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Le président Erdoğan refuse tout accord avec Israël tant que Gaza subit le blocus

Le porte-parole du président turc déclare qu’aucune réconciliation n’est possible tant que le siège de Gaza reste en place, même si des hauts fonctionnaires sous-entendent qu’un accord se dessine
Recep Tayyip Erdoğan a sévèrement critiqué Israël au sujet de la guerre menée en 2008 contre Gaza, après laquelle la Turquie a rompu tout lien diplomatique (AFP)

Un porte-parole du président turc Recep Tayyip Erdoğan a affirmé que toute réconciliation officielle entre la Turquie et Israël serait impossible sans la levée du siège de Gaza.

Ces commentaires interviennent alors que de hauts responsables turcs et israéliens ont fait plusieurs déclarations indiquant que la réconciliation entre les deux pays n’était plus qu’une question de semaines.

« Ce qui se passe à Gaza est inacceptable, il faut mettre un terme à l’occupation israélienne », a réclamé İbrahim Kalın, le porte-parole du président Erdoğan, en ajoutant qu’il fallait apporter une réponse à la crise humanitaire qui frappe Gaza.

L’un des points qui divisent les deux pays concerne la demande turque de pouvoir envoyer un navire équipé d’un groupe électrogène vers la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas, afin de fournir de l’électricité à cette enclave appauvrie.

Les coupures d’électricité sont fréquentes à Gaza depuis qu’Israël et l’Égypte lui ont imposé le blocus en 2007 suite à l’accession du Hamas au pouvoir.

Cependant, un responsable turc avait précédemment affirmé au quotidien progouvernemental Daily Sabah qu’Ankara avait retiré la plupart de ses conditions au sujet de Gaza et était disposé à accepter d’Israël un engagement à assouplir le blocus et à autoriser l’entrée d’aide humanitaire dans la bande de Gaza.

Lundi, il a ajouté que les deux pays « n’étaient pas d’accord à 100 % », et qu’il y avait « encore certaines barrières à franchir ».

Malgré les dissensions apparemment fondamentales au sujet de Gaza, ce responsable turc a avancé qu’il était « extrêmement peu probable » que les négociations ne débouchent sur rien.

« Aucun des deux camps ne souhaite que cela se poursuive plus longtemps », a-t-il déclaré. « Si Israël accepte que la Turquie envoie ce bateau électrogène vers l’est de la Méditerranée, des ambassadeurs des deux pays prendront leurs fonctions à Ankara et Tel Aviv en un rien de temps. »

Israël et la Turquie comptaient auparavant parmi les alliés les plus fidèles de tout le Moyen-Orient, et la Turquie fut le premier pays à majorité musulmane à reconnaître l’État d’Israël en 1949.

Cependant, le meurtre de neuf citoyens turcs à bord du Mavi Marmara, un navire qui tentait d’entrer dans la ville assiégée de Gaza en 2010, a conduit à la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays.

De plus, les condamnations souvent provocantes du président Erdoğan vis-à-vis des actions d’Israël contre les Palestiniens ont aggravé les tensions, tandis que le maintien de l’autorisation d’utiliser la Turquie comme base opérationnelle accordée aux responsables du Hamas a irrité encore un peu plus les autorités israéliennes.

Cependant, l’ascension d’ennemis communs en Syrie, dont l’État islamique, ainsi que la rupture des relations entre la Turquie et la Russie, dont la première dépend fortement pour s’approvisionner en gaz, ont poussé les deux pays à ouvrir des négociations en vue de se réconcilier.

« Ils [la Turquie] ont besoin d’autres sources d’énergie pour le cas où la Russie pousserait l’Iran à se retourner contre eux, et ils se rendent compte à quel point ils sont isolés au Moyen-Orient », a affirmé Ankaralı Jan, analyste spécialiste de la Turquie.

Ce dernier a expliqué à Middle East Eye que les hauts dirigeants du parti AKP pensent les Israéliens capables d’exercer une influence considérable sur la vie politique de la région, et qu’ils tenteraient une « double approche » en travaillant à la fois avec Israël et le Hamas.

« Même avant leur arrivée au pouvoir, la première chose que [l’ancien président] Abdullah Gül et Recep Tayyip Erdoğan ont faite avant de créer l’AKP a été de faire le tour des think tanks lobbyistes israéliens aux États-Unis », a-t-il rappelé.

« Selon moi, ils pensent que s’ils arrivent à se rendre utiles pour Israël, alors leur réputation internationale reprendra peut-être des couleurs durablement, surtout aux États-Unis. »

Cependant, l’ONG turque İHH Fondation pour l’aide humanitaire, qui était à l’origine de la flottille pour Gaza, a vivement critiqué ce réchauffement possible des relations, le qualifiant « d’inacceptable » tant que certaines conditions ne sont pas respectées.

« C’était la principale demande de tous les participants, de toutes les familles, de tout l’équipage du Mavi Marmara : ils disaient ‘‘ce que nous voulons, ce ne sont pas des excuses ou une compensation ; quand nous sommes allés à Gaza, notre but principal était de pouvoir mettre fin au siège’’, s’est plaint Hüseyin Oruç, membre du conseil d’administration d’İHH. Maintenant, tout cela a été écarté des conditions turques, et les dirigeants d’Israël affirment que le blocus sera maintenu et qu’ils en ont légalement le droit. »

« Si l’accord est passé sans cette condition, alors il est inacceptable », a-t-il ajouté.

Traduction de l’anglais (original) par Mathieu Vigouroux.

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