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L'Égypte promet d’éliminer les « antres du terrorisme » après les attaques du Sinaï

L'Égypte fait face à une insurrection de plus en plus vigoureuse dans le Sinaï, un défi majeur pour le président Abel Fattah al-Sissi
Des habitants se rassemblent devant une station de police à El-Arish, la capitale du nord du Sinaï, après un attentat à la voiture piégée le 12 avril 2015 (AFP)
Par MEE

L'Égypte a annoncé qu'il écrasera la rébellion grandissante dans la péninsule du Sinaï après que les militants de Daech ont tué des dizaines de personnes lors de l’attaque jusqu’ici la plus impressionnante dans cette région affligée par le conflit.
 
Cet épisode de violence pose un défi majeur au président Abdel Fattah al-Sissi, l'ancien chef des forces armées qui s'était engagé à anéantir les militants.
 
Mercredi dernier l'armée a déployé des avions militaires F-16 pour bombarder les militants de Daech qui combattaient contre les forces de sécurité dans les rues de Sheik Zuweidm, une ville dans le nord du Sinaï, après avoir lancé à l'aube une offensive surprise contre les postes de contrôle militaires.
 
L'armée a communiqué que 17 soldats et 100 militaires avaient été tués. Le personnel médical et de sécurité a affirmé qu'au moins 70 personnes, pour la plupart des soldats, ainsi que des dizaines de militants, avaient été tués.
 
« Les forces armées sont en train de mener une guerre féroce contre le terrorisme » ont déclaré les militaires.
 
« Nous avons la volonté et la détermination d'éradiquer ce terrorisme noir », ont-ils ajouté. « Nous ne nous arrêterons pas avant que le Sinaï ne soit nettoyé de toutes les tanières du terrorisme. »
 
La Maison Blanche a condamné cette vague d'attaques sans précédents, qui est arrivée deux jours après l'assassinat du procureur Hisham Barakat dans un attentat à la voiture piégée au Caire. Il est jusqu’à présent le plus haut représentant du gouvernement tué dans l'insurrection. 
 
« Les États-Unis supportent fermement l'Égypte dans cette série d'attaques terroristes … et continueront à assister l'Égypte à adresser ces menaces contre sa sécurité », a affirmé le Conseil national de Sécurité des États-Unis.
 
Selon le journal égyptien al-Shorouk, Washington a également informé le Caire que les États-Unis envisagent de retirer la force opérationnelle multinationale basée dans le Sinaï, puisqu’Israël et l'Égypte ont maintenu leur coordination en matière de renseignement et de sécurité au long de la frontière.
 
Un régiment américain nommé Force opérationnelle du Sinaï de l'organisation de maintien de la paix Force multinationale et observateurs, est basé au Sinaï  depuis 1982.
 
Même s'il n'y a pas eu de signaux quant à l'élimination de la force opérationnelle, de son côté, mercredi dernier suite aux attaques, Israël a fermé ses points de passage sur la frontière avec le Sinaï, à Niztana et à Kerem.
 
Encore mercredi, au moins neuf membres des Frères musulmans ont été assassinés par les forces de sécurité égyptiennes dans un appartement dans le quartier du Six Octobre du Caire. 
 
Le militant politique libéral Wael Abbas a condamné les assassinats.
 
« Ce qui est arrivé aux Frères musulmans est inacceptable et est un acte criminel. Ceux-ci sont des assassinats illégaux », a affirmé Abbas d'après l'agence d'information égyptienne RASD.
 
Le soutien des médias
 
Les journaux égyptiens appartenant à l'État se sont rassemblés autour de l'armée.
 
« Victoire ou martyre », pouvait-on lire sur la une d'Al-Ghomuriya. « Vengeance », titrait Al-Akhbar.
 
Le porte-parole de l'armée a posté des photos des militants tués dans les affrontements sur son profil Facebook.
 
Les attaques du Sinaï ont été les plus vastes depuis le lancement de la rébellion de la part des militants en 2013, suite à la destitution du président Mohamed Morsi de la part de l'armée, à l'époque dirigée par Sissi.
 
« Les terroristes se sont déplacés librement pendant des heures dans le rues qu'ils avaient minées », a raconté à l’AFP Ayaman Mohsen, un habitant de Sheikh Zuweid qui a été le témoin des affrontements de mercredi.
 
« Ils ont tiré des roquettes et des balles contre le camp militaire de Zuhour et la station de police de Sheikh Zuweid ».
 
« Ceci est une guerre », a affirmé à l’AFP un officier supérieur. « C'est sans précédent, par le nombre de terroristes impliqués et par le type d'armes qu'ils utilisent ». 
 
Daech a affirmé que ses militants ont encerclé la station de police après avoir attaqué quinze postes de contrôle et des installations de sécurité en lançant plusieurs attentats suicides à la voiture piégée et des roquettes.
 
L'expertise de l'armée
 
Les troupes sont régulièrement attaquées dans le Sinaï, où les militants ont tué des centaines de policiers et de soldats depuis la destitution de Morsi.
 
L'attaque de mercredi a rappelé une série d'embuscades qui ont été effectuées le 2 avril et au cours desquelles des dizaines de militants ont attaqué les postes de contrôles, tuant quinze soldats. 
 
En janvier, une roquette et un attentat à la voiture piégée ont eu pour cible une base militaire, les quartiers généraux de la police et un complexe résidentiel pour les soldats et les policiers. Le bilan a été de vingt-quatre personnes tuées, pour la plupart des soldats.
 
Les attaques ont eu lieu malgré des mesures de sécurité rigoureuses mises en place dans le Sinaï, y compris un couvre-feu nocturne et la création d'une zone tampon le long de la frontière avec Gaza.
 
Les analystes ont estimé que l'armée manquait de l'expertise nécessaire pour combattre les rebelles.  
 
« Ils ne déploient pas les unités adéquates. Les groupes de rebelles doivent être chassés avec des forces spéciales alors que l'armée met en place des régiments. Envoyer des F-16 ne marchera pas », a expliqué à MEE le professeur Mathieu Guidere, spécialiste des groupes militants à l'université de Toulouse, en France.
 
Une loi contre le terrorisme controversée
 
L'Égypte a réagi à la grandissante insurrection en adoptant, mercredi dernier, une loi contre le terrorisme controversée et en demandant que les procès d'appel soient abrégés. Ces deux dispositions devraient permettre de « parvenir à une justice rapide et à la vengeance de nos martyrs ».
 
Le projet de loi fournira les « moyens de drainer les sources de financement du terrorisme », selon une déclaration du gouvernement.
 
Le ministre de la Justice transitionnelle, Ibrahim Henaidy, a raconté au journal d’État Al-Ahram, que la nouvelle loi « établira des peines plus sévères » pour ceux qui ont été emprisonnés pour leur « appartenance à un groupe terroriste … qui ont perpétré des attaques terroristes ou ont fait usage de la violence ».
 
Le projet de loi prévoit également des pouvoirs accrus pour les « enquêteurs des crimes terroristes ». De plus, elle donne de nouveaux pouvoirs au parquet et « facilite les procédures pour l'inspection et le contrôle des comptes bancaires » des suspects, a affirmé Henaidy.
 
Sissi a également annoncé vouloir durcir les lois et a proposé des exécutions accélérées suite à l'assassinat du procureur.
 
Traduction de l'anglais (original) par Pietro Romano.
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