égyptien adopte un discours réactionnaire pour gagner l’affection de la majorité du peuple, mais ce faisant, il trahit les valeurs de l’État ainsi que la Constitution et nous ramène à des pratiques rétrogrades. Allons-nous combattre le terrorisme religieux en réprimant les libertés individuelles ? »

Certains ont relié cette affaire à la campagne des Nations unies intitulée « Seize jours d’activisme pour mettre fin à la violence faite aux femmes », qui a débuté le 25 novembre.

Traduction : « Dix-sept heures après avoir posté sur internet sa séance photo sur le site des pyramides, Salma a été arrêtée. »

D’autres sont allés jusqu’à interpeller le compte Twitter officiel du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi pour dénoncer une politique de deux poids, deux mesures.

Mostafa al-Waziri, secrétaire général du Conseil suprême des antiquités d’Égypte, a déclaré à la publication égyptienne al-Watan que toute personne qui « manque de respect » aux antiquités et à la civilisation égyptienne serait punie.

L’ancienne nécropole de Saqqarah est un site touristique égyptien prisé. On y trouve de nombreuses pyramides, dont la pyramide à degrés de Djéser. 

Ces derniers mois, Saqqarah a fait la une de l’actualité en raison des nombreux artefacts découverts dans la région.

Ces arrestations surviennent dans un contexte de répression opérée par le gouvernement égyptien contre les femmes dont les contenus sur les réseaux sociaux sont jugés inappropriés. Certains commentateurs ont fait remarquer que les hommes bénéficiaient d’un passe-droit pour porter des tenues pas moins révélatrices.

Traduction : « Dans sa dernière guerre contre le corps des femmes, le ministère public égyptien enquête sur la mannequin en devenir Salma al-Shimi après une séance photo sur le plateau des pyramides de Saqqarah qu’elle a postée sur les réseaux sociaux » / « Le régime de Sissi ouvre des enquêtes et arrête des femmes parce qu’elles posent pour des photos, dansent et chantent tout habillées sur les réseaux sociaux. Pendant ce temps, plus les hommes égyptiens se dévêtissent, plus ils sont célébrés pour leur virilité, leur masculinité, leur force. Vous vous souvenez du spectacle des cadets de la police pour Sissi ? » 

En Égypte, le mouvement de défense des droits des femmes a été relancé plus tôt cette année lorsque cinq jeunes femmes ont été condamnées par un tribunal à deux ans de prison et à une amende de 300 000 livres égyptiennes (environ 15 800 euros) chacune pour des publications sur TikTok jugées contraires aux bonnes mœurs.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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