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« Ma fille a été prise pour cible » : Gaza pleure la secouriste tuée par Israël

Amis, collègues et proches de Razan al-Najjar accusent l’armée israélienne d’avoir tiré délibérément sur la jeune secouriste alors qu’elle tentait de soigner des manifestants blessés
La mère de Razan al-Najjar tient l’uniforme ensanglanté de sa fille le 2 juin 2018 (MEE/Mohammed Asad)

KHAN YOUNÈS, bande de Gaza Le chagrin et les larmes ont submergé le quartier de Khuzaa, à Khan Younès, dans la bande de Gaza, alors que les Palestiniens pleuraient ce samedi la mort de Razan al-Najjar, une secouriste de 21 ans abattue par l’armée israélienne.

La jeune femme, qui traitait depuis dix semaines les personnes blessés par Israël lors des manifestations de masse de la Grande marche du retour, a reçu une balle dans la poitrine vendredi lors de la dernière manifestation en date.

Les manifestations de la Grande marche du retour, qui ont débuté le 30 mars, se sont tenues le long de la barrière séparant la bande de Gaza d’Israël pour demander le retour des Palestiniens dans les maisons d’où ils ont été expulsés en 1948 – et qui se trouvent désormais en Israël.

« La balle explosive a été tirée directement dans sa poitrine, ce n’était pas une balle perdue »

- Sabreen al-Najjar, mère de Razan

Des milliers de Gazaouis ont assisté aux funérailles de Razan al-Najjar samedi, y compris de nombreux travailleurs médicaux, amis et proches.

Le père de Razan, Ashraf, a porté l’uniforme ensanglanté que sa fille avait lorsqu’elle a perdu la vie.

« Mon ange a quitté ce lieu, elle est maintenant dans un meilleur endroit. Elle va tellement me manquer. Que ton âme repose en paix, ma si belle fille », a-t-il déclaré.

Des personnes en deuil assistent aux funérailles de la secouriste palestinienne Razan al-Najjar, abattue par l’armée israélienne le 2 juin 2018 (MEE/Mohammed Asad)

Des responsables du ministère gazaoui de la Santé ont déclaré que 100 personnes avaient été blessées par l’armée israélienne vendredi dernier, dont 40 par balles réelles. Quatre secouristes ont été blessés alors qu’ils aidaient des personnes blessées près de la clôture.

« Ils [les Israéliens] connaissent Razan, ils savent qu’elle est secouriste, qu’elle soigne les blessés depuis le 30 mars », a déclaré Sabreen, la mère de Razan, à Middle East Eye.

« Ma fille a été prise pour cible par les tireurs d’élite israéliens », a-t-elle accusé, des larmes dans les yeux. « La balle explosive a été tirée directement dans sa poitrine, ce n’était pas une balle perdue ».

Razan al-Najjar, la secouriste abattue vendredi par Israël (capture d’écran)

Razan al-Najjar, l’aînée de six frères et sœurs, était devenue secouriste après avoir obtenu un diplôme en soins infirmiers généraux et assisté à de nombreux cours de secourisme.

Elle a fait du bénévolat dans divers hôpitaux, ONG et organisations médicales, acquérant des compétences et de l’expérience qu’elle a ensuite utilisées pour venir en aide aux blessés de la Grande marche du retour.

La jeune secouriste prodiguait essentiellement ses soins aux femmes et aux enfants blessés lors des manifestations.

« Ma fille sortait tous les vendredis à 7 du matin et revenait à 8 heures du soir. Elle était sur le terrain, à faire son travail, soigner les blessures. Ma fille était une secouriste courageuse qui n’avait jamais peur des tireurs d’élite israéliens », a déclaré Sabreen al-Najjar.

« Elle rentrait toujours à la maison avec du sang sur son uniforme, elle avait l’habitude de rester aux manifestations jusqu’à ce que tout le monde soit parti. »

Du sang sur son uniforme

Reda al-Najjar, collègue et ami de Razan al-Najjar, se trouvait avec la jeune femme lorsque celle-ci a été tuée.

« J’étais là quand Razan a été blessée, nous essayions d’atteindre les manifestants qui souffraient de suffocation après avoir inhalé du gaz lacrymogène. Quand nous nous sommes trouvés à proximité de la barrière, les forces israéliennes ont effectué des tirs nourris de gaz lacrymogènes et de munitions.

« J’appelle le monde à regarder, et à voir pourquoi les forces israéliennes nous ciblent »

– Razan al-Najjar, la secouriste abattue

« Les gaz lacrymogènes ainsi qu’une fumée noire ont envahi les lieux, il nous était très difficile de respirer.

« Tout à coup, Razan a montré du doigt son dos, puis elle s’est effondrée à terre, du sang se répandait sur son uniforme.

« En tant que secouristes, nous allons aux manifestations pour secourir les manifestants blessés, a-t-il ajouté. Nous n’avons pas d’arme. Tout ce que nous avons, ce sont des instruments médicaux et une trousse de premiers secours pour venir en aide aux manifestants. »

Les proches de Razan al-Najjar pleurent la mort de la secouriste lors de ses funérailles, à Khan Younès, le 2 juin 2018 (MEE/Mohammed Asad)

Au moins 121 Palestiniens ont été tués depuis le début de la Grande marche du retour, principalement par des tirs à balles réelles touchant le haut du corps.

Razan al-Najjar est la deuxième victime parmi les secouristes palestiniens abattus par l’armée israélienne depuis le début des manifestations. Le premier, Moussa Abou Hassanein, a été tué il y a deux semaines.

Selon le ministère gazaoui de la Santé, 223 secouristes ont été blessés lors des manifestations et les forces israéliennes ont également pris pour cible 37 ambulances.

Ashraf al-Qedra, porte-parole du ministère, a condamné la mort de Razan al-Najjar et appelé la communauté internationale à intervenir et à mettre fin au massacre de manifestants, de civils, de secouristes et de journalistes palestiniens.

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Dans une interview précédemment publiée sur les réseaux sociaux, la jeune femme avait elle aussi tenté d’attirer l’attention sur la répression exercée par Israël contre les manifestations et avait déclaré qu’elle avait un message à transmettre en tant que secouriste.

« Nous assistons à de nombreuses attaques des forces israéliennes – les secouristes et les journalistes sont visés », avait-elle déclaré.

« J’appelle le monde à regarder, et à voir pourquoi les forces israéliennes nous ciblent. Nous ne faisons rien. Nous ne faisons que secourir les blessés et soigner leurs blessures. »

Traduit de l’anglais (original).

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