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« Dieu le veut » : le mythe divin derrière la présidence de Trump

Au cours de l’histoire, des dirigeants arrogants ont invoqué le nom de Dieu pour poursuivre des politiques abjectes
Le président américain Donald Trump s’exprime lors d’un rassemblement en Floride, le 18 février (AFP)

Chaque fois qu’Israël est interrogé sur le mobile de son vol des terres palestiniennes, l’établissement de colonies de peuplement illégales ou les graves violations des droits de l’homme en Cisjordanie, on vous répond que « Dieu le veut ».

Le concept de « volonté de Dieu » ne peut être contesté ni appelé à rendre des comptes. Le droit international, tout comme les valeurs humaines fondamentales et l’éthique, ne s’appliquent pas s’ils vont à l’encontre de cette mission historique divine.

Et cette attitude n’est pas inconnue sur la scène politique. Le slogan « Dieu le veut » a été utilisé par des dirigeants condescendants qui se sont arrogés le droit de parler au nom de Dieu tout au long de l’histoire, s’en servant généralement pour leur propagande ou pour étouffer les critiques.

Les croisades

En novembre 1095, le pape Urbain II annonça le début des croisades lors du concile de Clermont avec le slogan Deus vult (« Dieu le veut »), justifiant ainsi toutes les atrocités qui ont suivi, commises contre diverses nations et peuples de différentes religions. La première croisade, qui conduisit à la conquête de Jérusalem en 1099, vit le massacre de juifs et de musulmans vivant dans la ville.

L’utilisation de la « volonté de Dieu » comme justification pour commettre des atrocités a prévalu tout au long de l’ère de l’expansion coloniale et jusqu’à l’ère moderne.  Les puissances coloniales ont, à diverses époques, invoqué avec arrogance leur lien avec Dieu pour mobiliser des campagnes militaires marquées par les effusions de sang et les conquêtes.

Le slogan « Dieu le veut » s’est répandu parmi les fanatiques américains et leurs nombreuses plateformes de propagande qui promeuvent le colonialisme en Palestine

Avant le premier congrès sioniste en 1897, William Henry Hechler, membre du clergé anglican, aumônier de l’ambassade britannique à Vienne, incita Theodor Herzl, le fondateur du mouvement sioniste, à coloniser la Palestine et à créer un État sioniste. Dans un long article publié le 11 juin 1897 dans le journal Die Welt, fondé par Herzl pour promouvoir le sionisme, Hechler concluait ainsi : « Que ce soit votre slogan : ‘’Dieu le veut !” » 

Herzl et ses compagnons du mouvement sioniste avaient cruellement besoin d’un tel soutien, en raison du rejet auquel ils étaient confrontés au sein des communautés juives locales. En raison des critiques virulentes adressées au Congrès sioniste par la communauté juive de Vienne, celui-ci avait dû se tenir dans la ville suisse de Bâle, loin du courant dominant juif. 

Sionistes chrétiens

Hechler n’est que l’un des nombreux exemples de soi-disant « sionistes chrétiens » qui perçoivent l’histoire sous un angle différent et mettent souvent l’accent sur la fin imminente du monde. De nos jours, ce mouvement compte un certain nombre d’adhérents aux États-Unis, dont de nombreux partisans du président Donald Trump.

Le slogan « Dieu le veut » s’est répandu parmi les fanatiques américains et leurs nombreuses plateformes de propagande qui promeuvent le colonialisme en Palestine.

Récemment, une expression similaire est venue directement de la Maison-Blanche, quand l’attachée de presse, Sarah Sanders, a déclaré au Christian Broadcasting Network (CBN) que « Dieu… voulait que Donald Trump devienne président ». 

L’attachée de presse de la Maison-Blanche, Sarah Sanders, photographiée à la Maison-Blanche, le 28 janvier (AFP)

Cela a laissé certains observateurs perplexes : Dieu a-t-il choisi spécifiquement Trump, et non les chefs d’États du monde, ni les précédents présidents, tels que Barack Obama ?

La déclaration de Sanders a peut-être pu faire écho auprès du public de CBN, fondé par Pat Robertson, connu pour ses convictions fanatiques concernant l’histoire et la fin des temps, en plus d’être un fervent défenseur du sionisme chrétien. Toutefois, ce type de déclaration n’est généralement pas utilisé dans la diplomatie. Pourtant, ce président « choisi par Dieu » ne montre pas le moindre intérêt pour le reste du monde, rejetant ainsi des accords internationaux tels que l’accord de Paris sur les changements climatiques, tout en soutenant l’occupation israélienne dans son expansion sans précédent des colonies. 

Un monde abasourdi

Trump est adoré au sein de la communauté israélienne, comme en témoignent les cérémonies d’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem en mai dernier. Et l’éloge ne s’est pas arrêté là : une pièce commémorative représentant Trump aux côtés de Cyrus le Grand a également été frappée.

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De telles représentations sont pétries d’arrogance et d’une impression de supériorité. Lorsque les politiques des dirigeants reçoivent l’étiquette « divine », elles ne peuvent faire l’objet d’aucune critique ou opposition. Le cas de Trump en est un parfait exemple : il s’est retiré des accords internationaux sans la moindre humilité et a publié d’autres édits irréfléchis, dont l’interdiction de territoire américain pour les citoyens de certains pays musulmans et la construction d’un mur le long de la frontière mexicaine.

Dans le même temps, il mène une guerre contre les médias et fait fi des règles diplomatiques en matière de coopération avec d’autres pays.

La présidence de Trump a abasourdi le monde. Sanders a renforcé ces inquiétudes par une attitude arrogante qui permet de prendre tous les risques possibles, avec le raisonnement « Dieu le veut ».

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Hossam Shaker is a journalist and an author who has extensively covered the topic of migration in Europe.
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