Aller au contenu principal

Harragas : explosion des statistiques de l’immigration clandestine entre l’Algérie et l’Espagne

De plus en plus de familles et de jeunes embarquent depuis les côtes ouest algériennes pour tenter d’atteindre l’Espagne
5 225 Algériens ont emprunté la route de la Méditerranée occidentale et 865 celle de la Méditerranée centrale durant les huit premiers mois de 2020 (AFP)
5 225 Algériens ont emprunté la route de la Méditerranée occidentale et 865 celle de la Méditerranée centrale durant les huit premiers mois de 2020 (AFP)
Par MEE

Depuis cet été, le phénomène de l’immigration clandestine depuis l’Algérie vers les côtes sud de l’Europe connaît une explosion des chiffres.

Selon le ministère de la Défense algérien, trois corps ont été repêchés et 755 migrants ont été interceptés à bord de plusieurs embarcations au large des côtes algériennes, entre le 20 et 25 septembre.

La même source avait déjà fait état de la noyade de dix personnes et l’interception de 485 migrants entre le 15 et le 19 septembre, ce qui porte à plus de 1 200 le nombre de clandestins interceptés en dix jours.

Selon les derniers chiffres de l’agence européenne de contrôle des frontières Frontex, 5 225 Algériens ont emprunté la route de la Méditerranée occidentale et 865 celle de la Méditerranée centrale durant les huit premiers mois de 2020.

https://www.facebook.com/110606176980877/videos/413585440038983

Traduction : « Regardez ce que font ces harragas dès leur arrivée en Espagne » : vidéo publiée sur les réseaux sociaux le 25 septembre.   

Mais ces statistiques sont largement sous-estimées, selon certains spécialistes des questions d’immigration clandestine, explique l’AFP. Rien que durant le dernier week-end du mois de juillet, plus de 800 Algériens sont arrivés sur les côtes espagnoles, a indiqué la presse.

« Dans la région d’Oran [ouest], un nouveau phénomène est apparu depuis quelques mois : les go fast, des embarcations semi rigides équipées de puissants moteurs qui peuvent rallier les plages d’Andalousie en quelques heures. La traversée dans ces ‘’taxis’’, comme les appellent les harraga [nom donné aux émigrés clandestins], a un prix : 3 500 euros », explique le quotidien algérien El Watan.

« Les départs de bateaux depuis les côtes de l’Algérie – qui finissent par débarquer leurs occupants notamment aux Baléares, Murcie et Alicante – sont en augmentation depuis 2019 », souligne le correspondant en Espagne d’El Watan.

« Actuellement, les Algériens représentent 55 % des migrants qui atteignent les côtes espagnoles, alors que dans les années précédentes, ce pourcentage ne dépassait pas 10 %, selon les données de l’Agence européenne des frontières », poursuit-il.

« Dans la région d’Oran, un nouveau phénomène est apparu depuis quelques mois : les go fast, des embarcations semi rigides équipées de puissants moteurs qui peuvent rallier les plages d’Andalousie en quelques heures »

- El Watan

Ces chiffres masquent un véritable drame humain, comme celui de la ville de Mostaganem, sur la côte ouest algérienne, où les garde-côtes ont repêché le corps de six harragas dont une famille de quatre personnes.

« Depuis plusieurs mois, le phénomène des harragas connaît une ampleur de plus en plus importante, notamment ‘’à cause des conséquences socio-économiques de la crise sanitaire du COVID-19, où beaucoup d’Algériens ont perdu leur emploi ou se sont retrouvés en situation précaire avec des revenus minimes’’, nous a récemment expliqué le professeur en sociologie Rabeh Sebaa. Il a également pointé du doigt la cupidité des passeurs, « un mal qu’il faut arracher à la racine », rapporte le quotidien algérien Reporters

L’Algérie a voté en 2009 une loi visant à « combattre l’émigration clandestine » qui prévoit des peines allant jusqu’à six mois d’emprisonnement pour les clandestins.

« Au lieu de régler ce problème par la criminalisation, il faut aller vers l’école, la famille. Il faut inculquer les vraies valeurs à nos enfants dès leur jeune âge », indique le sociologue Nourredine Hakiki.

« Les solutions existent à ce niveau-là et non pas par la criminalisation ou la punition par la loi. L’émigrant clandestin est candidat à mourir en mer, que va représenter pour lui la prison ? »  

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].