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Le saut de l’ange : rencontrez le free-runner de Beyrouth qui espère devenir mondialement célèbre

Après s’être imposé dans le petit monde du free-running au Liban, Ziad Karam rêve d’une carrière internationale. Son heure pourrait bien être venue
Ziad, en tee-shirt blanc, et son équipe interrompent leur free-running le temps d’une pause dans la chaleur accablante de l’été. La plupart se sont rencontrés grâce à leur passion pour ce sport (MEE/Felipe Passolas)

BEYROUTH – Par une journée d’été étouffante au Liban, au milieu des ruines d’un château croisé du XIIe siècle, les spectateurs présents retiennent leur souffle devant un véritable défi aux lois de la gravité.

Pendant un bref instant, la silhouette nerveuse de Ziad Karam, un jeune homme de 22 ans, reste suspendue dans les airs. Son corps se contorsionne dans une position improbable tandis qu’il tourne sur lui-même, la tête en bas, à près de deux mètres du sol. Chaque mouvement a été répété jusqu’au moindre détail.

Ziad Karam s’entraîne dans l’un de ses endroits favoris au Liban, les ruines du château croisé de Byblos (MEE/John Owens)

Puis ses pieds se posent sur la vieille colonne qui tient lieu de plate-forme d’atterrissage, et sous les murmures admiratifs de son équipe – maintenant relativement blasée – il rebondit une fois de plus. 

Il s’est joué du vide avec une facilité déconcertante.

Ziad Karam et Mounir se baladent dans le centre de Beyrouth. Bien que Ziad veuille voyager dans le monde entier en tant que pro, il a affirmé à MEE qu’il considérerait toujours le Liban comme son foyer (MEE/Felipe Passolas)

Mais évidemment, pour quelqu’un d’absolument décidé à devenir un free-runner célèbre dans le monde entier – le free-running est similaire au parkour, mais avec des flips et des acrobaties en plus – ces petits tours de passe-passe sont quotidiens.

Un promeneur stupéfait découvre une animation imprévue dans le château croisé de Byblos (MEE/John Owens)

Un style personnel

Ziad Karam est une figure de proue du free-running au Liban. Il a affiché son style à travers le pays, des énormes monolithes en béton du parc Niemeyer – une ode incongrue au modernisme dans la ville de Tripoli, au nord du Liban – au quartier commerçant le plus chic de Beyrouth, où il évolue sur les corniches de marbre en esquivant les gardiens.

L’équipe a choisi comme terrain d’action un quartier commerçant chic du centre de Beyrouth (MEE/Felipe Passolas)

Middle East Eye a rencontré Ziad alors qu’il écumait avec ses amis la ville côtière de Byblos, un site classé au patrimoine de l’UNESCO, débordant d’histoire ancienne et, fort opportunément, de vieilles corniches d’où l’on peut prendre son envol.  

Ziad Karam et ses amis se promènent dans Byblos, à la recherche du prochain endroit où ils pourront travailleur leur technique (MEE/Felipe Passolas)

« J’ai toujours été un vrai singe », a-t-il expliqué, dans un anglais teinté d’accent américain, vestige des émissions télévisées d’outre-Atlantique qu’il regardait quand il était jeune.

« J’ai demandé à l’une de mes professeurs quelles étaient les lois de la physique qui permettent de faire un flip contre un mur, et elle a entreprit de l’expliquer », a-t-il ajouté en riant. « Alors j’ai fait un flip sur le mur, devant elle. »

Mounir perfectionne sa technique en plein cœur de Byblos, sous les yeux de Ziad Karam. Mounir espère marcher sur les traces de son ami et participer à des compétitions internationales (MEE/Felipe Passolas)

Des amis l’ayant introduit dans le milieu du free-running libanais, il est vite devenu un habitué d’une salle de sport – aujourd’hui fermée – voisine de son domicile à Beyrouth, y passant des heures à perfectionner de façon obsessive les vrilles, les sauts et les bonds qui caractérisent ce sport.

Depuis, il s’est évadé de ce cadre confiné, délaissant les matelas, l’abonnement au club sportif et les cotisations mensuelles adoptés par certains de ses camarades au profit de la liberté des rues, bien que son entraînement s’avère tout aussi intensif.

Ziad Karam parfait sa technique en vue de la compétition de free-running « Art of Motion » qui aura lieu en Grèce dans quelques mois (MEE/John Owens)

L’attitude modeste et décontractée de Ziad cache une détermination qui le pousse à s’entraîner régulièrement jusqu’à trois heures du matin, dans le but d’atteindre le niveau des rares professionnels sponsorisés.

« J’ai rencontré d’autres free-runners qui ne sont pas aussi sérieux – ils ont peur de se blesser, et se préoccupent de leur emploi », constate Ziad, qui travaille dans le cabinet d’architecture familial.

« Moi cela m’est égal. Mon plan est avant tout de devenir un free-runner professionnel. »

Ses parents demeurent sceptiques, mais la tension monte à chaque séance d’entraînement, à mesure que les quelques jours qui pourraient lui permettre de vivre son rêve se rapprochent.

Ziad retrouve un policier qui est aussi un vieil ami. Les réactions de la police et des services de sécurité varient, mais d’après lui, il est plus facile d’éviter les problèmes en dehors de Beyrouth – la capitale libanaise (MEE/Felipe Passolas)

Une chance de briller

Début octobre, certains des meilleurs free-runners s’étaient rassemblés sur l’île grecque de Santorin pour « Art of Motion » - l’une des principales manifestations de ce sport, sponsorisée par Red Bull.

C’est la plus grande compétition en son genre dans le monde, un endroit où l’on repère les nouveaux talents et où les carrières se font, au cœur d’un labyrinthe de maisons bleues et blanchies à la chaux. 

« Je me rappelle avoir vu ce gamin qui courait, sautait et faisait des choses dingues sans prêter attention aux athlètes connus à ses côtés – il n’était pas intimidé, et c’est ce qui m’a plus chez lui », a raconté à MEE Dimitris Kyrsanidis, que ses nombreux fans surnomment DK.

Dimitris Kyrsanidis, l’un des free-runners les plus doués du monde, a rencontré Ziad Karam pour la première fois en 2013, et tous deux sont vite devenus amis.

Ziad Karam et son gang filment leurs acrobaties avec une caméra vidéo et leur fidèle GoPro. Ils téléchargent ensuite leurs clips en ligne (MEE/Felipe Passolas)

« Il n’a pas énormément d’expérience, mais je l’ai vu progresser chaque année », a ajouté Dimitris.

Ahmad Omar montre à Ziad des séquences filmées pendant leurs séances d’entraînement. Le groupe a réalisé plusieurs vidéos et les a postées en ligne (MEE/Felipe Passolas)

« Il est tellement motivé qu’il ne s’arrête jamais, et c’est quelqu’un qui serait vraiment capable de réussir. »

Ziad voudrait absolument réussir. Il voyage déjà dans le monde entier, il télécharge des vidéos sur internet pour se faire un nom, et il ne débarque plus à Santorin en novice.

Alors que la compétition devient chaque année plus difficile, les autres coureurs ne sont pas les seuls à se dresser sur son chemin.


Surmonter les obstacles

Alors qu’il payait une rare visite à la gym au début de l’année, Ziad s’est fracturé un os de la jambe en essayant de faire un flip du haut d’une corniche.

Il a interprété cela comme un signe qu’il devait faire ses séances d’entraînement en plein air plutôt qu’entre les quatre murs d’une salle de sport.

« Le docteur ne sait pas que je ne repose pas ma jambe – je le ferai après la compétition, et d’ici là je vais me contenter de l’ignorer, comme je le fais tous les jours. »

Mounir Mokli, un ami de Ziad Karam âgé de 23 ans, exécute un saut sous les yeux du reste du groupe (MEE/Felipe Passolas)

Un autre problème nettement plus délicat se pose : Ziad possède un passeport libanais, avec les interminables formalités bureaucratiques et les laborieuses procédures d’obtention de visas qui s’y rattachent, ce qui lui a parfois fait rater des manifestations à l’étranger. Mais cette fois, il pense avoir réglé le problème du visa.

Bien qu’au sein du petit groupe avec lequel il s’entraîne, l’ambiance soit à l’encouragement plus qu’à la compétition, il est évident que ses amis aspirent tous à imiter ses sauts incroyablement audacieux.

Les locaux profitent du spectacle à Byblos, une ville vieille de plusieurs milliers d’années et riche en obstacles pour s’entraîner à sauter (MEE/Felipe Passolas)

Récupéré par Ziad et ses autres compagnons suite à une chute particulièrement rude, après un flip raté contre un mur en ruine de Byblos, Ahmad Omar (16 ans) a confié à MEE :

« Ziad a un meilleur niveau que le reste d’entre nous. Cela nous motive et nous donne envie de nous améliorer et de nous entraîner encore plus. » 

Le groupe s’occupe d’Ahmad Omar, victime d’une chute. Depuis janvier dernier, Ziad Karam se remet d’une sérieuse blessure à la jambe, mais il a décidé de l’ignorer jusqu’à la prochaine compétition de free-running en septembre (MEE/John Owen)

Quant à Ziad Karam, il n’a pas besoin de motivation supplémentaire. Son amour pour le sport et ses rêves de succès lui suffisent.  

Ziad Karam et Mounir se baladent dans le centre de Beyrouth. Bien que Ziad veuille voyager dans le monde entier en tant que pro, il a affirmé à MEE qu’il considérerait toujours le Liban comme son foyer (MEE/Felipe Passolas)

Traduit de l’anglais (original) par Maït Foulkes.

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