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La visite de Trump en Arabie saoudite témoigne d’un désir d’améliorer les relations avec le Golfe

Le choix de destination de Trump pour sa première visite à l’étranger indique clairement qu’il veut remettre les compteurs à zéro concernant les relations avec les États du Golfe après des premiers mois tumultueux

Donald Trump a par le passé affirmé qu’un prince saoudien voulait « contrôler les États-Unis », déclaré que l’Arabie saoudite « a fait exploser le World Trade Center » et insisté sur le fait que le royaume « n’existerait pas » sans l’aide américaine.

Aujourd’hui, Trump s’envole pour Riyad à l’occasion de sa première visite à l’étranger, un signal clair, selon les analystes, que le nouveau président américain veut remettre les compteurs à zéro concernant les relations avec les pays du Golfe après des premiers mois tumultueux.

Les messages équivoques de Trump à l’égard des pays arabes lors de la campagne électorale – et avant cela – semblent avoir été supplantés par la position plus résolue du président sur l’Iran et la Syrie, affirment-ils.

Les capitales arabes semblent également avoir oublié l’interdiction de voyage controversée qui a empêché les citoyens de sept pays à majorité musulmane d’entrer aux États-Unis pendant une période de 90 jours. Oubliées également les accusations de Trump selon lesquelles Washington perdait de l’argent en défendant la sécurité saoudienne.

Les États-Unis sont de retour

« Le voyage du président américain en Arabie saoudite est un signal fort pour leurs alliés traditionnels que les États-Unis sont “de retour” », a déclaré Mansour al-Marzoqi, chercheur saoudien en science politique, affilié à Sciences Po Lyon.

« Par ailleurs, cela montre que la posture de l’administration Trump, “l’Amérique d’abord”, peut être conjuguée à une posture proactive sur la scène internationale. »

« En outre, c’est un signal aux pays musulmans et arabes indiquant que l’administration Trump n’est pas contre eux. »

Le secrétaire américain à la Défense, Jim Mattis, est salué par le chef des forces armées saoudiennes, le général Abdul Rahman al-Banyan, à son arrivée à Riyad en avril (AFP)

La visite de Trump survient quelques semaines après un voyage du secrétaire américain à la Défense, Jim Mattis, en Arabie saoudite.

Hussein Ibish, chercheur à l’Arab Gulf Institute, basé à Washington, a déclaré que le voyage précédent a réussi à rassurer les États du Golfe au sujet de Trump.

« Cela a considérablement fait progresser certains des principaux objectifs de l’administration Trump, notamment des relations financières plus solides, un meilleur partage du fardeau avec les alliés et un accent accru sur la lutte contre l’Iran et le contre-terrorisme », a-t-il déclaré.

Dans l’ombre de l’Iran

Parmi les raisons qui conduisent à ce rapprochement saoudo-américain figure l’inimitié de Washington et de Riyad envers Téhéran. L’administration Trump a, en quelques mois, montré à plusieurs reprises qu’elle était plus favorable aux intérêts saoudiens que l’administration de Barack Obama, laquelle avait conclu un accord sur le nucléaire avec l’Iran, mettant ainsi fin à la plupart des sanctions à son encontre.

Les pays du Golfe espèrent le soutien des États-Unis pour repousser l’influence iranienne au Moyen-Orient. Les experts à Washington et dans les pays du Golfe considèrent que Trump est plus disposé à emprunter un chemin étroitement lié à l’Arabie saoudite et à ses intérêts dans la région.

Trump « doit tenir compte de ceux parmi sa base de soutien qui s’inquiètent d’une plus grande implication américaine au Moyen-Orient » – Alex Vatanka, chercheur au Middle East Institute

Alex Vatanka, chercheur au Middle East Institute, est cependant plus pessimiste.

« Les États-Unis veulent empêcher l’influence iranienne de s’étendre par le biais de ses intermédiaires – mais leur réussite éventuelle dépend de nombreux facteurs changeants et n’est pas courue d’avance », a-t-il déclaré.

Le bourbier du Yémen

Au Yémen, la coalition saoudienne lutte contre les rebelles houthis accusés par des responsables américains d’être financés et entraînés par l’Iran.

Les États-Unis semblent vouloir passer rapidement à une solution politique, en affaiblissant les Houthis dans des négociations, tout en renforçant la position de l’Arabie saoudite.

« L’administration américaine est heureuse de suivre et de soutenir les efforts des forces saoudiennes au Yémen. Les États-Unis voudraient que les hostilités se terminent au plus tôt afin de pouvoir se distancer du conflit yéménite », a affirmé Vatanka.

Une autre complexité de la guerre au Yémen est la lutte contre al-Qaïda. La bataille contre la branche yéménite de ce groupe n’a aucune réelle chance de succès sans l’émergence d’un gouvernement central fort et d’un État fonctionnel.

« Ces deux éléments, d’une part, et la prédominance de l’alliance entre la milice houthie soutenue par l’Iran et les forces du président Saleh de l’autre, s’excluent mutuellement. Ainsi, le combat contre al-Qaïda commence par la transformation de la milice houthie en parti politique et l’acceptation par Saleh d’un processus politique inclusif », a déclaré Marzoqi.

Les Houthis, en suivant les traces du Hezbollah, l’intermédiaire de l’Iran au Liban, sont également jugés inacceptables par Washington.

« C’est pourquoi il y a une volonté beaucoup plus forte à Washington D.C. de soutenir la coalition arabe. C’est aussi un moyen de harceler l’Iran en général », explique Ibish.

Aucune grande vision pour la Syrie

Les experts interrogés par Middle East Eye s’accordaient pour la plupart sur le fait qu’il n’existait pas de grande vision américaine en Syrie. « Les États-Unis doivent d’abord créer un effet de levier là-bas », explique Vatanka.

Pourtant, les pays arabes jugent positive la frappe des États-Unis contre la base aérienne syrienne de Shayrat en avril, après une attaque chimique sur Khan Sheikhun, largement attribuée au gouvernement d’Assad, qui aurait tué une centaine de personnes.

La coopération entre les États-Unis et les pays du Golfe se renforcera probablement sur de nombreux dossiers, notamment la défense et l’économie.

En mars, le Département d’État américain a annoncé qu’il allait procéder à une vente d’avions de chasse pour 5 milliards de dollars au Bahreïn, vente initialement retardée par l’administration Obama en raison des préoccupations concernant le dossier des droits de l’homme dans ce pays du Golfe.

Des manifestations sporadiques contre le gouvernement bahreïni ont éclaté au cours des dernières années (AFP)

« Avec les Émirats arabes unis, il est probable que ce soit très opérationnel, en particulier en ce qui concerne les actions militaires conjointes, surtout en ce qui concerne les forces spéciales, comme les raids récents au Yémen. Avec l’Arabie saoudite, ce sera probablement défini en termes stratégiques généraux, combinant des initiatives économiques majeures avec une réorientation générale de la politique américaine dans la région en direction de la partie arabe », a déclaré Ibish.

Vatanka prévient néanmoins que les États du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ne doivent pas oublier que Trump n’a pas été élu pour être un président interventionniste dans le genre de George W. Bush.

« Il doit tenir compte de ceux parmi sa base de soutien qui s’inquiètent d’une plus grande implication américaine au Moyen-Orient. Cela réduira la capacité de Trump à être le type de président activiste que certains membres du CCG voudraient voir. »
 

Photo : un avion de combat de pointe F-15SA de l’aviation saoudienne se produit avec les Royal Saudi Hawks, l’équipe de voltige de la force aérienne royale saoudienne (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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