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Bienvenue à Idleb, « la prochaine Alep »

Le transfert des rebelles est probablement une stratégie délibérée visant à les rassembler dans un lieu afin que le régime puisse les cibler plus facilement

En pleine évacuation des combattants rebelles et des civils de l’est d’Alep, des signes d’une poussée diplomatique sont apparus. Le 16 décembre dernier, le président russe Vladimir Poutine a déclaré qu’il coopérait avec son homologue turc Recep Tayyip Erdoğan en vue d’organiser une nouvelle série de pourparlers de paix sur la Syrie.

Personne ne devrait se leurrer en pensant que nous sommes à l’aube d’un règlement négocié du conflit syrien

Mardi dernier, malgré l’assassinat de l’ambassadeur de Moscou qui s’est produit la veille à Ankara, une rencontre a eu lieu entre les ministres des Affaires étrangères de la Russie, de la Turquie et de l’Iran, qui a donné lieu à une déclaration en faveur de la relance des pourparlers de paix.

Néanmoins, personne ne devrait se leurrer en pensant que nous sommes à l’aube d’un règlement négocié du conflit syrien. Le président Bachar al-Assad a promis à plusieurs reprises de reprendre tout le pays, généralement avant le début de cessez-le-feu.

La stratégie de négociation de son régime tout au long du conflit a été d’assister à des pourparlers, de se comporter de façon intransigeante et de limiter la portée des discussions, puis d’utiliser l’échec des négociations qui en a résulté comme prétexte pour lancer une importante campagne militaire. Le régime ne s’engage que de façon concertée dans les négociations pour organiser des cessez-le-feu locaux et des évacuations.

Ainsi, même si des pourparlers ont lieu prochainement – que ce soit sous les auspices de l’ONU ou de la Russie, de la Turquie et de l’Iran –, ceux-ci sont susceptibles d’être le prélude à un nouvel assaut militaire du régime et de ses alliés, portés par leur victoire récente à Alep.

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Par conséquent, les spéculations vont bon train au sujet de la cible suivante. À cet égard, l’envoyé spécial de l’ONU Staffan de Mistura a eu raison d’avertir la semaine dernière que la province d’Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, risquait de devenir « la prochaine Alep ».

Pourquoi cibler Idleb

D’un point de vue stratégique, il est logique pour les forces pro-régime de voir Idleb comme leur prochaine cible. Il s’agit d’un bastion rebelle majeur qui borde la Turquie et qui constitue une voie d’approvisionnement importante.

La prise d’Idleb sécuriserait l’autoroute Damas-Alep, que les rebelles ont également utilisée comme voie d’approvisionnement, ainsi que la ville voisine de Lattaquié, province d’origine d’Assad et bastion du régime.

https://www.youtube.com/watch?v=HmOb3F8i_TA

Idleb a servi de tremplin pour les attaques des rebelles à Lattaquié, qui abrite la plus grande installation d’écoute électronique étrangère de la Russie et accueille également la base aérienne de Hmeimim, le centre stratégique pour les opérations militaires russes en Syrie.

En octobre, Moscou a ratifié un traité avec Assad faisant de Hmeimim la première base aérienne permanente de la Russie au Moyen-Orient. Cela fait de Lattaquié un endroit évident à partir duquel une offensive pourrait être lancée à Idleb.

De même, il serait relativement facile pour les forces pro-régime d’être dirigées vers Idleb depuis la province voisine d’Alep – où elles étaient massées pour reprendre la partie orientale contrôlée par les rebelles de la ville d’Alep – plutôt que d’être envoyées par exemple vers le sud et Palmyre, que l’État islamique a reprise plus tôt ce mois-ci. Dans tous les cas, les États-Unis procèdent là-bas à des frappes aériennes contre l’État islamique.

Rassembler ceux qui résistent

Avec Lattaquié à l’ouest, Alep à l’est et la province de Hama en grande partie contrôlée par le régime au sud, les forces pro-Assad pourraient cibler Idleb dans un assaut multiple.

Forcer des groupes rebelles ayant des idéologies et des allégeances différentes à se regrouper dans une région peut également être un moyen d’encourager les divisions entre eux

C’est dans ce contexte que l’on doit voir l’accord d’évacuation d’Alep ainsi que d’autres accords comme celui-ci, notamment les trêves dans les villes assiégées proches de Damas et dans le quartier d’al-Waer à Homs. Le fait d’avoir causé le transfert des rebelles vers Idleb n’est pas une coïncidence. Il s’agit probablement d’une stratégie délibérée, car le fait de les rassembler dans un endroit spécifique les rend beaucoup plus faciles à cibler.

Forcer des groupes rebelles ayant des idéologies et des allégeances différentes à se regrouper dans une région peut également être un moyen d’encourager les divisions entre eux. Les conflits internes entre les rebelles d’Alep, qui sont maintenant envoyés vers Idleb, ont contribué à la victoire du régime dans cette ville.

L’envoi de civils à Idleb pourrait être une tactique du régime visant à les placer sous l’autorité répressive du Front Fatah al-Cham (anciennement le Front al-Nosra) et d’Ahrar al-Sham – les deux groupes rebelles prédominants dans la province – soit pour les punir, soit pour les pousser à aspirer à un retour sous le règne d’Assad.

Puisque ce sont des groupes djihadistes, ses alliés et lui joueraient certainement de leur propagande en déclarant qu’ils sont engagés dans une « guerre contre le terrorisme », afin de justifier un assaut contre Idleb.

De plus, dans la mesure où la coalition dirigée par les États-Unis et les forces pro-régime s’accordent à désigner le Front Fatah al-Cham comme une organisation terroriste, un assaut contre Idleb pourrait susciter moins de condamnations internationales.

Nous pourrions même voir les avions de la coalition, de la Russie et du régime frapper les mêmes cibles, étant donné notamment les bonnes relations qu’entretiennent jusqu’à présent Poutine et le président élu américain Donald Trump, qui sera investi dans quelques semaines.

Souffrance et désastre

La difficulté d’une attaque contre Idleb est que, contrairement à l’est d’Alep et à d’autres territoires précédemment contrôlés par les rebelles, cette région n’est pas cernée de tous les côtés par le régime, puisqu’elle borde la Turquie et ne peut donc pas être assiégée.

Cependant, l’accolade diplomatique donnée à Ankara par Moscou et Téhéran pourrait être un moyen de faire en sorte que le pays n’entrave pas une attaque contre Idleb et de limiter sa participation à la négociation des termes de la capitulation de l’opposition et à la fourniture d’aide humanitaire.

Des enfants marchent dans une rue couverte de neige dans la ville de Ma’arrat al-Numan, dans la province d’Idleb, au nord de la Syrie, le 21 décembre 2016 (AFP)

L’envoi de rebelles à Idleb à la suite des opérations d’évacuation signifie qu’une grande et redoutable force rebelle, qui pourrait reconnaître la nécessité de serrer les rangs pour retenir les forces pro-Assad, pourrait être formée. À cet égard, néanmoins, le problème est que cela fait le jeu de la propagande du régime et de ses alliés, selon laquelle tous les rebelles sont des extrémistes et des terroristes ou sont du moins heureux de collaborer avec de tels combattants.

Quelle que soit la façon dont se déroulera cette campagne probable, les civils d’Idleb souffrent déjà : les travailleurs humanitaires décrivent la situation dans la région comme une catastrophe humanitaire et préviennent que l’afflux de réfugiés d’Alep aggravera le problème. Des pourparlers sont peut-être à l’horizon, mais cela ne dissuadera pas Assad et ses alliés de poursuivre leurs ambitions militaires.

- Sharif Nashashibi est un journaliste et analyste primé spécialiste des affaires arabes. Il collabore régulièrement avec al-Arabiya News, al-Jazeera English, The National et The Middle East Magazine. En 2008, il a reçu une distinction de la part du Conseil international des médias « pour avoir réalisé et contribué à des reportages systématiquement objectifs » sur le Moyen-Orient.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : des combattants rebelles syriens et leur famille arrivent dans un refuge temporaire dans la province d’Idleb, dans le nord-ouest du pays, le 2 décembre 2016, suite à leur évacuation des zones contrôlées par les rebelles près de la ville de Khan al-Shih, à la périphérie de la capitale Damas (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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