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Daech se retranche en vue d’un long combat en Irak malgré son retrait de Ramadi

Un responsable militaire a indiqué à MEE que la capitale « libérée » de la province d’Anbar n’est pas encore complètement sous le contrôle du gouvernement, tandis que l’État islamique compte se regrouper à Falloujah
Les forces irakiennes travaillent à sécuriser une zone à proximité de la Grande Mosquée du centre de Ramadi, le 8 janvier (AFP)

BAGDAD – Le groupe État islamique se retranche fermement dans certaines parties de l’Irak, tout en lançant une série d’attentats-suicides à grande échelle, suscitant des craintes de nombreux mois à venir de combats intenses alors même que le gouvernement à Bagdad célèbre la libération annoncée de Ramadi.

Les combats se sont concentrés autour de Falloujah et dans le désert environnant, mais ont également touché des villes et villages le long de la route à l’ouest du pays en direction de Samarra, ville qui abrite l’un des sites les plus sacrés de l’islam chiite, et de Baïji, ville stratégique pour sa raffinerie de pétrole.

Après plusieurs mois de combats, le gouvernement irakien a annoncé le mois dernier que ses forces de sécurité avaient libéré Ramadi, la capitale de la province d’Anbar qui était occupée par l’État islamique depuis mai 2015.

La reconquête de la ville, où le Premier ministre irakien Haïder al-Abadi a assisté le 29 décembre à une cérémonie de lever du drapeau irakien, a été saluée comme une avancée bénéfique sur le moral du peuple irakien et comme une preuve de la capacité des divers groupes armés irakiens, incluant les forces de sécurité du gouvernement et les milices à dominante chiite, à travailler ensemble pour repousser l’État islamique.

Toutefois, l’État islamique refuse d’abandonner. Un commandant militaire a indiqué à Middle East Eye que même le centre de Ramadi n’était pas encore complètement sous le contrôle du gouvernement.

Depuis l’annonce de la libération de la ville, les troupes irakiennes et les groupes qui les soutiennent ont été confrontés à une kyrielle incessante d’attentats à la voiture piégée, d’attentats-suicides et d’attaques au mortier.

« Nous avons presque terminé de libérer le centre de Ramadi », a indiqué le major-général Sami al-Aaridhi, commandant d’une unité irakienne de lutte contre le terrorisme, par téléphone à MEE.

« Il nous reste seulement deux objectifs qui sont selon nous presque atteints ; suite à cela, nous pourrons certainement affirmer que le centre-ville est totalement sous notre contrôle. »

Selon Aaridhi, la manœuvre de la dernière chance de l’État islamique sur la ville a un double objectif, qui est de jeter une bouée de sauvetage à ses combattants qui se trouvent encore dans la ville, tout en engageant assez longtemps les forces irakiennes ralliées contre le groupe pour lui permettre de se regrouper à Falloujah, à 50 km à l’est.

Aaridhi a indiqué que les commandants irakiens étaient conscients que les combattants de l’État islamique se retiraient vers Falloujah, mais a affirmé qu’aucune unité n’y serait déployée depuis Ramadi jusqu’à ce que la ville soit sécurisée.

Falloujah, qui se situe à mi-chemin de la route principale reliant Ramadi à Bagdad, a été la première ville irakienne majeure à tomber aux mains de l’État islamique, il y a deux ans.

Toutefois, les inquiétudes quant à l’infiltration de cellules de l’État islamique dans la banlieue de Bagdad, ainsi que la nécessité de permettre l’approvisionnement en vivres et en fournitures médicales pour les civils qui vivent encore à Falloujah, ont permis à l’État islamique de conserver le contrôle de la ville, bien que celle-ci soit plus ou moins encerclée par les forces irakiennes et par les milices qui les soutiennent.

Falloujah de nouveau en première ligne

Depuis la reprise de Ramadi, Falloujah se retrouve de nouveau en première ligne.

Déjà ce mois-ci, l’État islamique a touché un quartier général de l’armée irakienne à Tharthar, à 25 km au nord de Falloujah. Les assaillants ont pris de grandes quantités d’armes et poussé les forces irakiennes vers l’ouest, à Saqlawiyah, soulevant de nouvelles inquiétudes quant à la sécurité du barrage de Tharthar, qui permet de contrôler les crues pour Bagdad et que les combattants de l’État islamique ont partiellement occupé pendant une courte période en avril dernier.

L’attaque de plusieurs jours a été suivie d’incidents similaires ciblant les troupes irakiennes déployées dans les zones peu peuplées et largement désertiques à l’est de Ramadi et au nord de la ville en direction de Samarra, dont l’État islamique revendique depuis longtemps le contrôle.

« Daech combat dans un demi-cercle autour du lac Tharthar depuis le sud [juste au nord de Ramadi et de Falloujah] », a expliqué à MEE Abdulwahid Tuama, analyste politique irakien indépendant, reprenant l’acronyme arabe de l’État islamique.

« Ils se sont mis à attaquer les troupes irakiennes à cet endroit pour les chasser de cette région et creuser les fossés dans le siège de Falloujah. »

Emad Bellow, ancien général de l’armée et analyste militaire indépendant, est également de cet avis.

« Falloujah est assiégée et Daech tient à y renforcer ses effectifs et à attaquer le collier qui l’étreint afin de retarder l’entrée des forces irakiennes et d’étendre les zones sous son contrôle », a-t-il indiqué à MEE.

Principale source d’eau de l’ouest de l’Irak en grande partie aride, la région autour du lac Tharthar a été le théâtre de certains des combats les plus violents.

Les voies d’approvisionnement

Les routes principales reliant Deir ez-Zor et Raqqa, villes syriennes contrôlées par l’État islamique, qui passent juste à l’ouest du lac, sont les principales voies d’approvisionnement vers Mossoul, deuxième ville d’Irak, sous le contrôle de l’État islamique depuis juin 2014.

Abdulwahid Tuama a précisé qu’un gazoduc reliant Baïji et Bagdad traversait également la région.

« Ce sont des voies d’approvisionnement au sol importantes pour l’État islamique et l’armée irakienne, a-t-il indiqué. Il y a des tranchées et des grottes que les militants utilisent depuis des années comme quartiers généraux de commandement et comme abris. »

Les autorités irakiennes responsables de la sécurité ont minimisé les récentes attaques de l’État islamique et ont évité de mentionner leur propre nombre de victimes, tout en soulignant que des dizaines de militants avaient été tués lors d’affrontements récents.

La coalition militaire anti-État islamique dirigée par les États-Unis, qui soutient les forces gouvernementales avec des frappes aériennes depuis 2014, affirme que le territoire contrôlé par l’État islamique en Irak a été réduit de 40 %, bien que ce chiffre soit fortement contesté.

Malgré la virulence et la nature généralisée des attaques récentes et les préoccupations quant au fait que l’État islamique continuera de résister aux efforts des Irakiens visant à le repousser, analystes et responsables militaires soulignent que le groupe ne réalise plus d’avancées territoriales importantes.

Néanmoins, plusieurs zones d’où le groupe a été chassé l’an dernier sont de nouveau sous pression, et les retombées de la chute de Ramadi se font ressentir à plus de 100 km au nord, dans les villes et villages à l’ouest de Samarra et jusqu’à Baïji.

Des faiblesses défensives

Les responsables locaux ont rapporté que des attaques de faible ampleur ont eu lieu derrière les lignes de front, dont un attentat perpétré le 3 janvier par six kamikazes contre une base militaire fortifiée à Speicher, à l’est de la ville de Tikrit, lors duquel 15 policiers ont été tués et 22 autres blessés.

Certains responsables militaires reconnaissent que ces attaques soulignent la sécurité fragile des zones prétendument libérées, alors que des milices chiites bien formées et bien équipées sont redéployées pour rejoindre les combats autour de la province d’Anbar.

« Daech a exploité les faiblesses défensives des forces irakiennes dans ces zones, puisqu’il s’agit d’une vaste zone désertique et qu’il n’y a pas assez de troupes pour la sécuriser », a indiqué à MEE un officier de l’armée irakienne sous couvert d’anonymat.

« Ils [les combattants de l’État islamique] sont très habiles quand il s’agit de combattre dans les zones ouvertes comme le désert, car ils en connaissent chaque recoin. Ils sont acclimatés à la zone, en connaissent les tranchées, les grottes et les chemins de terre, tandis que les soldats irakiens n’ont aucune de ces connaissances », a ajouté l’officier.

Les milices chiites travaillent côte à côte avec les forces officielles de sécurité pour sécuriser le réseau routier entre Bagdad et Baïji depuis le retrait de l’armée irakienne vers Bagdad face à l’avancée rapide de l’État islamique à travers l’ouest du pays en juin 2014.

Depuis le début du mois, plusieurs centaines de combattants appartenant à Saraya al-Salam, les forces armées fidèles au dignitaire chiite Moqtada al-Sadr, sont engagés dans de violents combats dans le désert du Tharthar pour regagner le territoire concédé à l’État islamique à l’extérieur de Falloujah.

Toutefois, certains craignent que ces combattants ne soient pas assez bien formés pour la tâche et ne puissent obtenir le soutien aérien dont ils ont besoin.

« Le problème est le nombre de soldats qui sont censés sécuriser ces zones. Ce nombre n’est pas suffisant, alors les forces de sécurité irakiennes comptent sur les troupes paramilitaires pour remplir cette mission », a affirmé à MEE Emad Bellow, ancien général et analyste militaire indépendant.

Selon Bellow, les troupes paramilitaires, y compris Saraya al-Salam, manquent d’expérience militaire pour édifier des défenses efficaces sur le terrain et pour déployer leurs forces afin de se couvrir efficacement.

« Daech cherche à couper les voies d’approvisionnement de l’armée irakienne dans ces zones et à conserver les siennes ; il mène ces attaques et les présente comme une victoire », a expliqué Bellow.

« Ils [les combattants de l’État islamique] ciblent les troupes non régulières parce qu’ils savent comment jouer avec elles et profiter de leurs erreurs. »

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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