La région MENA et la Coupe du monde : quinze moments qui ont marqué le football
L’Égypte, l’Arabie saoudite, le Maroc, la Tunisie et l’Iran figurent parmi les 32 pays qualifiés pour la phase finale de la Coupe du monde 2018 en Russie, qui a débuté ce jeudi à Moscou.
Alors que l’Arabie saoudite a été corrigée (5 à 0) par le pays hôte lors du match d’ouverture et que les espoirs égyptiens sont portés par Mohamed Salah, actuellement l’une des stars mondiales les plus en vogue, les fans de football du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord espèrent voir leur équipe favorite marquer la compétition, comme la Tunisie en 1978, le Maroc en 1986 ou encore les Saoudiens en 1994, entre autres.
La Turquie, dont la sélection a réalisé la meilleure performance en compétition en terminant à la troisième place au Japon et en Corée du Sud en 2002, n’est toutefois plus parvenue à se qualifier pour le tournoi.
Nous avons rassemblé quinze moments qui ont marqué le football pour les supporters des sélections de la région.
Si vous n’êtes pas d’accord avec ces choix ou si vous estimez que nous avons oublié un but mémorable ou une équipe marquante, postez vos commentaires sur Facebook ou Twitter. Nous vous souhaitons de profiter pleinement de ce Mondial !
15. Les pionniers égyptiens (Italie 1934)
Le Moyen-Orient a fait son apparition en Coupe du monde en 1934, quatre ans après le tournoi inaugural (et avant la première participation de sélections telles que l’Angleterre).
Les Pharaons se sont qualifiés pour la phase finale en Italie après avoir battu la Palestine sous mandat britannique, dont la sélection était composée de joueurs britanniques et juifs, à l’issue d’une rencontre aller-retour (11 à 2). Le tournoi a été éclipsé par la propagande orchestrée ouvertement en faveur du régime de Benito Mussolini. L’équipe locale effectuait notamment des saluts fascistes sur le terrain. L’Égypte a échoué au premier tour à l’issue d’une défaite (2 à 4) contre la Hongrie à Naples.
Quelques décennies plus tard, le gardien égyptien Mustafa Kamel Mansour, qui s’est fracturé le nez pendant le match, a déclaré que l’équipe avait été victime d’un arbitrage partial. « Tous les journaux italiens ont critiqué leur arbitre le lendemain et ont reconnu qu’il avait offert aux Hongrois leur billet pour le tour suivant », a-t-il déclaré à la BBC.
L’Égypte a dû attendre 56 ans pour se qualifier à nouveau.
14. Le cheikh fait annuler un but (Espagne 1982)
La qualification du Koweït pour le Mondial 1982 en Espagne – l’unique participation du Koweït au tournoi à ce jour – a marqué les esprits pour une chose : l’histoire du coup de sifflet fantôme.
Le fiasco a commencé lorsque la France, qui menait déjà 3 à 1, a pris d’assaut une nouvelle fois les cages adverses. Étrangement, la défense du Koweït s’est figée. Le milieu de terrain français Alain Giresse a tiré et marqué. L’arbitre, Miroslav Stupar, a désigné le rond central pour indiquer qu’un but avait été marqué. S’ensuivit une scène de chaos.
Les joueurs koweïtiens se sont amassés autour de l’arbitre soviétique, soutenant qu’ils avaient entendu un coup de sifflet et qu’ils avaient donc arrêté de jouer (certains enregistrements du match corroborent leurs affirmations). Le cheikh Fahad al-Ahmed al-Jaber al-Sabah, président de la Fédération du Koweït de football, est ensuite descendu des gradins et est rentré sur le terrain pour se joindre aux protestations.
Les joueurs se sont disputés et des responsables de la sécurité ont essayé de rétablir l’ordre au milieu de la mêlée de plus en plus fournie, qui attirait les journalistes, les remplaçants et toujours plus de responsables.
Finalement – et à la stupéfaction de tous –, Stupar a refusé le but de Giresse. En vain : la France a poursuivi sur sa lancée et remporté le match 4 à 1. Stupar a été interdit d’arbitrer à nouveau. Fahad a quant à lui écopé d’une amende. Il a été tué huit ans plus tard lorsque l’Irak a envahi le Koweït, en défendant la résidence de l’émir.
13. L’Allemagne écrase l’Arabie saoudite (Japon-Corée du Sud 2002)
La Coupe du monde a connu des défaites plus lourdes. Comme lorsque la Hongrie a étrillé la Corée du Sud (9 à 0) en 1954. Ou lorsque la Yougoslavie a battu le Zaïre 9 à 0 en Allemagne de l’Ouest en 1974. Sans oublier, bien sûr, la correction infligée par la Hongrie, encore une fois, au Salvador (10 à 1) en 1982. Mais l’humiliation vécue par l’Arabie saoudite face à l’Allemagne (8 à 0) au Sapporo Dome, au Japon, est la plus lourde défaite encaissée par une équipe du Moyen-Orient en phase finale de Coupe du monde.
Avec la meilleure attaque des 32 nations qualifiées, les Saoudiens nourrissaient de grands espoirs avant le tournoi. Il s’agissait également de leur troisième apparition, le pays ayant participé à quatre éditions consécutives entre 1994 et 2006.
Mais tous les rêves ont se sont envolés dans les 45 premières minutes de leur match inaugural contre l’Allemagne : l’équipe de Rudi Völler a marqué quatre buts avant la mi-temps, avant d’ajouter quatre autres buts en seconde période (l’Allemagne aurait pu inscrire un neuvième but si Carsten Jancker ne s’était pas vu refuser sa deuxième réalisation).
L’entraîneur saoudien Nasser al-Johar s’est ensuite excusé auprès de tous ceux qui avaient regardé le match, mais a fait une promesse : « Nous avons deux autres matches à jouer et nous pouvons toujours nous qualifier. » Il n’en fut rien : les Saoudiens ont perdu leurs matches restants et ont quitté le Japon et la Corée du Sud sans avoir marqué et avec douze buts encaissés. À son retour en Arabie saoudite, Johar a été limogé.
Dernièrement, l’Allemagne s’est montrée plus indulgente face à ses adversaires saoudiens en ne gagnant que 2 à 1 en match amical à Leverkusen juste avant la Coupe du monde en Russie.
12. Israël frôle la qualification sans avoir joué (Suède 1958)
L’annulation par l’Argentine d’un match amical contre Israël en juin 2018 rappelle opportunément la controverse qui a souvent accompagné la participation de l’équipe nationale israélienne à la compétition internationale et le refus des autres pays d’affronter cette sélection.
Le boycott a été particulièrement prononcé en 1958, lorsqu’Israël a failli se qualifier pour la phase finale en Suède sans avoir joué le moindre match, puisque plusieurs adversaires – dont le Soudan, l’Indonésie et la Turquie – se sont retirés pour des raisons politiques. L’instance dirigeante du football mondial, la FIFA, a accordé les victoires à Israël, qui a dans les faits, remporté le tournoi qualificatif de la zone Asie-Afrique.
Mais la FIFA a ensuite statué qu’aucune équipe ne pouvait se qualifier sans jouer au moins un match et a organisé à la place un « play-off intercontinental » entre Israël et une des sélections ayant fini deuxièmes des qualifications européennes. Après le refus de la Belgique de jouer, Israël a finalement affronté le Pays de Galles, qui a gagné 2 à 0 à Tel-Aviv avant de s’imposer sur le même score à Cardiff.
Israël a rencontré des problèmes similaires à la fin des années 1960, lorsque la Corée du Nord a refusé de jouer et a été bannie du tournoi de qualification par la FIFA. Il a alors suffi à Israël de battre la Nouvelle-Zélande pour atteindre la phase finale au Mexique en 1970, où la sélection a finalement échoué à la dernière place d’un groupe relevé composé de l’Uruguay, de l’Italie et de la Suède.
Israël ne s’est plus qualifié depuis et a intégré en 1982 le tournoi de qualification européen.
11. La Tunisie ouvre le chemin de la victoire (Argentine 1978)
Fraîchement indépendante, la Tunisie n’a disputé son premier match en tant qu’équipe reconnue par la FIFA qu’en 1957. Un peu plus de vingt ans plus tard, la sélection tunisienne a donné le coup d’envoi à une série de performances pionnières des équipes nord-africaines en Coupe du monde – dont l’Algérie en 1982 et le Maroc en 1986 – qui ont annoncé l’entrée des équipes arabes dans l’événement sportif le plus regardé.
Lors de leur premier match en Argentine en 1978, les Tunisiens étaient menés 1 à 0 à la mi-temps face au Mexique à Rosario. Mais les Aigles de Carthage ont renversé le score en seconde période, avec des buts d’Ali Kaabi, Nejib Ghommidh et Mokhtar Dhouieb, pour finalement l’emporter 3 à 1, ce qui fut la première victoire d’une équipe arabe ou africaine dans l’histoire du tournoi.
Ils ont ensuite consolidé leur succès avec un match nul 0 à 0 contre l’Allemagne de l’Ouest, tenante du titre, mais n’ont manqué la qualification au tour suivant que d’un point, encaissant précédemment une défaite 1 à 0 face à la Pologne, troisième de l’édition 1974. Qu’importe : désormais, les équipes d’Afrique du Nord ne seraient plus faciles à éliminer.
10. Irak : la peur et l’échec (Mexico 1986)
Le milieu des années 1980 a été une période faste pour la sélection irakienne de football, qui a notamment remporté la Coupe arabe des nations de 1985 ainsi que la médaille d’or aux Jeux panarabes de 1985 et qui s’est qualifiée pour les Jeux olympiques.
La vie hors des terrains était plutôt différente : en plus de la guerre qui se poursuivait contre l’Iran, la sélection devait rendre de plus en plus de comptes à Oudaï Hussein, le fils aîné de Saddam, connu plus tard pour avoir torturé des athlètes qui n’étaient pas assez performants à son goût.
Après avoir dominé son premier groupe de qualification pour la Coupe du monde, l’Irak devait battre les Émirats arabes unis. Après avoir remporté le premier match 3 à 2, les Irakiens étaient menés 0 à 2 au match retour alors qu’il restait moins de cinq minutes à jouer, s’apprêtant ainsi à quitter la compétition sur un score cumulé de 4 à 3. Karim Saddam a ensuite propulsé le ballon au-dessus de la tête du malheureux gardien émirati, qualifiant un Irak en extase grâce à la règle du but à l’extérieur.
L’Irak a battu la Syrie au dernier tour de qualification avant de s’envoler pour le Mexique. Mais la préparation des joueurs a été troublée par le limogeage de deux sélectionneurs, tous deux brésiliens, et d’un ordre qui les a contraints à troquer leur tenue habituelle verte et blanche contre du jaune et du bleu clair.
Sur le terrain, les Lions de Mésopotamie n’ont pas rugi et sont rentrés au pays avec trois revers et un seul but à leur actif, marqué par Ahmed Radhi lors d’une défaite 2 à 1 contre la Belgique.
Un autre but de Radhi, marqué lors d’une défaite 1 à 0 face au Paraguay, a été refusé par l’arbitre qui a sifflé la mi-temps juste au moment où le ballon franchissait la ligne. Au retour de la sélection à Bagdad, Oudaï a critiqué l’équipe mais a surtout rejeté la faute sur le troisième sélectionneur brésilien, qui a par la suite été limogé.
9. Le football palestinien à la maison (Brésil 2014)
Une équipe connue sous le nom de Palestine mandataire existait au début du XXe siècle : celle-ci s’appuyait sur des joueurs juifs et britanniques et a finalement formé ce qui allait devenir l’équipe nationale israélienne.
La Palestine n’a pas eu d’équipe officielle jusqu’en 1998, date à laquelle la Fédération de Palestine de football a été officiellement reconnue par la FIFA, suite à la création de l’Autorité nationale palestinienne. Ses apparitions au niveau international ont été fragmentées : l’équipe a souvent dû puiser dans la diaspora palestinienne hors de Gaza et de la Cisjordanie pour participer aux compétitions, dans la mesure où les joueurs issus de ces deux territoires ne peuvent obtenir de visa des autorités israéliennes. Plusieurs joueurs ont été tués au cours d’attaques israéliennes, notamment Ayman Alkurd, Wajeh Moshtahe et Shadi Sbakhe lors de l’opération Plomb durci en 2008 et 2009.
L’équipe a dû attendre plus d’une décennie pour disputer son premier match international à domicile, une rencontre qualificative pour la Coupe du monde, en juillet 2011 contre l’Afghanistan. Le match, qui s’est joué devant 8 000 supporters, était autant une question d’affirmation de l’État qu’une rencontre de football.
« Le sang palestinien, la chair palestinienne, l’hymne national palestinien sur le territoire palestinien. C’est beau. Cela me rend fier », a déclaré Jibril Rajoub, alors président de la Fédération de Palestine de football, dans des propos rapportés par la BBC.
Wadi Hossam a marqué d’un tir de loin au début de la première mi-temps, avant que la Palestine ne se fasse reprendre suite à l’égalisation de l’Afghan Balal Arezou au milieu de la seconde période. Un match nul au goût de victoire pour la sélection et ses supporters.
8. Le Maroc finit en tête de son groupe (Mexique 1986)
Sur le papier, le Maroc semblait avoir peu de chances de s’en sortir à l’occasion de sa deuxième participation à la phase finale de la Coupe du monde (après 1970), puisque le tirage au sort avait placé la sélection aux côtés de l’Angleterre, de la Pologne et du Portugal. Mais l’équipe a défié les pronostics en finissant en tête du groupe et en devenant la première nation africaine ou arabe à atteindre la phase suivante du tournoi.
Lors de son premier match, le Maroc a arraché un score nul et vierge (0 à 0) contre la Pologne avant de rééditer l’exploit au match suivant contre une équipe anglaise réduite à dix.
Leur dernier adversaire dans le groupe était le Portugal, qui avait manqué de justesse la finale de l’Euro 1984 mais dont les joueurs étaient en conflit avec les autorités portugaises du football. Le Marocain Abderrazak Khairi a marqué deux buts avant la mi-temps, avant qu’Abdelkrim Merry Krimau n’inscrive un troisième but en seconde période. Le Portugal a répondu à dix minutes de la fin mais n’a pas échappé à la défaite, tandis que le Maroc s’est qualifié pour la phase à élimination directe.
Au tour suivant, les Lions de l’Atlas ont vaillamment résisté à l’Allemagne de l’Ouest, future finaliste, avant de céder à la 88e minute sur un but de Lothar Matthäus qui a précipité leur élimination.
7. Salah porte l’Égypte (Russie 2018)
Mohamed Salah n’était même pas né la dernière fois que l’Égypte s’est qualifiée pour une phase finale de Coupe du monde : c’était en Italie, en 1990, et les Pharaons n’étaient pas parvenus à s’extirper d’un groupe comprenant l’Angleterre, les Pays-Bas et la République d’Irlande, malgré un match nul honorable contre une équipe néerlandaise emmenée par de Ruud Gullit et Marco van Basten, entrés dans le tournoi avec l’étiquette de champions d’Europe.
Cependant, ces dernières années, la nation la plus peuplée de la région a eu de bonnes raisons de prendre son football au sérieux : l’Égypte a remporté un record de sept titres en Coupe d’Afrique des Nations et a atteint en 2010 le neuvième rang au classement mondial établi par la FIFA.
En octobre 2017, les Pharaons ont affronté le Congo lors d’un match qualificatif pour la Coupe du monde au stade Borg al-Arab, près d’Alexandrie, lors duquel une victoire était synonyme d’un ticket pour la phase finale en Russie.
Salah a ouvert le score à la 63e minute, avant que le Congolais Arnold Bouka Moutou ne réplique à la 87e minute. Puis, au bout du temps additionnel, Béranger Itoua a provoqué un penalty en faisant tomber l’Égyptien Mahmoud Hassan « Trezeguet ».
Avec la quiétude qui a forgé une grande partie de sa légende, Salah s’est avancé pour marquer : l’attaquant de Liverpool a ainsi assuré la qualification de l’Égypte et suscité la liesse de 100 millions d’Égyptiens.
« Vous avez vu ça ? », a réagi Jürgen Klopp, l’entraîneur de Salah à Liverpool. « Le plus beau moment a été leur manière de célébrer le penalty. C’était quelque chose que je n’avais jamais vu dans ma vie. Même l’Allemagne n’a pas fête la Coupe du monde comme cela en 1990. »
Alors pas de pression en Russie, Mo’.
6. Cinq nations qualifiées (Russie 2018)
La région a signé un exploit historique fin 2017 avec la qualification de quatre nations arabes – l’Égypte, l’Arabie saoudite, le Maroc et la Tunisie – pour la phase finale de la Coupe du monde pour la première fois en 88 ans d’histoire de la compétition. Le rival régional iranien a également obtenu son ticket pour la compétition.
Les espoirs de succès des Égyptiens ont été compromis par leur incapacité à remporter un match depuis la victoire contre le Congo en octobre dernier et par la blessure subie par leur joueur vedette, Salah, lors de la défaite de Liverpool en finale de l’UEFA Champions League face au Real Madrid en mai.
Dans le groupe A, les Pharaons seront opposés le 25 juin à l’Arabie saoudite à l’occasion d’un « derby de la mer Rouge », tandis que les Saoudiens sont arrivés en Russie après avoir vaincu l’Algérie et la Grèce en préparation. Dans un groupe complété par le pays hôte, la Russie – qui a battu l’Arabie saoudite 5 à 0 en match d’ouverture –, et l’Uruguay, redoutable équipe sud-américaine habituée du tournoi – qui a vaincu l’Égypte in extremis(1 à 0) –, rejoindre la phase à élimination directe serait un exploit pour les deux nations.
Le Maroc revient en phase finale après une absence de deux décennies et reste invaincu depuis janvier 2017, après avoir notamment battu l’Égypte et la Serbie. Vendredi, les Lions de l’Atlas se sont inclinés 1 à 0 face à l’Iran, qui espère capitaliser sur son succès relatif au Brésil en 2014 – mais les deux équipes auront fort à faire dans un groupe complété par l’Espagne et le Portugal.
La Tunisie doit jouer son premier match contre l’Angleterre à Volgograd le 18 juin, avant d’affronter la Belgique et le Panama. S’il est peu probable que les Aigles de Carthage rééditent le succès qu’ils ont connu en Argentine en 1978, tout groupe comprenant l’Angleterre peut néanmoins réserver des surprises.
5. Le but incroyable de l’Arabie saoudite (États-Unis 1994)
C’est sans doute le but le plus célèbre marqué par un footballeur du Moyen-Orient en phase finale de Coupe du monde : le rush « maradonesque » de Saad al-Owairan à travers la défense belge, un but éblouissant inscrit à Washington en 1994.
Après avoir récupéré le ballon dans sa propre moitié de terrain, Owairan s’est lancé dans une course inexorable en direction du but, repoussant la moitié de l’équipe adverse, avant de glisser le ballon hors de portée du gardien Michel Preud’homme juste à l’extérieur de la zone des six mètres. Ce but a également permis à l’Arabie saoudite de passer au tour suivant pour la première fois de son histoire, avant d’être vaincue sur le score de 3 à 1 par la Suède, future demi-finaliste.
Mais à son retour en Arabie saoudite, la joie a été de courte durée pour Owairan qui, à l’approche du Mondial français de 1998, s’était attiré les foudres des autorités qui l’accusaient d’avoir un penchant trop prononcé pour la fête.
« J’ai peut-être vu ce but mille fois aujourd’hui, et honnêtement, j’en assez », a-t-il déclaré au New York Times. « D’une certaine manière, ce fut génial. Mais ce fut également horrible. Parce que ce but m’a mis sous le feu des projecteurs, tout le monde se focalisait sur moi. »
4. La Turquie presque au bout (Japon-Corée du Sud 2002)
Le bilan de la Turquie en phase finale de Coupe du monde est pour le moins erratique :
1950 : qualifiée avant de se retirer pour des raisons financières.
1954 : qualifiée, victorieuse 7 à 0 de la Corée du Sud, puis battue 7 à 2 par l’Allemagne de l’Ouest.
2002 : sept matches, dix buts et un parcours surprenant jusqu’en demi-finale.
Parmi les faits marquants de cette dernière apparition de l’Égypte dans le tournoi, on peut relever les deux matches serrés disputés contre les futurs vainqueurs brésiliens – dont la demi-finale –, les victoires contre les deux pays hôtes ou encore le but le plus rapide de l’histoire de la Coupe du monde marqué par Hakan Şükür, qui s’est aujourd’hui exilé aux États-Unis, en 10,89 secondes lors du match pour la troisième place contre la Corée du Sud.
La Turquie a terminé troisième derrière les champions du monde brésiliens et l’Allemagne.
La Turquie a également été victime d’une des pires simulations commises sur la scène internationale : la performance théâtrale livrée par le Brésilien Rivaldo au cours de la première rencontre entre les deux nations match a coûté un carton rouge à Hakan Ünsal et suscité l’indignation des Turcs contre l’arbitre coréen Kim Young-joo.
Faisant allusion à l’implication de la Turquie dans la guerre de Corée, Haluk Ulusoy, alors président de la Fédération de Turquie de football, a déclaré à l’époque : « Nous avons sacrifié 1 000 soldats ici pour défendre les Sud-Coréens, et maintenant, un Coréen vient de tuer 70 millions de Turcs. Nous aimons les Coréens, mais cet homme ne peut pas être arbitre. »
3. Football 1 – Politique 0 (France 1998)
La rencontre avait été décrite à l’avance comme « le match le plus chargé sur le plan politique de l’histoire de la Coupe du monde » : la « Team États-Unis » et l’Iran, deux pays qui avaient rompu leurs relations diplomatiques deux décennies plus tôt, se sont rencontrés sur un terrain de football en France.
Alors que cette première rencontre entre les deux sélections s’est déroulée pendant l’une des périodes les plus glaciales des relations américano-iraniennes, les manœuvres politiques étaient inévitables – en grande partie parmi les groupes politiques iraniens rivaux.
La rencontre a été placée sous haute protection au stade Gerland de Lyon, comme l’a rapporté le Washington Post, des groupes d’Iraniens du Conseil national de la résistance ont essayé de déployer des banderoles – confisquées par la police française – tout en échangeant des insultes avec des supporters favorables au gouvernement qui se trouvaient dans la foule. Sur le terrain, les relations ont été plus chaleureuses : les joueurs iraniens ont apporté des roses blanches en signe de paix et posé pour des photos de groupe avec leurs homologues américains.
Le match en lui-même n’a guère suscité de controverse ou d’incidents : l’Iran avait deux buts d’avance grâce à des réalisations de Hamid Estili et Mehdi Mahdavikia, avant que Brian McBride n’inscrive un but de consolation pour les Américains à six minutes du terme. Le reste du tournoi a été moins heureux pour les deux sélections, qui ne sont pas parvenues à sortir de leur groupe.
Mais pour une fois, les piques échangées par Washington et l’Iran ont été oubliées. « Nous avons fait plus en 90 minutes que les responsables politiques en vingt ans », a ainsi résumé le défenseur américain Jeff Agoos.
2. L’Algérie et le « match de la honte » (Espagne 1982)
Personne ne nourrissait de grandes attentes pour la première phase finale de Coupe du monde disputée par l’Algérie en Espagne en 1982 – pourtant, les Fennecs ont fini par gagner le respect du monde entier et sont devenus la première équipe du Moyen-Orient ou d’Afrique du Nord à avoir véritablement influencé le tournoi.
Pour son premier match, l’Algérie a affronté l’Allemagne de l’Ouest, alors tenante du titre en Championnat d’Europe et double championne du monde. Rabah Madjer a donné l’avantage à l’Algérie à la 54e minute, avant que le capitaine allemand Karl-Heinz Rummenigge n’égalise. Mais Lakhdar Belloumi a doublé la mise une minute plus tard pour l’Algérie, qui a tenu bon et créé l’une des plus grosses surprises de l’histoire de la Coupe du monde.
Les Fennecs ont perdu leur match suivant contre l’Autriche sur le score de 2 à 0, avant de battre le Chili 3 à 2. Ces résultats leur assuraient la qualification, sauf si les Allemands battaient l’Autriche par un ou deux buts d’écart le lendemain.
À Gijón, l’Allemagne a pris les devants au bout de dix minutes, puis les joueurs ont livré un non-match qui arrangeait les deux camps, connu depuis sous le nom de « match de la honte ». Comme Stephen Bierley du Guardian l’a rapporté à l’époque, « ce fut un exemple de coopération européenne portée à un degré ridicule ». Le score final de 1 à 0 servait les intérêts des deux équipes, mais la colère n’allait pas retomber de sitôt.
Les commentateurs en Allemagne et en Autriche ont condamné les joueurs. Les supporters ont exprimé leur honte au sujet de leur équipe. Les supporters algériens ont par la suite attribué au match le nom d’« Anschluss », en référence à l’unification de l’Autriche et de l’Allemagne nazie dans les années 1930. Malgré les protestations de l’Algérie auprès de la FIFA, le résultat a été maintenu.
Les accusations de conspiration n’ont pas été prouvées, mais le sentiment que l’Algérie avait été flouée était si fort que le scandale a abouti à un changement fondamental : désormais, les matches finaux de toutes les compétitions doivent commencer en même temps pour éviter tout soupçon de collaboration.
1. La grande inconnue : Qatar 2022
Il fait trop chaud. Le pays est trop petit. L’équipe nationale ne s’est jamais qualifiée pour une Coupe du monde.
Et ce ne sont là que les premières des multiples raisons pour lesquelles l’attribution de la phase finale de la Coupe du monde 2022 au Qatar figure parmi les décisions les plus scrutées et les plus critiquées de l’histoire du sport.
Il y a aussi les accusations plus graves, portant sur des soupçons de corruption dans le cadre de la victoire de la candidature qatarie (des allégations réfutées par les Qataris), la mort de travailleurs immigrés, tués et blessés en travaillant sur les infrastructures liées à la compétition, ou encore les restrictions sociales auxquelles les visiteurs sont confrontés, notamment sur la question des droits des LGBT, de la liberté d’expression et de la consommation d’alcool.
La question du coût se pose également : le Qatar s’est vu attribuer le tournoi juste avant la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud, dont le coût estimé a été de 3 milliards de dollars. Selon des estimations récentes, les dépenses de l’émirat s’élèvent à 500 millions de dollars par semaine.
Certains soutiennent que le tournoi apporte un changement social au pays. « Sans sa Coupe du monde et les microscopes qu’elle attire, le Qatar aurait moins de pression au cours de la prochaine décennie pour développer les libertés civiles et les droits fondamentaux », écrivait un auteur dans le magazine The New Republic.
L’an dernier, l’Organisation internationale du travail de l’ONU a abandonné une enquête sur le traitement des travailleurs immigrés par le Qatar et déclaré que l’émirat établissait « une nouvelle norme pour les États du Golfe ».
Le football est le sport le plus regardé au monde : les droits de retransmission télé, le rachat de clubs par des milliardaires et le marketing mondial sont autant d’éléments qui ont renforcé sa portée mondiale au cours des deux dernières décennies et contribué à sa pénétration de nouveaux marchés, notamment en Asie, en Afrique et en Amérique du Nord.
L’édition 2022 au Qatar, avec ses promesses de haute technologie et ses aspirations mondiales, est-il un nouveau pas en avant vers l’avenir dont l’impact ne pourra être jugé équitablement que dans les années à venir ? Ou un exercice colossal de marketing géopolitique qui ne tiendra en haleine que les supporters les plus crédules ?
Seul le temps nous le dira – mais quelle que soit l’issue, il s’agit tout de même du plus grand événement footballistique de l’histoire du Moyen-Orient.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].