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Coupe du monde 2030 : Maroc, Algérie et Tunisie devraient présenter une candidature commune

Une offre conjointe permettrait aux pays du Maghreb de partager les coûts des investissements en infrastructures et stimuler la coopération régionale

La Coupe du monde n’a pas porté chance au Maghreb. L’Algérie, après une performance impressionnante en 2014, ne s’est pas qualifiée cette fois-ci. Le Maroc et la Tunisie se sont tous deux qualifiés pour envoyer en Russie leurs équipes, mais elles ont été éliminées dès le premier tour. 

Ce fut un mois particulièrement difficile pour le Maroc. Juste avant le match d’ouverture à Moscou, le royaume d’Afrique du Nord qui avait présenté sa candidature pour accueillir la Coupe du monde 2026 a dû s’incliner face à la solide offre conjointe des États-Unis, du Canada et du Mexique. 

Moulay Hafid Elalamy, président du comité marocain pour l’organisation du Mondial 2026 et les membres de la délégation marocaine assistent au 68e congrès de la FIFA au cours de laquelle le Mondial 2026 a été attribué au trio nord-américain « United 2026 »

Sa candidature s’est retrouvée confrontée aux mêmes difficultés que celles de l’Afrique du Sud et du Brésil : des coûts élevés et des inquiétudes quant à la perspective d’un tournoi somptuaire dans le contexte d’un pays marqué par les inégalités sociales. 

Le Maroc va probablement présenter une nouvelle candidature et devrait tirer une leçon de son équipe de football : apprendre de ses défaites et jouer collectif. C’est l’une des raisons pour lesquelles Maroc, Tunisie et Algérie devraient présenter une candidature commune pour accueillir la Coupe du Monde 2030.

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C’est apparemment déjà à l’étude : le ministre algérien des Sports, Mohamed Hattab, a déclaré aux journalistes que son pays « étudiera une éventuelle candidature des pays du Maghreb pour l’organisation de la Coupe du monde ».

Les offres conjointes de plusieurs pays sont à la mode, et non sans raisons. Non seulement ces pays aident à faire pression au sein de la FIFA et à obtenir le soutien des associations nationales – ce qui manquait à la candidature marocaine de 2026 – mais elles permettent également de répartir les coûts, facteur crucial et particulièrement pour les pays en développement qui se portent candidats. 

Aujourd’hui, le Maghreb est économiquement la région la moins bien intégrée du monde

Le spectacle assuré par l’Afrique du Sud en 2010 fut historique, mais il a aussi coûté très cher au pays. L’offre proposée par le Maroc semblait beaucoup plus chère. Une candidature commune permettrait aux pays du Maghreb de se répartir les coûts des investissements en infrastructures, en évitant la construction de nouveaux stades. La candidature marocaine comprenait la construction de plusieurs nouveaux stades, ce qui fut explicitement critiqué par la FIFA. 

Cela nous amène à un point encore plus important : une offre conjointe pourrait maximiser les investissements nécessaires. Aujourd’hui, le Maghreb est économiquement la région la moins bien intégrée du monde. Rivalités politiques, histoires de division et domination de l’Union européenne (UE) ont privé la population de la région des avantages économiques d’un commerce plus intense entre eux. 

Un argument de vente décisif

Les infrastructures font partie des éléments cruciaux qui font défaut. Une candidature maghrébine pour 2030 pourrait être centrée sur connexion entre les pays de la région, en soulignant non seulement les liens entre ses peuples, mais aussi la position du Maghreb – à l’intersection de l’Afrique, de l’Europe et du monde arabe. 

Les investissements pourraient couvrir les infrastructures sportives, les transports et la logistique. Bien que ce point constitue le talon d’Achille de l’offre « Maroc 2026 », il pourrait s’avérer l’argument de vente décisif d’une offre commune.

Stade de Baraki, à Alger (Adlène Meddi/MEE)

Les projets dormants datant de temps plus optimistes de l’Union du Maghreb arabe (UMA) pourraient être relancés et aboutir. On ne saurait imaginer une contribution économique plus importante en faveur d’une région que celle d’une Coupe du monde, si elle contribue à briser la segmentation économique du Maghreb.  

La présence d’un grand nombre de supporters créatifs dans la région justifie d’accueillir un tournoi et donnerait à l’événement une ambiance que l’argent ne peut pas acheter – même si le Qatar s’y efforce à grands renforts de capitaux.

Un Mondial au Maghreb pourrait aussi offrir un bel été aux fans de football du monde entier avec, en plus des actions sur le terrain, montagnes, plages, déserts et tajines maison

Le Maghreb, Maroc et Tunisie en particulier, est fortement dépendant du tourisme. Non seulement ce secteur serait stimulé par un tel événement, mais il pourrait aussi offrir un bel été aux fans de football du monde entier avec, en plus des actions sur le terrain, montagnes, plages, déserts et tajines maison.

De plus, les trois équipes de la région ont démontré qu’elles peuvent battre États-Unis et Canada n’importe quand ; leur qualification automatique pour le tournoi s’en trouverait d’autant plus impressionnante 

L'avenir du Sahara occidental

Une telle entreprise présente bien entendu quelques problèmes évidents. Afin d’éviter l’expérience du Brésil, où dépenses somptuaires contrastaient avec la pauvreté locale et ont déclenché des protestations dans tout le pays, il faudrait que la candidature soit beaucoup plus inclusive que les précédentes, en réalisant des infrastructures qui continueraient à bénéficier aux populations locales après le départ du barnum. 

La dynamique des économies politiques nationales, sans parler de l’influence de la FIFA, complique les choses. Cependant, comme le Maroc présentera sans doute à nouveau sa candidature de toute façon, une offre conjointe pourrait au moins atténuer ces problèmes. 

L’attaquant marocain Youssef En-Nesyri exulte avec le défenseur Romain Saiss après avoir marqué un but, lors de la Coupe du monde 2018 (AFP)

Les relations politiques entre ces trois pays ne sont pas des plus simples. La politique algérienne en matière de visas devrait changer assez radicalement afin d’accueillir les supporters de la Coupe du monde. La frontière terrestre entre Maroc et Algérie reste toujours fermée, et les relations diplomatiques entre les deux pays sont pour le moins délicates historiquement – et actuellement aussi – c’est le moins qu’on puisse dire.

L’avenir du Sahara occidental n’est qu’une des nombreuses questions qui pourraient rendre difficile une candidature commune à un tournoi. 

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Cependant, un projet comme la Coupe du monde est exactement le genre d’incitation qui pourrait contribuer à nouer une coopération, fournissant une occasion symbolique d’apaiser les tensions. Comme l’ont démontré les gagnants de la candidature 2026 – États-Unis, Mexique et Canada –, les relations diplomatiques évoluent rapidement. 

Lors d’une occasion récente, Maroc, Algérie et Tunisie étaient du même côté : tous les trois ont voté pour la candidature marocaine pour 2026. En remerciant l’Algérie de son soutien, le roi Mohammed VI du Maroc aurait suggéré une future candidature commune. Ils devraient aller plus loin et se mettre en lice pour proposer Maghreb 2030. 

- Max Gallien est doctorant en développement international à la London School of Economics, spécialisé dans l’économie politique de l’Afrique du Nord. Il est titulaire d’un DEA en études modernes sur le Moyen-Orient de l’Université d’Oxford et a été chercheur invité à l’Université al-Akhawayn au Maroc. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @MaxGallien.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : les coéquipiers de l’attaquant tunisien lui font un triomphe après le but marqué par Wahbi Khazri lors de la Coupe du Monde 2018 (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par Dominique Macabies.

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