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Des militants syriens accusent les agences humanitaires de l’ONU de « capituler » face à Assad

Selon un rapport, le travail de l’ONU en étroite collaboration avec Damas a « permis » le recours aux sièges comme stratégie de guerre et a condamné des milliers de personnes à la misère et à la mort
Des observateurs de l’ONU visitent la ville assiégée de Daraya en 2012 (AFP)

L’ONU a été accusé de « capituler » et de se ranger dans les faits aux côtés de Damas dans la guerre syrienne en permettant au gouvernement de dicter qui bénéficie de l’aide internationale, contribuant ainsi à la mort de milliers de civils dans les sièges des zones tenues par les rebelles.

Un cinglant rapport de 50 pages, rédigé par le groupe de défense The Syria Campaign (TSC) et publié mercredi, indique que les agences de l’ONU ont depuis 2011 constamment cédé aux menaces du gouvernement, ce qui conduit à une situation où la grande majorité de l’aide est fournie aux zones gouvernementales.

Le rapport, intitulé « Taking Sides » et consulté par Middle East Eye, a été signé par 55 organisations syriennes opposées au gouvernement, y compris l’organisation des Casques blancs, qui est composée des services d’urgence dans les zones tenues par les rebelles.

D’après les données d’actuels et d’anciens membres du personnel de l’ONU et d’autres travailleurs humanitaires, le rapport indique que l’ONU en Syrie « viole ses principes humanitaires et donc risque d’alimenter le conflit ».

« La réaction de l’ONU a été un échec systématique », a déclaré Roger Hearn, qui a dirigé l’agence de réfugiés palestiniens de l’ONU à Damas jusqu’en décembre 2011 et a contribué au rapport.

« Plutôt que de fonder sa réaction sur les besoins, l’organisation a mis au point un programme de réponse à plusieurs milliards de dollars qui est en grande partie contrôlé par le régime et ses mandataires », a déclaré Hearn.

Le rapport indique que l’ONU a été contraint d’accorder au gouvernement syrien un pouvoir de veto effectif sur ses opérations en Syrie depuis 2011, lorsque le gouvernement a menacé d’expulser du pays les travailleurs étrangers des Nations unies s’ils livraient l’aide à Daraa.

« En conséquence, est née une culture de conformité », stipule le rapport. « Le gouvernement syrien a utilisé cette menace régulièrement depuis lors pour manipuler où, comment et à qui l’ONU a pu fournir de l’aide humanitaire. »

Ceci a, en retour, permis au gouvernement syrien d’affamer les zones contrôlées par les rebelles, selon le rapport.

« L’ONU a donné au gouvernement syrien un droit de veto sur l’acheminement d’aide aux zones hors du contrôle du gouvernement, ce qui permet son recours aux sièges comme armes de guerre. »

Toujours selon le rapport, une telle politique « a contribué à la mort de milliers de civils, que ce soit dû à la famine, aux maladies liées à la malnutrition, ou à un manque d’accès à l’aide médicale ».

Un travail « profondément faillible »

L’ONU a reconnu plus tôt ce mois-ci que les largages d’aide humanitaire dans les zones assiégées n’étaient « pas imminents » suite à des informations faisant état d’une opposition de la part du gouvernement syrien et de son fidèle allié russe.

Un responsable anonyme de l’ONU interviewé pour le rapport a décrit le travail de l’organisation en Syrie comme « une opération profondément faillible et partiale », tandis qu’un second a souligné que les mesures de sécurité pour le personnel de l’ONU font l’objet d’un accord avec le gouvernement syrien.

Le rapport a accusé l’ONU de « choisir de donner à tout prix la priorité à la coopération avec le gouvernement syrien » et de permettre ainsi au régime d’influencer indûment la stratégie d’aide de l’ONU.

En conséquence, une quantité énorme de l’aide en Syrie est acheminée dans le territoire contrôlé par le gouvernement, où une autorisation est accordée, plutôt que dans les zones de l’opposition où le besoin se fait le plus sentir, a précisé le rapport.

En avril, « 88 % de l’aide alimentaire délivrée en Syrie a été distribuée dans le territoire contrôlé par le gouvernement », a indiqué le rapport.

Certaines agences des Nations unies, dont l’Organisation mondiale de la santé, sont également accusées de coopérer avec le gouvernement syrien tout en ignorant les dizaines de milliers de personnes vivant dans des conditions humanitaires catastrophiques ; le rapport a ainsi décrit une rencontre ayant eu lieu en février 2016 entre des responsables de l’OMS et le ministre syrien du Tourisme, lors de laquelle le gouvernement a été loué pour être « l’un des premiers pays de la région de la Méditerranée orientale à avoir ratifié les conventions internationales sur la lutte contre le tabagisme ».

En réponse au rapport, le coordinateur humanitaire de l’ONU pour la Syrie, Yacoub el-Hillo, a déclaré que si l’accès à l’aide n’était pas idéal, l’ONU continuait toutefois de « venir en aide aux Syriens en fonction des besoins ».

Hillo a indiqué que l’ONU « ne vient pas en aide aux Syriens en fonction de leur localisation. Nous venons en aide aux Syriens en fonction des besoins. »

Acheminer un convoi rempli d’aide dans une ville assiégée sans l’autorisation appropriée serait comparable à une « mission suicide pour les travailleurs humanitaires », a-t-il ajouté.

Le porte-parole de l’ONU Stéphane Dujarric a affirmé à Al Jazeera que les accusations de partialité portées contre l’ONU discréditent « le travail incroyable que nos collègues, pour la plupart syriens, tentent d’accomplir tous les jours pour délivrer de l’aide au peuple syrien ».

Chris Doyle, directeur du Conseil pour la compréhension arabo-britannique, a indiqué à Middle East Eye que « l’ensemble de la communauté internationale a complètement négligé le peuple syrien au cours des cinq dernières années ».

« Les faiblesses sur le terrain et l’incapacité à tenir tête au gouvernement syrien reflètent les divisions à New York mais aussi un manque de leadership de ces pays qui prétendent pourtant se soucier des civils syriens. »

Le rapport recommande aux agences des Nations unies d’énoncer publiquement les conditions de la poursuite de la coopération avec Damas et d’interrompre le travail avec le gouvernement si celles-ci ne sont pas respectées.

« Une opération de l’ONU qui entre en violation avec ses principes humanitaires devient partie au conflit et s’expose à des accusations de méfaits », a souligné le rapport.

Hillo a reconnu que le gouvernement avait « entravé » l’accès à certaines zones assiégées : « Mais à cause de cela, devons-nous condamner les autres à mourir de faim ? »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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