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Tunisie : à Sfax, après des heurts avec les forces de l’ordre, les migrants craignent une nouvelle vague de répression

Alors que cet été, leur déportation sans eau ni nourriture à la frontière avec la Libye avait suscité l’indignation des ONG et de l’ONU, les migrants subsahariens en Tunisie s’attendent à une nouvelle expulsion
Un membre du Croissant-Rouge tunisien s’adresse aux migrants qui ont fui les violences à Sfax vers la zone tampon militarisée entre la Tunisie et la Libye, le 12 juillet 2023 (AFP/Fathi Nasri)
Un membre du Croissant-Rouge tunisien s’adresse aux migrants qui ont fui les violences à Sfax vers la zone tampon militarisée entre la Tunisie et la Libye, le 12 juillet 2023 (AFP/Fathi Nasri)
Par MEE

Depuis presque dix jours, les migrants subsahariens stationnés dans les environs de Sfax, dans le centre-est de la Tunisie, vivent dans l’angoisse que les autorités tunisiennes les expulsent dans le désert.

À l’origine de ces craintes : des affrontements entre la Garde nationale tunisienne et des Africains subsahariens en situation irrégulière survenus le 24 novembre dans la région d’al-Hamaziah, à une trentaine de kilomètres de Sfax. C’est là, dans une zone couverte d’oliveraies, que de nombreux migrants se sont réfugiés quand, en septembre, les services de sécurité ont mené une opération à Sfax pour les expulser.

Traduction : « Nous avons des rapports alarmants en provenance de Sfax selon lesquels les Tunisiens ont commencé à attaquer les Noirs (subsahariens) dans la région de Zeitoun et ont brûlé toutes leurs tentes, leur nourriture et leurs objets de valeur. Ceux qui ont survécu aux attentats sont pourchassés par des voyous. »

Ce vendredi 24 novembre, les forces de l’ordre sont venues détruire des barques en fer, utilisées pour traverser la Méditerranée. À l’aide de tractopelles, la Garde nationale a déterré les embarcations de fortune cachées sous le sable.

Selon InfoMigrants, un site d’information destiné à lutter contre la désinformation dont sont victimes les migrants, entre 100 et 200 Subsahariens ont alors encerclé une camionnette de la Garde nationale occupée par quatre agents.

Sur des vidéos diffusées et partagées sur les réseaux sociaux, on voit une dizaine de migrants monter sur le véhicule, le secouer et le renverser. « Les policiers ont réussi à s’en extirper, avant d’être visés par des jets de pierre. La camionnette a ensuite été brûlée par les manifestants », précise le site. Selon d’autres médias, un fusil d’assaut aurait aussi été dérobé par les assaillants.

« Les quatre agents de la Garde nationale ont été blessés, l’un d’eux a reçu un coup à la tête. Des images le montrent au sol, saignant abondamment. L’homme a été transporté à l’hôpital et a pu sortir dès le lendemain. »

« La situation s’est encore détériorée »

La ville portuaire de Sfax est un des principaux points de départ des migrants clandestins vers l’Italie, à 150 km de là, qui a vu arriver depuis le début de l’année, 151 000 clandestins, soit plus de 60 % d’augmentation par rapport à 2022.

À la suite des événements à al-Hamaziah, vingt Africains subsahariens ont été interpellés, a indiqué la presse locale.

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« La situation s’est encore détériorée », rapporte Al Jazeera ce dimanche 3 décembre. « À l’heure actuelle, les champs autour d’al-Amra ont été cernés par la police et la garde nationale alors que les unités de sécurité parcourent la zone à la recherche d’armes et de munitions qui auraient été perdues lors [des] affrontements. »

InfoMigrants affirme que selon les témoignages recueillis, « les autorités ont acheminé plusieurs bus pour éloigner les migrants et les abandonner à la frontière avec l’Algérie ». 

Une pratique qui a attiré il y a quelques mois des protestations officielles du secrétariat général de l’ONU à New York et alarmé les ONG. Les autorités tunisiennes avaient démenti toute expulsion.

Entre juillet et août, des sources humanitaires ont évoqué auprès de l’AFP « plus de 2 000 expulsions » et dressé un bilan d’au moins 27 morts dans le désert tuniso-libyen et 73 disparus entre juillet et début août.

« En transférant les migrants vers la frontière et en les poussant vers l’Algérie, les autorités tunisiennes ont tenté des expulsions collectives, interdites par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples », soulignait HRW en juillet.

Rappelant un accord conclu le 16 juillet qui prévoit une aide européenne de 105 millions d’euros à la Tunisie pour lutter contre l’immigration clandestine, HRW a appelé l’Union européenne à « cesser tout financement des autorités responsables de ces abus ».

Human Rights Watch (HRW) avait encore rapporté en octobre que plus de 100 migrants africains interceptés en mer par la garde nationale tunisienne avaient été « collectivement expulsés vers la frontière avec l’Algérie les 18 et 20 septembre » et laissés « sans nourriture ni eau ».

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