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Guerre en Ukraine : le « sale deal » des Émirats arabes unis avec la Russie à l’ONU 

L’abstention d’Abou Dabi à l’ONU lors de deux votes contre Moscou serait liée à la volonté des Émirats de faire passer une résolution ciblant les Houthis
Réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, le 28 février à New York, autour de la crise entre l’Ukraine et la Russie (AFP/Angela Weiss)
Réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, le 28 février à New York, autour de la crise entre l’Ukraine et la Russie (AFP/Angela Weiss)

Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté lundi, sous la pression des Émirats arabes unis et avec le soutien remarqué de la Russie, une résolution étendant à l’ensemble des Houthis l’embargo sur les armes au Yémen, applicable jusqu’à présent à des individus et entreprises nommément désignés.

Le texte a été adopté, sur les quinze membres du Conseil de sécurité, par onze voix pour, quatre pays s’abstenant : la Norvège, le Mexique, le Brésil et l’Irlande.

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Les Émirats sont membres de la coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite qui combat depuis 2015 les Houthis au Yémen.

La résolution adoptée lundi « condamne fermement les attaques transfrontalières du groupe terroriste houthi, y compris les attaques contre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis qui frappent des civils et des infrastructures civiles ». Le Conseil de sécurité « exige l’arrêt immédiat de ces attaques », précise le texte.

Les Houthis avaient revendiqué trois attaques visant les Émirats en janvier, dont une menée à l’aide de drones et de missiles qui a fait trois morts à Abou Dabi le 17 janvier. Ils avaient également revendiqué des tirs de missiles qui ont été interceptés au-dessus des Émirats les 24 et 31 janvier.

La résolution, rédigée par le Royaume-Uni et renouvelant jusqu’au 28 février 2023 l’embargo sur les armes, stipule que « l’entité » identifiée dans ses annexes, à savoir les Houthis, « sera sujette aux mesures » liées à l’embargo sur les armes décrété pour le Yémen depuis 2015.

Cette focalisation sur les Houthis est une première, au risque de faire perdre à l’ONU sa neutralité dans le conflit, selon des experts qui jugent aussi que toutes les conséquences de la résolution n’ont pas été explorées.

« Éviter un veto de la Russie »

« Cette résolution réduira les capacités militaires des Houthis et contribuera à mettre un terme à leur escalade au Yémen et dans la région », s’est félicitée sur Twitter la représentation émiratie à l’ONU.

Le vote favorable de la Russie, proche de l’Iran qui est un soutien des Houthis, est interprété par des diplomates comme la conséquence d’un « accord » conclu pour obtenir l’abstention des Émirats lors des votes de l’ONU sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie. 

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« C’est du cynisme au plus haut niveau », a déploré un diplomate sous couvert d’anonymat après le vote. Importante politiquement, l’extension du champ de l’embargo ne devrait toutefois pas changer beaucoup de choses dans la pratique pour les Houthis, selon une source diplomatique. 

La position de la Russie est à lier à la position des Émirats au Conseil de sécurité sur l’invasion russe de l’Ukraine, ont indiqué plusieurs diplomates.

Les Occidentaux « ont été très déçus de l’abstention utilisée par les Émirats à deux reprises, vendredi et dimanche, lors de votes de résolutions au Conseil de sécurité relatifs à la guerre en Ukraine », confie à l’AFP un diplomate occidental s’exprimant sous couvert d’anonymat.

Cette position « a été ciblée pour éviter un veto de la Russie » lundi lors de l’adoption de la résolution étendant à l’ensemble des Houthis l’embargo sur les armes décrété au Yémen, précise cette source, un point de vue largement partagé par des experts.

« On est très remontés contre les Émirats et on est persuadés qu’ils ont fait un ‘’sale deal’’ [accord] avec la Russie » lié aux Houthis et à l’Ukraine, renchérit un diplomate européen, lui aussi sous couvert d’anonymat.

L’abstention des Émirats est liée à une volonté de préserver les possibilités de « dialogue » pour trouver une issue pacifique à la crise, explique à l’AFP un diplomate demandant aussi à ne pas être identifié. 

Membre non-permanent du Conseil de sécurité depuis janvier, les Émirats, qui vont assurer à compter de mardi et pendant tout le mois de mars la présidence du Conseil de sécurité, se montrent très actifs à l’ONU sur le dossier yéménite.

Selon l’ONU, quelque 380 000 personnes ont péri dans le conflit au Yémen, la plupart en raison de conséquences indirectes, telles que le manque d’eau potable, la faim et les maladies, tandis que des millions d’autres ont été déplacées.

Par Philippe Rater

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