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Les forces irakiennes resserrent leur étau autour de Mossoul, les Kurdes s’emparent de Bashiqa

Le soutien de l’artillerie turque aux peshmergas pourrait rendre les relations encore plus tendues entre Ankara et Bagdad

Les forces gouvernementales irakiennes pénètrent dans le village d’al-Khuwayn, au sud de Mossoul, après l’avoir repris au groupe État islamique dimanche (AFP)

Dimanche, les forces irakiennes ont combattu, affrontant des pièges, des tirs de snipers et des voitures piégées pour resserrer leur étau autour de Mossoul, alors que les forces kurdes ont pris la ville de Bashiqa aux mains de l’État islamique dans un contexte d’allégations et de démentis concernant leur demande de soutien à la Turquie.

Les forces kurdes ont annoncé dimanche soir qu’elles avaient pris Bashiqa, au nord-est de Mossoul, où quelque 10 000 combattants étaient engagés dans une grande attaque qui avait commencé à l’aube.

La Turquie a déclaré que les forces des peshmergas kurdes avaient demandé l’aide de ses soldats dans une base près de Bashiqa et qu’elle offrait un soutien en termes d’artillerie et de chars.

Selon les propos attribués à des commandants peshmergas par Rudaw, la chaîne de télévision kurde irakienne, ceux-ci n’avaient pas demandé le soutien de l’artillerie turque.

L’allégation d’Ankara intervient au lendemain de l’opposition de Bagdad à la suggestion lancée par le chef de la Défense américaine Ashton Carter – qui a rencontré le leader kurde Massoud Barzani, dimanche – de donner un rôle à la Turquie dans cette bataille.

Cependant, le commandement des opérations conjointes irakien a nié lundi que la Turquie participait à des opérations militaires pour reprendre Mossoul des mains de l’EI.

« Le porte-parole du commandement des opérations conjointes dément une quelconque participation turque aux opérations pour la libération de Ninive », indique le communiqué, en référence à la province irakienne dont Mossoul est la capitale.

Barzani, président de la région kurde irakienne, a déclaré à Carter que les Kurdes avaient réussi à libérer Bashiqa du groupe État islamique (EI).

Des peshmergas kurdes ont rapporté aux journalistes sur les lieux qu’ils étaient entrés dans Bashiqa. Les journalistes ne sont pas encore autorisés à pénétrer dans la ville, laquelle se trouve à 12 km au nord-est de Mossoul.

Traduction : « Les Kurdes irakiens affirment avoir pris une ville près de Mossoul » – Reuters UK (@ReutersUK)

La prise de Bashiqa, si elle se confirme, marquerait l’élimination d’un obstacle de plus sur la route de Mossoul.

Le commandant des forces américaines en Irak, le lieutenant-général de l’armée de terre Stephen Townsend, a déclaré que les informations dont il est en possession – bien que limitées – « suggèrent que le président Barzani a raison, qu’un grand succès s’est produit à Bashiqa ».

Il a ajouté : « Je n’ai pas reçu de rapport indiquant que chaque maison a été sécurisée, que tous les membres de Daech ont été tués et que tous les EEI (les bombes en bordure de route) ont été enlevés. »

Village fortifié par l’EI

Townsend a déclaré aux journalistes que Bashiqa était l’un des villages en dehors de Mossoul, vidé de ses habitants et fortifié au cours des deux dernières années.

Alors que les forces peshmergas ont traversé la région, des véhicules blindés ont avancé le long d’une route et un hélicoptère a survolé la zone.

Les peshmergas utilisent également des chars, des lance-roquettes et des tireurs d’élite. Un photographe de Reuters a vu les combattants détruire au moins trois voitures piégées lancées contre leurs forces.

L’artillerie turque soutient les peshmergas, selon les propos attribués au Premier ministre turc Binali Yıldırım par CNN Türk et à d’autres médias.

« Les peshmergas se sont mobilisés pour nettoyer la région de Bashiqa de Daech. Ils ont demandé l’aide de nos soldats à la base de Bashiqa. Donc, nous aidons les chars avec notre artillerie là-bas », selon ses déclarations citées par CNN Türk.

La Turquie dispose de troupes sur une base dans la région où elle a contribué à former des combattants kurdes irakiens. Le soutien de l’artillerie pourrait rendre les relations entre Ankara et le gouvernement central de Bagdad encore plus tendues, au lendemain du refus par Abadi de voir la Turquie prendre part à la campagne de Mossoul.

Lancée lundi dernier, l’offensive sur Mossoul a pour but de reprendre la dernière grande ville irakienne sous contrôle de l’EI, portant un nouveau coup au « califat » auto-proclamé des militants en Irak et en Syrie voisine.

Diversions

Les combattants de l’EI ont riposté vendredi avec une attaque surprise sur la ville de Kirkouk, contrôlée par les Kurdes, et deux jours plus tard, les forces de sécurité traquaient toujours les combattants impliqués dans l’attaque.

Les dizaines d’assaillants, dont plusieurs kamikazes, ne sont pas parvenus à prendre le contrôle des édifices gouvernementaux clés, mais ont semé le chaos dans Kirkouk, une grande ville riche en pétrole et mixte sur le plan ethnique.

Au moins 51 des combattants ont été tués, dont trois de plus dimanche, ont indiqué les responsables de la sécurité locaux.

Au moins 46 personnes, des membres des forces de sécurité pour la plupart, ont également été tués dans le raid et les affrontements qui ont suivi, lesquels avaient presque totalement cessé dimanche soir.

La vie revenait à la normale dans certains quartiers de la ville, mais les forces de sécurité ont été déployées dans les quartiers sud où plusieurs hommes armés étaient encore activement pourchassés.

Les militants de l’EI ont également attaqué Rutba, une ville isolée près de la frontière jordanienne dans la province occidentale d’Anbar, à l’aide de cinq voitures piégées, a déclaré dimanche le haut responsable de l’armée dans la région.

Les assaillants se sont brièvement emparés du bureau du maire, mais les forces de sécurité ont repris rapidement le dessus, a-t-il précisé.

L’attaque spectaculaire à Kirkouk, semblable à ce que les observateurs s’attendent à mesure que l’EI perd du terrain et revient à une insurrection traditionnelle, a temporairement détourné l’attention de Mossoul.

Cependant, aucun signe ne montre qu’elle a eu un impact significatif sur l’offensive pour reprendre la ville, la plus grande opération militaire irakienne depuis des années.

Traduction : « La bataille pour Mossoul peut façonner ou briser davantage l’Irak. Cela a pris deux ans pour former une armée démoralisée, soutenue par une couverture aérienne et des forces spéciales » – Reuters World (@ReutersWorld)

Des dizaines de milliers de combattants, notamment les troupes fédérales irakiennes et les peshmergas kurdes, prennent part à l’assaut.

Engagés sur les fronts du nord et de l’est, les peshmergas devraient s’arrêter le long d’une ligne à environ 20 km des limites de la ville proprement dite.

« Ils sont à peu près là », a déclaré samedi un responsable militaire américain, ajoutant que les lignes « seront consolidées d’ici un jour ou deux. »

Les peshmergas ont annoncé qu’ils avaient pris huit villages près de Bashiqa.

Les forces fédérales d’élite combattaient également pour reprendre le contrôle de Qaraqosh, qui se trouve juste à l’est de Mossoul et représente la plus grande ville chrétienne d’Irak.

Townsend a déclaré samedi que la résistance de l’EI était acharnée.

« Elle est assez importante, nous parlons de tirs ennemis indirects, de nombreux engins explosifs improvisés, de multiples voitures piégées chaque jour et même des missiles guidés antichars », a-t-il déclaré depuis Bagdad.

Les forces kurdes et fédérales irakiennes diffusent rarement le nombre de victimes, mais les hôpitaux derrière les lignes kurdes ont été submergés par le nombre de blessés, selon un journaliste de l’AFP.

De lourdes pertes

Nous manquons de ressources humaines, d’équipement médical, de médicaments et de médecins spécialisés », a déclaré Lawand Meran, un médecin à l’hôpital d’Erbil-Ouest.

« Bientôt, si nous recevons 1 000 blessés, nos capacités ne seront plus suffisantes. »

Les responsables militaires américains ont révisé leur estimation légèrement à la hausse en ce qui concerne le nombre de combattants de l’EI à et aux alentours de Mossoul.

Ils pensent que l’EI défend Mossoul, où le « califat » a été proclamé en juin 2014, avec entre 3 000 et 5 000 combattants à l’intérieur de la ville et de 1 000 à 2 000 dans sa périphérie.

On estime qu’il resterait encore environ 1,2 million de civils toujours dans la ville et ces derniers suscitent une vive inquiétude.

Des réfugiés irakiens qui ont fui Mossoul arrivent dans la zone désertique de Rajam al-Saliba à la frontière irako-syrienne (AFP)

Plusieurs milliers de civils fuyant les combats se sont échappés vers les camps prévus pour les déplacés au sud de Mossoul.

« Plus de 5 000 personnes sont actuellement déplacées et ont besoin d’une aide humanitaire », a déclaré l’ONU dans une mise à jour dimanche.

« Les mouvements de population fluctuent avec les lignes de front. Des personnes retournent notamment à leur domicile suite à l’amélioration des conditions de sécurité dans la région immédiate », a expliqué l’ONU dans une déclaration.

Les forces irakiennes se battent actuellement dans des zones peu peuplées, mais quand elles s’approcheront des limites de la ville elle-même, les organisations humanitaires craignent le début d’un exode massif.

Un million de personnes pourraient être déplacées, provoquant une situation d’urgence humanitaire sans précédent dans un pays où plus de trois millions de personnes ont déjà été contraintes de quitter leur foyer depuis le début de 2014.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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