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Inondations en Libye : le président tunisien attribue au « mouvement sioniste mondial » le nom de la tempête Daniel

La déclaration de Kais Saied est la dernière en date d’une série de propos controversés qualifiés de racistes et antisémites

Le président tunisien Kais Saied s’est fendu d’un réquisitoire contre l’influence du « mouvement sioniste mondial », lui attribuant même le choix du nom de la tempête Daniel qui a ravagé la Libye voisine, selon une vidéo diffusée mardi par la présidence.

« Concernant la tempête Daniel, ils n’ont même pas pris la peine de s’interroger sur l’origine de cette appellation. C’est qui Daniel ? C’est un prophète hébraïque », a déclaré Kais Saied dans cette vidéo lors d’une réunion lundi avec son Premier ministre Ahmed Hachani et des membres de son gouvernement.

« Pourquoi le nom de Daniel a-t-il été choisi ? Parce que le mouvement sioniste s’est infiltré, laissant les esprits et toute réflexion dans un coma intellectuel total », a-t-il ajouté.

La tempête Daniel a frappé le 10 septembre l’est de la Libye, provoquant des inondations qui ont fait plus de 3 300 morts, notamment dans la ville de Derna. Des milliers de personnes sont toujours portées disparues.

Avant la Libye, la tempête avait sévi en Turquie, en Bulgarie et en Grèce. Le nom Daniel lui a été donné par le Service météorologique hellénique.

En Europe, les dépressions entraînant des conséquences moyennes à graves portent un nom unique qui est coordonné entre les différents services météorologiques nationaux selon un ordre alphabétique.

Les remarques du président tunisien ont été condamnées par divers analystes et observateurs du pays, qui les ont qualifiées d’antisémite.

Lors de la même réunion, Kais Saied a catégoriquement écarté toute normalisation entre la Tunisie et Israël, qui a établi ces dernières années des relations diplomatiques avec certains pays arabes, notamment le Maroc et les Émirats arabes unis.

« La normalisation dont ils parlent n’existe même pas en tant que vocable pour moi. Cela relève de la haute trahison envers le peuple palestinien et ses droits en Palestine, toute la Palestine », a-t-il affirmé.

« Le problème n’est pas avec les juifs, mais avec le mouvement sioniste mondial », a-t-il ajouté.

Un passif de déclarations à caractère raciste

Kais Saied, qui a opéré un tour de force à l’été 2021 décrit par beaucoup comme un coup d’État, n’en est pas à sa première déclaration controversée à caractère raciste.

Plus tôt cette année, il s’en est pris aux Africains subsahariens dans un discours où il les a associés à la criminalité et à un plan « visant à changer la composition démographique de la Tunisie ».

En 2021, il a été accusé par la Conférence des rabbins européens d’avoir affirmé que les juifs étaient à l’origine de « l’instabilité du pays ».

Le président a toujours nié être raciste ou antisémite. En mai de cette année, il a réfuté toute allégation d’antisémitisme d’État en Tunisie, à la suite d’une fusillade meurtrière perpétrée par un gendarme aux abords de la synagogue de la Ghriba, sur l’île de Djerba.

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Les autorités tunisiennes avaient alors dénoncé une attaque « criminelle » mais s’étaient abstenues de la qualifier de « terroriste » ou de lui conférer une dimension antisémite.

Dans son discours de lundi, Kais Saied a également dénoncé les représentants étrangers cherchant à se rendre dans le pays, en référence à une délégation de l’Union européenne dont il a récemment empêché la visite.

« Arrêtez ces délégations qui disent être venues nous inspecter comme si nous étions sous colonialisme et sous tutelle », a déclaré Saied.

Plusieurs membres du Parlement européen se sont en effet vu interdire l’entrée en Tunisie la semaine dernière, ce qui a provoqué de très vives réactions de certains eurodéputés, qui ont réclamé la suspension de l’accord conclu par Bruxelles avec Tunis en juillet. Celui-ci promet une aide européenne de plusieurs centaines de millions d’euros à la Tunisie si elle contribue à endiguer les flux migratoires à travers la Méditerranée.

Dans son discours, Saied a également défendu le maintien en détention de ce qu’il appelle les « migrants illégaux ».

Comme l’a rapporté Middle East Eye, les Africains subsahariens en Tunisie se voient de plus en plus refuser des approvisionnements urgents en nourriture et en eau.

La situation des migrants en Tunisie, principalement originaires de pays d’Afrique subsaharienne, est la « pire » de l’histoire moderne du pays, a déclaré à MEE Nicholas Noe, chercheur invité à Refugees International.

Il avertit que plusieurs ONG tunisiennes, agences internationales et le Croissant-Rouge tunisien ont été contraints de cesser de fournir une aide indispensable aux migrants subsahariens dans le pays.

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