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Basel al-Araj, martyr de la coordination en matière de sécurité entre l’AP et Israël

Il est essentiel de reconnaître les forces – israéliennes et palestiniennes – qui ont rendu possible l’assassinat d’un leader populaire tel que Basel al-Araj

Il y a une semaine, les rues bruyantes de Ramallah se sont tues pour laisser place aux chants de jeunes suite à l’assassinat de Basel al-Araj.

Sous le rugissement fervent de la foule couvaient la colère, la tristesse et l’indignation, une implosion de ressentiment à l’égard des puissances qui continuent d’opprimer et d’étrangler les Palestiniens.

Bien que la police palestinienne ne soit pas fortement présente, comme cela est habituellement le cas lorsque ce type de manifestation est organisé, leur absence n’était qu’une apparence.

« Les marionnettes d’Oslo ne sont pas ici », gémissait une jeune femme dans le groupe.

« Ils nous suivent toujours, lui a répondu une autre femme. Ils doivent protéger Israël, vous savez. »

L’assassinat de Basel

Lundi dernier à l’aube, des soldats israéliens ont pris d’assaut la maison où se cachait Basel et, après une confrontation armée de deux heures, en sont ressortis en traînant son corps sans vie.

L’AP s’est servie de Basel et des autres jeunes hommes détenus comme de symboles de leur engagement envers la coordination en matière de sécurité avec Israël

Il en est resté un appartement torpillé dans lequel les vêtements de Basel étaient éparpillés sur un lit détruit, des tuiles maculées de sang et une pile de livres sur un support en bois détruit.

Après que l’Autorité palestinienne l’a emprisonné l’an dernier avec deux autres jeunes, soupçonnés de posséder des armes non autorisées et de prévoir d’attaquer des cibles israéliennes, Basel a été torturé et a entamé une grève de la faim alors que l’AP a prolongé sa détention pendant des mois sans prononcer de charges.

L’AP s’est servie de Basel et des autres jeunes hommes détenus comme de symboles de leur engagement envers la coordination en matière de sécurité avec Israël.

Quelques semaines seulement après leur libération des prisons de l’AP, les mêmes jeunes hommes ont de nouveau été arrêtés par les forces israéliennes et Basel a été contraint de se cacher et de rompre tout contact avec sa famille.

Un ciblage historique des intellectuels

Alors que les proches de Basel tentent de venir à bout de cette lourde perte, il est essentiel de reconnaître les forces qui ont rendu possible son assassinat.

Basel incarnait le combattant palestinien de par son intellect et sa présence notable. Pour reprendre ses mots, « si vous ne vous battez pas, votre intellect est inutile »

Basel incarnait le combattant palestinien de par son intellect et sa présence notable sur le terrain. Pour reprendre ses mots, « si vous ne vous battez pas, votre intellect est inutile ».

Ce sont des intellects comme celui de Basel qui inspirent la peur israélienne, non pas de cet intellect en soi, mais du potentiel qu’il crée pour mobiliser les autres vers les efforts visant à mettre fin à l’occupation.

Israël a traduit sa peur en une longue histoire de ciblage et d’assassinats d’intellectuels palestiniens ayant des motivations politiques, de Ghassan Kanafani à Kamal Nasser. Il s’agit là d’une tentative d’assassinat de la conscience et du désir de libération des Palestiniens.

Le rôle joué par l’AP dans la répression des voix palestiniennes dans le but d’apaiser le colonialisme israélien n’a pas échappé aux Palestiniens. Plus récemment, ils ont manifesté leur mécontentement en se mobilisant dimanche 12 mars pour protester devant le tribunal judiciaire de Ramallah – et ils ont été accueillis par des bombes à gaz, des coups et des violences.

Au milieu du chaos, pour que la police arrête de frapper violemment le père de Basel, une jeune femme a crié : « C’est le père du martyr ! »

Mahmoud al-Araj a finalement été emmené à l’hôpital après avoir subi des blessures. L’AP a arrêté quatre autres hommes, dont le célèbre gréviste de la faim Khader Adnan.

« Ô martyr, va te reposer »

La manifestation de dimanche – et la réaction de l’AP – a dévoilé une fois de plus jusqu’où l’AP ira pour préserver sa relation avec Israël et se maintenir au pouvoir, même si cela implique l’application de la même stratégie répressive que celle que les Palestiniens sont habitués à subir de la part des forces israéliennes.

Par le passé, lorsque la population palestinienne pleurait l’assassinat de ses martyrs et de ses leaders, dont des intellectuels, il était d’usage de chanter : « Ô martyr, va te reposer, nous continuerons la lutte. »

Le rôle joué par l’AP dans la répression des voix palestiniennes dans le but d’apaiser le colonialisme israélien n’a pas échappé aux Palestiniens

Avant le détournement de la première intifada par les accords d’Oslo, la lutte qui les attendait était dirigée contre un régime israélien colonialiste manifeste. Pourtant, la Palestine actuelle combat un kaléidoscope des multiples visages du colonialisme.

La plus pénible de ces manifestations est l’Autorité palestinienne. C’est l’administration provisoire devenue permanente des accords d’Oslo qui a donné naissance à la coordination en matière de sécurité que Mahmoud Abbas considère comme « sacrée ».

Il est tout à fait approprié que Basel soit qualifié de « martyr de la coordination en matière de sécurité ». Son sang, répandu sur les tuiles vieillissantes de son logement, dans la cage d’escalier et sur le béton devant son immeuble, à al-Bireh, illustre de manière flagrante ce qu’Israël peut accomplir avec la coordination en matière de sécurité.

Le cheval de Troie d’Oslo

Cette stratégie n’est pas nouvelle, ni limitée à l’ère Abbas. Depuis sa création, Israël s’appuie sur le recrutement de Palestiniens en tant que collaborateurs pour contrer toute résistance palestinienne et les efforts de mobilisation de masse.

Israël offre aux Palestiniens un régime autoritaire oppressif, nourri par la promesse de pouvoir et de souveraineté

Et la médaille d’or israélienne en matière de recrutement, son collaborateur ultime, reste l’Autorité palestinienne. Par conséquent, Israël s’assure non seulement une source d’information soutenue, mais offre également aux Palestiniens un régime autoritaire oppressif, nourri par la promesse de pouvoir et de souveraineté.

En nourrissant l’AP d’aspirations de leadership et de tout ce qui l’accompagne, Oslo et ses corollaires ont été reliés pour former un cheval de Troie destiné à diviser encore plus la lutte.

La disparité entre les ambitions de l’AP et celles des Palestiniens n’est pas une fracture figurative. C’est une division sanglante, dans le sens le plus littéral du terme. La semaine dernière, c’était Basel. Cette semaine, à qui le tour ? Mais le résultat final sera toujours le sacrifice de notre jeunesse, que ce soit à travers des meurtres ou derrière les barreaux.

Lutter contre les obstacles de l’oppression

Malgré les crimes horribles qu’elle commet dans son territoire, l’AP se présente inexorablement devant la communauté internationale comme la représentation légitime du peuple palestinien.

Pourtant, alors que la Cisjordanie et Gaza sont en conflit, que les Palestiniens en exil ou en Israël ne trouvent personne pour représenter leurs revendications et que le despotisme se développe dans la région, l’AP a mené les Palestiniens sur la voie du désenchantement, de la répression et d’une division accentuée.

Après les coups endurés dimanche par les manifestants, ces derniers se sont réunis une nouvelle fois ce lundi. À Ramallah, la foule chantait et une affiche brandie lors de la manifestation indiquait : « La seule solution est la dissolution de l’AP ».

Bien que l’histoire nous enseigne qu’aucune lutte anticoloniale n’a été un succès sans sacrifices ni vies perdues, la population que nous sommes, capable de peindre la douleur dans un millier images, meurt d’envie de cesser de pleurer la perte d’êtres chers et de savourer la perte de l’oppression, qui comprend désormais l’Autorité palestinienne.

Mariam Barghouti est une auteure et commentatrice palestinienne originaire de Ramallah. Ses travaux sont parus dans le New York Times, Al Jazeera English, le Huffington Post, Middle East Monitor, Mondoweiss et International Business Times entre autres.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : Basel al-Araj (Twitter/@_JuanModesto_).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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