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« Les autorités saoudiennes ont abusé du caractère sacré de La Mecque » : le grand pèlerinage menacé de boycott

Le meurtre de Khashoggi, la guerre au Yémen, l’attitude belliqueuse de Riyad envers l’Iran et ses manœuvres contre-révolutionnaires poussent de plus en plus les musulmans à remettre en cause cette manne financière qu’est devenu le pèlerinage   
La Kaaba, site le plus sacré de l'islam, au sein de la mosquée al-Haram, La Mecque, Arabie saoudite (AFP)
Par MEE

Et si le grand pèlerinage de La Mecque et de Médine, qui commence le 9 août, avait une résonnance inédite cette année ? C’est ce que suggère le chercheur et journaliste britannico-irakien Ahmed Twaij, dans une tribune publiée par Foreign Policy le 2 juillet, intitulée « Mohamed ben Salmane pousse les musulmans à boycotter La Mecque ».

D’emblée, l’auteur précise que « le nombre croissant de civils tués par des bombes saoudiennes au Yémen, l’horrible massacre de Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul et l’approche agressive de Riyad face à la crise iranienne ont amené certains alliés sunnites des Saoudiens à reconsidérer leur soutien indéfectible au royaume ».

« Flambée des profits »

« Le pèlerinage est vital pour l’économie saoudienne et représente douze milliards de dollars par an, soit 20 % du PIB hors pétrole, et devrait atteindre 150 milliards de dollars d’ici 2022, compte tenu de l’investissement du gouvernement saoudien dans les hôtels de luxe. Ces investissements ont entraîné une flambée des profits, au détriment des musulmans les plus pauvres », écrit Ahmed Tawaij.

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En 2018, les autorités saoudiennes, dans le cadre de leur politique d’austérité, avaient prévu l’application d’une augmentation de 5 % de la TVA, qui devrait s’appliquer aussi sur tous les contrats du hadj et de la oumra (le grand et le petit pèlerinage).

Pour ce chercheur, « aujourd’hui, les appels au boycott du royaume se sont multipliés et ne viennent pas seulement des chiites. Le hashtag #boycotthajj est en vogue et compte près de 16 000 tweets. Les religieux sunnites du monde entier ont également appelé à un boycott ».

Il rappelle les déclarations, en avril, du grand mufti libyen Sadiq al-Ghariani, qui a appelé tous les musulmans à boycotter le hadj de cette année. L’illustre homme de religion « est allé jusqu’à considérer que ‘’quiconque entreprenait le grand pèlerinage commettait un acte de péché plutôt qu’une bonne action’’ », rapporte Ahmed Twaij.

Les appels des dignaitaires religieux

« Le raisonnement derrière le boycott est que le renforcement de l’économie saoudienne par le pèlerinage alimentera les achats d’armes et soutiendra les attaques directes contre le Yémen – et celles indirectes contre la Syrie, la Libye, la Tunisie, le Soudan et l’Algérie. Ghariani a ajouté qu’un investissement dans le hadj aiderait les dirigeants saoudiens à commettre des crimes contre nos compatriotes musulmans », ajoute l’auteur de la tribune.

Le grand mufti libyen Sadiq al-Ghariani a appelé tous les musulmans à boycotter le hadj de cette année

Ce dernier cite aussi l’appel, l’année dernière, de l’Union des imams tunisiens, qui avaient sollicité le grand mufti de la République pour boycotter le pèlerinage en raison des coûts élevés du voyage et « du fait que l’Arabie saoudite utilise cet argent pour financer ses guerres dans d'autres pays musulmans », comme l’ont indiqué des médias locaux.

Un boycott qui dépasse les clivages 

Sans oublier de citer le très médiatique mufti égyptien Youssef al-Qaradawi qui, en août 2018, a tweeté : « Ce hadj, Dieu n’en a que faire. Le tout-puissant n’est pas tributaire de ses croyants, Il est au dessus d’eux. S’Il les as contraints à des obligations religieuses, c’est pour se purifier et s’élever au niveau spirituel et éthique. Ces bienfaits, ils doivent d’abord se refléter dans leur vie quotidienne. »

À l’époque, Saoud al-Qahtani, officiellement membre du cabinet royal saoudien, avait réagi en traitant de « mercenaire » Youssef al-Qaradawi.

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« Contrairement aux tentatives précédentes de boycott de l’Arabie saoudite, les efforts en cours ont dépassé le clivage sectaire », note Ahmed Tawaij dans Foreign Policy. 

« En 2011, Riyad a violemment réprimé le soulèvement populaire de Bahreïn à la demande du gouvernement. Les manifestations étaient dirigées par des musulmans chiites, majoritaires dans ce pays dirigé par les sunnites, et les activistes irakiens ont réagi en appelant au boycott de tous les produits saoudiens. Des membres du clergé, des universitaires et des hommes politiques chiites ont organisé des manifestations en Irak. À l'époque, le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, avait déclaré que si les violences saoudiennes se poursuivaient, ‘’la région pourrait être entraînée dans une guerre sectaire’’ ».

Mais au-delà de la férocité saoudienne contre les opposants et les pays voisins, Ahmed Twaij souligne aussi le fait que « les autorités saoudiennes ont abusé du caractère sacré de La Mecque pour promouvoir leur idéologie politique ».

« En octobre dernier, lors d’un prêche, le cheikh Abdul Rahman al-Sudais, imam de la grande mosquée de La Mecque, a déclaré : ‘’Le prince héritier réformateur inspiré divinement continue à flamber, guidé par sa vision de l’innovation et du modernisme perspicace, malgré toutes les pressions et les menaces’’ », rappelle Twaij, qui conclut : « Cela implique qu’aucun musulman ne devrait remettre en cause l’élite politique saoudienne ».

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