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Dans une Libye en chaos, une athlète rêve des Jeux olympiques de Paris

Le grand nombre de médailles remportées dans des tournois locaux et régionaux a valu à Retaj al-Sayeh le surnom de « chasseuse d’or » en Libye
Retaj al-Sayeh doit participer en février à une compétition aux Émirats arabes unis, puis aux Championnats d’Afrique d’athlétisme prévus en juin au Cameroun (AFP/Mahmud Turkia)
Retaj al-Sayeh doit participer en février à une compétition aux Émirats arabes unis, puis aux Championnats d’Afrique d’athlétisme prévus en juin au Cameroun (AFP/Mahmud Turkia)
Par AFP

Sous le regard de son père, la Libyenne Retaj al-Sayeh s’entraîne sur un bout de terrain au lancer du disque.

Malgré l’insécurité qui ronge son pays et des performances encore loin des minima requis, la jeune femme caresse le rêve fou de participer aux Jeux olympiques de Paris 2024.

« Je crois en mes capacités […] qui m’amèneront au sommet », assure l’athlète de 23 ans, confiante, avant de commencer son échauffement dans la Cité des sports de Tripoli. 

« Je crois en mes capacités […] qui m’amèneront au sommet », assure l’athlète de 23 ans (AFP/Mahmud Turkia)
« Je crois en mes capacités […] qui m’amèneront au sommet », assure l’athlète de 23 ans (AFP/Mahmud Turkia)

Assis sur des parpaings au bord d’une piste délabrée, son père, Salem al-Sayeh, 60 ans, qui est aussi son coach, supervise l’entraînement.

L’athlète, à qui le grand nombre de médailles remportées dans des tournois locaux et régionaux a valu le surnom de « chasseuse d’or » en Libye, a cette fois placé la barre très haut en se fixant comme objectif les Jeux olympiques de Paris.

Une telle participation serait en elle-même un exploit pour Retaj al-Sayeh, qui se prépare dans un pays ravagé par des violences fratricides depuis la chute de la dictature de Mouammar Kadhafi en 2011 et où le sport féminin pâtit d’un manque de moyens et suscite peu d’intérêt, quand il n’est pas vu d’un mauvais œil , dans une société conservatrice et patriarcale.

Une première médaille d’or au primaire

« Je m’impose moi-même des défis […] malgré l’adversité et les difficultés en Libye, surtout le manque de moyens », confie Retaj al-Sayeh.

Qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il fasse une chaleur étouffante, elle est au rendez-vous. Loin des salles et terrains flambant neufs de la Cité des Sports à Tripoli, Retaj al-Sayeh s’entraîne sur une aire abandonnée et jonchée de débris, sous le regard fier et bienveillant de son entraîneur de père.

Pour son père, ancien joueur de volley-ball et capitaine de l’équipe nationale libyenne en 1982, la carrière sportive de sa fille semblait toute tracée dès le plus jeune âge (AFP/Mahmud Turkia)
Pour son père, ancien joueur de volley-ball et capitaine de l’équipe nationale libyenne en 1982, la carrière sportive de sa fille semblait toute tracée dès le plus jeune âge (AFP/Mahmud Turkia)

Une fois l’échauffement terminé, elle se concentre, prend son élan et tourne plusieurs fois avant de lâcher le disque qui atterrit quelques dizaines de mètres plus loin, sous les applaudissements de son père.

Retaj al-Sayeh doit participer en février à une compétition aux Émirats arabes unis, puis aux Championnats d’Afrique d’athlétisme prévus en juin au Cameroun, où elle espère améliorer considérablement son record personnel de 57 mètres pour atteindre au moins 64,5 m, le minima requis pour prendre part aux JO.  

Déjà enfant, Retaj al-Sayeh était douée pour cette discipline qui nécessite force, technique et endurance et qui est très peu populaire parmi les filles de son âge.

« Au primaire, […] j’ai remporté ma première médaille d’or lors d’une compétition scolaire », raconte-elle à l’AFP, survêtement noir, chaussures blanches et disque à la main.

« Je m’impose moi-même des défis […] malgré l’adversité et les difficultés en Libye, surtout le manque de moyens »

- Retaj al-Sayeh

Pour son père, ancien joueur de volley-ball et capitaine de l’équipe nationale libyenne en 1982, la carrière sportive de sa fille semblait toute tracée dès le plus jeune âge. Et à 12 ans à peine, elle a décroché une médaille de bronze lors d’un tournoi international d’athlétisme au Qatar en 2012.

« Mon père a toujours cru en mes capacités et m’a constamment soutenue, moralement et financièrement. En cas de revers, il m’encourageait à me relever et à recommencer », confie l’athlète, reconnaissante envers son premier fan.

« Il m’a toujours consacré son temps, son soutien financier et son énergie même quand j’ai failli jeter l’éponge. Il me répétait que j’étais une championne olympique en herbe et que rien ne doit entamer ma détermination », ajoute-elle.

Malgré le manque de moyens, le paternel entend persévérer aux côtés de sa fille, persuadé qu’elle a le potentiel pour réussir au plus haut niveau.

« Ma famille et moi allons continuer à soutenir Retaj en dépit des moyens limités car elle a un formidable potentiel pour s’imposer à l’international », assure-t-il.

Une forme physique optimale

Après une intervention chirurgicale au dos, Retaj al-Sayeh vient de retrouver une forme physique optimale et se sent proche de toucher au but après des années d’incertitude.

« En 2016, j’ai traversé un moment difficile qui a failli me décider à prendre ma retraite. À cette époque, à cause de la guerre, je n’ai pas pu obtenir un visa pour participer aux Championnats du monde juniors en Pologne. J’étais très triste car j’étais convaincue de pouvoir remporter l’or. J’étais au sommet », explique-t-elle.

Déjà enfant, Retaj al-Sayeh était douée pour cette discipline qui nécessite force, technique et endurance et qui est très peu populaire parmi les filles de son âge (AFP/Mahmud Turkia)
Déjà enfant, Retaj al-Sayeh était douée pour cette discipline qui nécessite force, technique et endurance et qui est très peu populaire parmi les filles de son âge (AFP/Mahmud Turkia)

Mais les encouragements de ses proches et de nombreux athlètes l’ont fait changer d’avis. L’année suivante, elle a remporté la médaille d’argent aux Championnats d’Afrique juniors en Algérie. « Un hommage à tous ceux qui m’ont fait confiance et ont cru en moi », dit-elle. 

« Grâce à Dieu, mon rêve olympique deviendra réalité », veut-elle croire en serrant son père dans ses bras.

Par Jihad Dorgham.

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