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Tunisie : la région d’El Kamour continue à mettre la pression sur le gouvernement

Depuis le 16 juillet, des manifestants de la région de Tataouine bloquent les sites pétroliers pour réclamer emploi et développement. L’État promet une solution mais les entreprises menacent de suspendre leur activité et de licencier les travailleurs
Confrontation entre des manifestants tunisiens et des membres de l’armée, à El Kamour, le 16 juillet 2020 (AFP)
Par MEE

La production des sites pétroliers, à 550 km au sud de Tunis, est toujours à l’arrêt près de deux mois après son blocage par des habitants réclamant des emplois, ont indiqué manifestants et autorités, alors que les compagnies pétrolières ont menacé de licencier des employés.

Selon le ministère de l’Énergie, la Tunisie perd chaque jour environ 40 % de sa production de gaz, et la moitié de sa production de pétrole.

« Notre sit-in se poursuit, et la vanne de pétrole est toujours fermée, dans l’attente d’une rencontre sous peu avec le nouveau gouvernement », a déclaré à l’AFP Khalifa Bouhaouach, un membre de la coordination organisant le blocage.

Le pipeline transporte la moitié de la production pétrolière du pays.

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Ces événements surviennent alors que, comme le souligne le site L’Économiste maghrébin, « la production des hydrocarbures en Tunisie est déjà en baisse continue depuis quelques années ». « Ainsi, à fin juin 2020, la production nationale de gaz et de pétrole s’est inscrite en baisse de respectivement 8 % et 0,7 % par rapport à fin juin 2019. »

Le 16 juillet, peu après la démission du gouvernement, les manifestants avaient forcé l’accès du site pour réclamer l’application de promesses gouvernementales datant de 2017.

Cette année-là, après une contestation qui était allée jusqu’à la fermeture d’un pipeline pétrolier et le blocage des camions des sociétés d’hydrocarbures dans le lieu-dit d’El Kamour, à 110 km au sud de Tataouine, provoquant la mort d’un jeune écrasé par un véhicule de la Garde nationale, le gouvernement dirigé par Youssef Chahed et le syndicat majoritaire, UGTT (centrale syndicale), avaient signé un accord.

Lettre au président

Il prévoyait l’embauche de 1 500 chômeurs locaux dans les entreprises pétrolières, la création de sociétés publiques de sauvegarde de l’environnement qui emploieraient 500 personnes et un fonds de développement de 80 millions de dinars (25 millions d’euros).

Fin juin, lors de nouvelles manifestations, Mabrouk Lazar, membre de l’Union des diplômés chômeurs de la région, avait annoncé à Middle East Eye : « Si les accords de 2017 ne sont pas respectés, il faudra retourner à El Kamour. »

Des responsables ont proposé mi-août 250 emplois sur trois ans pour les manifestants, selon Khalifa Bouhaouach, qui a qualifié cette proposition d’« inacceptable ».

Les entreprises qui exploitent les sites – l’Autrichien OMV, l’Italien ENI et l’Anglais Atog Ventures Limited – ont adressé le 21 août 2020 une lettre au président Kais Saied pour lui demander d’intervenir afin de mettre fin « au blocage de la vanne d’expédition qui achemine le pétrole du sud vers le port de Skhira (Sfax) et le barrage des routes menant de Tataouine vers les sites de production ».

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Dans ce courrier publié par des médias, que le ministère a confirmé avoir reçu, ces compagnies menacent de fermer leurs sites et évacuer leurs employés. 

Elles évoquent également leur incapacité à faire face à cette situation « qui pourrait mener à la suspension de leurs obligations et la mise au chômage de milliers de travailleurs ».

« Pour la présidence, la crise d’El Kamour relève de la sécurité nationale », a déclaré début septembre Hassen Bedhiaf, conseiller chargé des affaires économiques auprès du président de la République, à l’agence officielle TAP. 

Il a ajouté qu’une « solution rapide » devait être trouvée de manière à retrouver le rythme normal de la production, tout en tenant compte, « dans la mesure du possible », des revendications des manifestants et en identifiant un modèle de développement adapté aux spécificités de la région.

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