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Israël veut « tuer tous » les Palestiniens ?, s’interroge le chef de la diplomatie de l’UE après une nouvelle rebuffade sur la solution à deux États

Le ministre israélien des Affaires étrangères a irrité les diplomates européens en répondant aux appels de l’UE en faveur d’un cessez-le-feu et d’une solution à deux États en Palestine par une animation vidéo futuriste d’une île artificielle au large de Gaza
Le ministre des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, Riyad al-Maliki (à gauche), s’entretient avec le Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, Josep Borrell, à Bruxelles, le 22 janvier 2024 (AFP)
Par MEE

Le ministre israélien des Affaires étrangères a répondu aux pressions exercées par les diplomates de l’Union européenne pour mettre fin à la guerre à Gaza et œuvrer en faveur d’une solution à deux États en présentant une vidéo futuriste d’une île artificielle qu’Israël contrôlerait pour surveiller l’acheminement de l’aide dans la bande de Gaza ravagée par la guerre.

D’après une vidéo du plan, la communauté internationale financerait le projet tandis qu’Israël conserverait le contrôle global de la sécurité de l’île et le pouvoir d’inspection des livraisons vers l’île. Toujours selon la vidéo, le pont reliant l’île à Gaza pourrait être fermé si la situation l’exigeait.

Le chef de la diplomatie israélienne, Israël Katz, est connu pour son soutien aux mégaprojets d’infrastructure.

Il a longtemps plaidé pour la construction d’une île artificielle reliée à Gaza par un pont qui servirait de centre logistique et de goulet d’étranglement israélien pour l’approvisionnement de l’enclave assiégée.

Au cours de sa visite à Bruxelles, Israël Katz a également présenté un de ses projets favoris que l’administration Biden avait approuvés avant que la guerre n’éclate le 7 octobre, à savoir une ligne de chemin de fer reliant Israël à l’Inde via la Jordanie et l’Arabie saoudite.

La présentation grandiloquente d’Israël Katz, qui intervient alors que plus de 25 000 Palestiniens, principalement des femmes et des enfants, ont été tués dans le cadre de l’offensive israélienne à Gaza, a mis en évidence le fossé profond qui sépare Israël de la communauté internationale.

« Je pense que le ministre aurait pu mieux utiliser son temps pour s’inquiéter de la sécurité de son pays, compte tenu du nombre élevé de morts à Gaza », a déclaré Borrell, le responsable de la politique étrangère de l’UE, aux journalistes à l’issue de la présentation.

La guerre à Gaza dépasse les frontières de l’enclave.

« Faire partir tous les Palestiniens ? Les tuer ? »

Les industries européennes connaissent un ralentissement de leur production en raison des attaques menées par les Houthis, soutenus par l’Iran, contre les navires de commerce.

De leur côté, les diplomates occidentaux s’empressent d’éviter une guerre régionale plus large, alors que l’Iran et ses alliés multiplient les attaques contre les installations américaines et qu’Israël intensifie sa campagne d’assassinats en dehors de Gaza.

« Le ministre nous a montré quelques vidéos qui n’avaient que très peu, voire aucun rapport avec la proposition dont nous discutions », a déclaré Josep Borrell.

Dans le monde délicat de la diplomatie, la présentation de Katz revenait à faire un pied de nez aux préoccupations de l’UE concernant la guerre à Gaza. Le diplomate israélien a affirmé aux journalistes qu’il était à Bruxelles pour se concentrer sur le retour des derniers otages capturés le 7 octobre et toujours détenus à Gaza, ainsi que sur la sécurité d’Israël.

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Pourtant, la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE avec leurs homologues d’Arabie saoudite, d’Égypte, de Jordanie et de l’Autorité palestinienne s’inscrivait dans le cadre des efforts déployés pour organiser une conférence de paix internationale visant à mettre fin à la guerre, sur la base de la création d’un État palestinien indépendant.

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a entravé ces efforts à la fin de la semaine dernière en se vantant ouvertement de s’opposer à la création d’un État palestinien.

Avant la réunion de lundi 22 janvier, l’UE avait fait circuler un document parmi ses 27 États membres, les appelant à envisager l’imposition de « conséquences » à Israël s’il continuait de faire barrage à l’accession des Palestiniens au statut d’État.

Josep Borrell a lui-même semblé irrité par la façon dont Israël a abordé la guerre et les préoccupations de l’Union européenne.

« Quelles sont les autres solutions auxquelles ils pensent ? », a lancé le chef de la diplomatie européenne avant de rencontrer Israël Katz. « Faire partir tous les Palestiniens ? Les tuer ? »

Mardi, le secrétaire général de l’ONU a pour sa part prévenu devant le Conseil de sécurité que le rejet par le gouvernement israélien de la solution à deux États était « inacceptable » et risquait de « prolonger le conflit ».

Plusieurs États membres du Conseil ont plaidé également pour une solution à deux États, de la Russie à la France et aux États-Unis.

« Je dois dire à Israël, qui connaît l'amitié du peuple français, qu’il faut un État palestinien, que les violences envers le peuple palestinien, notamment celles des colons extrémistes, doivent cesser, et que le droit international s’impose à tous », a insisté le nouveau ministre français des Affaires étrangères Stéphane Séjourné, qui présidait la réunion.

Traduit de l’anglais (original) par Imène Guiza.

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