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Ventes d’armes à Israël : le gouvernement britannique n’est pas crédible

Tant que le gouvernement britannique n’applique pas ses propres critères au commerce des armes, nous devons maintenir notre processus public de surveillance afin qu’il tienne parole

La semaine dernière, le gouvernement britannique a annoncé les résultats d'un examen des licences d'exportation militaires dont la légalité avait été remise en question lors des attaques israéliennes sur la bande de Gaza l'été dernier. Le résultat, obtenu après onze mois d’examen, a conclu qu'il n'y a pas de risque que les armes expédiées en Israël à partir du Royaume-Uni puissent être utilisées pour des violations du droit international.

Ce résultat montre que le gouvernement britannique ne parvient jamais à mettre en œuvre ses propres critères d'octroi de licences d'exportation d'armes, critères censés garantir que les armes exportées du Royaume-Uni ne sont pas utilisées pour des violations du droit international.

La fonction de base de l'armée israélienne est de faire respecter son occupation illégale de la Cisjordanie et de la bande de Gaza à travers un système de contrôle qui comprend : un mur d'apartheid qui serpente à travers la Cisjordanie ; un réseau de check-points tenus par l'armée israélienne, empêchant les Palestiniens de se déplacer librement ; et l’arrestation et l'incarcération systématique de Palestiniens, 5 750 d’entre eux étant actuellement détenus en tant que prisonniers politiques, arrachés de chez eux par la force militaire. Sans compter les campagnes de bombardement périodiques d'Israël sur la bande de Gaza déjà occupée et assiégée, la plus récente en 2014 qui avait fait 2 205 morts parmi les Palestiniens, dont 521 enfants.

Certaines des armes utilisées pour commettre ces massacres sont fabriquées au Royaume-Uni.

Nul besoin d’être un expert militaire pour savoir quels types d'armes sont utilisés par l'armée israélienne pour effectuer cette occupation brutale : unités d'avions de combat, drones pour la surveillance et les bombardements, et armes dotées d’un système de vision nocturne. L’exportation vers Israël, dans les six mois avant l'attaque de l'été dernier sur la bande de Gaza, de tous ces éléments, et de beaucoup d'autres, a été approuvée par le gouvernement du Royaume-Uni. Est-ce que le gouvernement britannique pense qu’Israël voulait juste les accumuler au cas où éclatait une autre guerre ? Et même si tel était le cas, cela justifie-t-il leur exportation ?

Les décisions d'octroi des licences d'exportation d'armes sont faites au cas par cas selon les « critères d'octroi de licences des exportations d'armes de l'UE et nationaux ». Ces critères exigent que le gouvernement prenne en compte « le respect du droit international » du pays acheteur. D’autres critères ont été soulignés par le gouvernement comme étant particulièrement pertinents pour Israël : par exemple, quand il y a un risque clair que l'équipement soit utilisé pour la répression interne, et quand il y a un « risque manifeste que le destinataire envisagé utilise les éléments de façon agressive [...] pour faire valoir par la force une revendication territoriale ».

Les critères d'octroi de licences décrivant les cas d’interdiction d’exportations sont essentiellement une longue liste des principales activités menées par l'armée israélienne. Si les critères d'octroi de licences d'exportation du Royaume-Uni avaient été appliqués, il y aurait eu de facto un embargo sur les armes à l’encontre d’Israël. Malgré cela, dans les quatre mois suivant immédiatement le bombardement de Gaza par Israël en 2014, plus de quatre millions de livres sterling d'équipement militaire ont été approuvés pour l'exportation vers Israël.

Alors, pourquoi le Royaume-Uni n’applique-t-il pas ses propres critères pour restreindre les licences sur du matériel militaire à destination d'Israël ?

Il ne manque certainement pas de preuves montrant que l'armée israélienne utilise des armes en violation du droit international. En fait, quelques semaines seulement avant l'examen des résultats, une enquête indépendante des Nations unies au sujet de la guerre de Gaza avait trouvé des preuves suggérant qu’Israël avait commis de multiples violations du droit international, y compris des crimes de guerre. Le gouvernement britannique a voté en faveur de l’acceptation du rapport au Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Il y a sûrement suffisamment de preuves pour dire qu'il existe au moins un « risque manifeste ».

L'examen qui vient de se terminer est un bon exemple de la façon dont le processus de contrôle des exportations d'armes fonctionne - ou pas - et détient aussi la clé de la façon dont nous pouvons remettre en question ce système de complicité.

Quelques jours seulement avant que l'examen de la licence d'exportation ait été annoncé l'été dernier, 150 000 personnes ont défilé dans les rues de Londres pour protester contre la guerre d'Israël contre Gaza et exiger la fin du commerce des armes entre le Royaume-Uni et Israël. En 2009, il y avait eu une affaire similaire lorsque la pression du public avait contraint le gouvernement à répondre et à révoquer certaines licences d'exportation de l’époque. Mais c’était trop peu et trop tard pour sauver les victimes du massacre d'Israël.

Il existe une corrélation absolue entre la sensibilisation et la pression du public d’une part, et l'action du gouvernement sur ces questions d’autre part. Mais ce n’est pas seulement par le vote ou en écrivant aux députés que nous créons la pression. C’est en descendant dans la rue et en montrant que nous ne sommes pas prêts à laisser faire et à nous prêter à ce simulacre d'examen et autres gestes symboliques.

En août 2014, neuf personnes ont occupé le toit de l'usine de moteurs de drones de Shenstone, où sont fabriqués ceux envoyés à Israël. L'usine, l'une des nombreuses qui existent au Royaume-Uni, est détenue par le plus grand fabricant d'armes d'Israël, Elbit Systems. Ces manifestants ont arrêté les activités de l'usine pendant deux jours avant d’être arrêtés. Quelques mois plus tard, les accusations portées contre eux ont été abandonnées après que la compagnie a refusé de fournir des détails sur les licences d'exportation d'armes qui lui avaient été accordées. Si le procès avait continué, le gouvernement du Royaume-Uni et/ou la société auraient dû fournir des preuves pour contrer l’affirmation des manifestants selon laquelle ces armes avaient été utilisées en violation du droit international.

Plus tard dans l’année, au Royaume-Uni, un petit groupe de manifestants s’est réuni dans une autre usine appartenant à Elbit, a arrêté son fonctionnement pendant une journée et a réussi à empêcher l’accès à l’usine de certaines marchandises.

Ces petites actions sont montées crescendo, le 6 juillet 2015, lorsque plus d'une centaine de personnes ont à nouveau manifesté devant l'usine appartenant à Elbit à Shenstone, ainsi que dans deux autres usines appartenant à Elbit au Royaume-Uni. En tout, trois usines appartenant à Elbit au Royaume-Uni ont été fermées à cause des manifestations.

Ces manifestations se sont déroulées malgré les tentatives de sabotage des efforts des manifestants menées par l'usine Shenstone. L'usine a demandé à la Cour suprême d'imposer une injonction de « zone interdite » de 250 mètres autour de l'usine, zone comprenant des terres publiques et sur laquelle elle a fait interdire la présence de toute personne associée à des protestations, y compris les veillée pour la paix que les militants de Staffordshire tenaient à l'usine depuis 2009. Le jour de la manifestation, la police est venue avec des forces totalement disproportionnées et 19 personnes ont été arrêtées.

L’entreprise fabriquant des armes pour l'exportation vers Israël a utilisé des mesures draconiennes pour réduire au silence toute dissidence concernant ses actions. Heureusement, les militants ont fait en sorte que l'injonction ne passe pas sans contestation et le 22 juillet, la Cour suprême a annulé la « zone interdite » autour de l'usine.

La réponse aux protestations montre que le gouvernement du Royaume-Uni, en collusion avec les entreprises d'armement israéliennes, est prêt à aller très loin pour supprimer le débat public démocratique sur l'illégalité du commerce des armes entre le Royaume-Uni et  Israël. Mais les manifestations elles-mêmes montrent que la campagne Stop Arming Israel continue à se développer, indépendamment des tentatives pour la réprimer.

Tant que le gouvernement britannique n’applique pas ses propres critères pour le commerce des armes et n’impose pas un véritable embargo sur les armes à destination d’Israël, nous devons maintenir notre processus d'examen public pour qu’il tienne parole et pour le pousser à mettre fin à ces sales affaires.


 - Ryvka Barnard est responsable des campagnes sur le militarisme et la sécurité au War on Want.

Les opinions exprimées dans cet article appartiennent à l'auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : Rami Joundiye, 22 ans, a perdu sa jambe après les attaques d'Israël sur Gaza il y a un an. Il est photographié ici à son domicile dans la ville de Gaza, le 10 juillet (AFP).

Traduction de l’anglais (original) par Emmanuelle Boulangé.

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