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Que se passerait-il si Trump coupait l’aide financière américaine à l’UNRWA ?

Bien que des millions de Palestiniens comptent sur ses services, l’UNRWA est parfois accusé de perpétuer le conflit et de régler la facture qui incombe à Israël en tant qu’occupant

Ce mardi, Nikki Haley, l’ambassadrice des États-Unis auprès des Nations unies, a proféré une menace plutôt ambiguë en réponse à une question portant sur le maintien du niveau de l’aide financière américaine à l’UNRWA. Elle a répondu : « Le président a dit qu’il ne voulait pas donner de fonds supplémentaires ou arrêter le financement tant que les Palestiniens n’acceptent pas de revenir à la table des négociations ».

Le président Trump a lui-même tweeté la menace suivante : « Puisque les Palestiniens ne sont plus disposés à parler de paix, pourquoi devrions-nous leur verser des paiements massifs à l’avenir ? ».

Arrêt du financement

Les menaces et les déclarations de politique étrangère ambiguës ne sont pas un phénomène nouveau pour l’administration Trump, et si le porte-parole de l’UNRWA, Chris Gunness, affirme ne pas avoir été informé d’un changement dans la politique américaine, les conséquences d’un éventuel arrêt du financement de l’agence doivent être prises au sérieux.

L’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) a été créé en 1950 pour fournir des services humanitaires aux 700 000 réfugiés palestiniens expulsés de Palestine lors de la création d’Israël. L’agence, qui opère en Cisjordanie, à Gaza, en Jordanie, au Liban et en Syrie, fournit aux Palestiniens une éducation primaire et secondaire ainsi que des services de santé et réalise divers projets d’infrastructure dans les camps.

Bien que des millions de Palestiniens comptent sur ses services, l’UNRWA est aussi parfois accusé de perpétuer le conflit et de régler la facture qui incombe à Israël en tant qu’occupant.

Les États-Unis représentent le plus grand donateur de l’UNRWA, avec un versement total de 368 millions de dollars l’année dernière, soit près de 30 % de son financement total. Dans le passé, lorsque l’agence a connu des déficits de financement, elle a dû suspendre des programmes ou certains aspects de ses programmes.

Les écoles et les établissements de santé fermeraient, laissant des centaines de milliers de réfugiés palestiniens à travers la région sans école, sans soin de santé et sans emploi, ce qui rendrait leur situation encore plus désastreuse

En 2015, l’agence a failli retarder le début de l’année scolaire pour près d’un demi-million d’enfants palestiniens. Heureusement, elle a réussi à surmonter le déficit de 100 millions de dollars après un appel au don urgent de l’ancien secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon.

Cependant, une coupure totale du financement américain signifierait une réduction sérieuse des services fournis par l’UNRWA ainsi que l’arrêt complet de nombreux programmes d’éducation et de santé.

En d’autres termes, les écoles et les établissements de santé fermeraient, laissant des centaines de milliers de réfugiés palestiniens à travers la région sans école, sans soin de santé et sans emploi, ce qui rendrait leur situation encore plus désastreuse.

De fait, si on laissait l’agence fonctionner aux deux tiers de sa capacité, c’est sa viabilité tout entière qui serait remise en question.

D’un autre côté, si l’Autorité palestinienne est obligée de reprendre les négociations parrainées par les États-Unis en échange de la poursuite du financement américain, les services de base de l’UNRWA seront entachés par les exigences politiques d’une administration déterminée à défier le consensus et le droit internationaux, comme l’illustre la récente reconnaissance par Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël.

Aide et politique

Cela aussi, cependant, n’est pas nouveau : l’aide et le développement en Palestine sont depuis longtemps otages de la politique. « Les flux d’aide au cours des décennies ont abouti à l’enracinement de la dépendance à l’aide […] laquelle a dépouillé le peuple palestinien du pouvoir de résister au colonialisme, à l’apartheid et à l’oppression », a récemment écrit, Alaa Tartir dans un article pour MEE.

À LIRE : Mahmoud Abbas doit dissoudre l’Autorité palestinienne

Les conditions politiques attachées à l’aide et la dépendance palestinienne à son égard sont parmi les principales raisons qui ont empêché les Palestiniens de développer une résistance durable au régime colonial israélien. En effet, l’UNRWA et d’autres agences internationales règlent la facture de l’occupation militaire israélienne et sont donc des facteurs importants dans le maintien du statu quo.

Si l’UNRWA cesse ses opérations, le manque devra être comblé par quelqu’un d’autre. C’est un détail important qui semble avoir échappé au président Trump.

On ignore pour l’heure si les menaces de l’administration Trump sont dirigées vers l’UNRWA ou l’Autorité palestinienne (AP). Il est très probable que l’AP aussi ne soit pas certaine du destinataire de ces menaces.

Ce qui est clair, cependant, c’est que si les menaces sont dirigées contre l’UNRWA, ceux sont à nouveau les réfugiés palestiniens qui souffriront des décisions politiques de dirigeants qui refusent de se battre pour leur droit fondamental de rentrer chez eux.

Si elles sont adressées à l’Autorité Palestinienne, celle-ci disposera de très peu de cartes à jouer à mesure que s’amenuise sa légitimité parmi les Palestiniens.

- Yara Hawari est une militante universitaire britanno-palestinienne dont les écrits continuent d’être façonnés par son engagement envers la décolonisation. Originaire de Galilée, elle a passé sa vie entre la Palestine et le Royaume-Uni. Elle est actuellement en dernière année de doctorat au Centre européen d’études sur la Palestine de l’Université d’Exeter.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : des écolières palestiniennes sont assises derrière un drapeau de l’UNRWA pendant le festival « Life and Hope » organisé dans une école de l’UNRWA située dans le camp de réfugiés de Rafah, au sud de la bande de Gaza (AFP).

Traduit de l’anglais (original).

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