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Que signifie l’état d’urgence en France ?

La France a prolongé l’état d’urgence national à trois mois. Mais que permet la loi et que restreint-elle ?
La France a posté plusieurs milliers de soldats dans les rues de Paris (AFP)

Le parlement français a approuvé la prolongation de l’état d’urgence national à trois mois suite aux attentats perpétrés par le groupe État islamique à Paris. Middle East Eye se penche sur les mesures qu’il induit, sa signification, son origine et son utilisation par le passé.

Qu’est-ce que la loi sur l’état d’urgence ?

La loi française relative à l’état d’urgence a été créée en avril 1955 en réaction aux répercussions de la guerre d’indépendance algérienne. Elle a été largement conçue comme une mesure de guerre.

Qui peut l’invoquer ?

Le président et son cabinet sont responsables de la proclamation de l’état d’urgence. Le président François Hollande y a eu recours trois heures après les attentats de Paris, le 13 novembre.

Y a-t-il des limites ?

En vertu de la loi de 1955, le gouvernement doit obtenir l’approbation du parlement pour tout état d’urgence de plus de douze jours. Hollande et son gouvernement souhaitent appliquer des mesures pour une durée de trois mois.

Que permet la loi ?

La loi de 1955 a une vaste portée et peut limiter de nombreux aspects de la vie française. Une fois promulguée, la ministre de l’Intérieur peut prononcer l’assignation à résidence de toute personne « dont l’activité s’avère dangereuse pour la sécurité et l’ordre publics ».

La police a le droit de procéder à des perquisitions à domicile sans contrôle judiciaire, c’est-à-dire sans justification.

Les ministres peuvent interdire des événements publics, empêcher l’ouverture de salles de spectacle et exercer un contrôle sur les médias « de toute nature ».

Le droit à la libre association est restreint et le gouvernement est habilité à interdire les rassemblements publics.

Les personnes autorisées à détenir des armes peuvent être contraintes de les remettre aux autorités.

Les préfets peuvent imposer des couvre-feux et interdire la libre circulation des personnes et des véhicules à certains endroits à certains moments, ou établir des zones de protection et de sécurité.

Ces mesures ont-elles été utilisées depuis les attentats de Paris ?

Depuis les attentats, les services de police ont procédé à 168 perquisitions sans justification, lors desquelles 23 arrestations ont eu lieu et 31 armes ont été saisies.

Les autorités ont annulé les marches publiques organisées dans le cadre des pourparlers sur le changement climatique qui doivent débuter à Paris le 29 novembre. La ville de Paris a de son côté interdit toutes les manifestations publiques jusqu’au 22 novembre.

Le gouvernement n’a toutefois pas imposé de contrôle sur les médias.

Où s’applique-t-il ?

L’état d’urgence s’applique à l’ensemble du territoire français d’après la dernière version du décret publié ce dimanche.

A-t-il été employé précédemment ?

L’état d’urgence a été imposé à plusieurs reprises pendant la guerre d’Algérie. Le cas le plus notoire date de 1961, lorsque le préfet de police de Paris Maurice Papon a imposé un couvre-feu aux « travailleurs musulmans algériens ». Le 17 octobre, 30 000 partisans de l’indépendance algérienne ont enfreint le couvre-feu en organisant une marche. Celle-ci a été réprimée par la police sur ordre de Papon : plusieurs centaines de personnes sont mortes, selon les estimations.

Depuis lors et jusqu’aux attentats survenus vendredi dernier à Paris, cette loi a été appliquée à seulement deux reprises et jamais à l’échelle nationale.

Ce fut le cas en 1985 en Nouvelle-Calédonie, lorsque des émeutes avaient éclaté après que la police eut tué Éloi Machoro, le chef militaire du mouvement indigène pour l’indépendance mélanésienne, dans la capitale Nouméa.

L’état d’urgence a été une nouvelle fois employé en 2005 lors des émeutes qui avaient éclaté dans les banlieues de toute la France suite à la mort de deux adolescents pourchassés par la police le 27 octobre à Clichy-sous-Bois. Toutefois, les mesures n’étaient pas appliquées à large échelle : seuls sept préfets de police avaient imposé un couvre-feu nocturne et 23 départements français avaient interdit la vente de réservoirs portatifs d’essence et de matières inflammables. L’état d’urgence avait duré jusqu’en février 2006. Des milliers de voitures avaient été brûlées et plusieurs dizaines de personnes avaient été arrêtées.

Est-ce le niveau d’alerte le plus élevé en France ?

Non. Le seul cas le plus drastique consisterait à proclamer l’« état de siège », qui peut être décrété par le président pour une période de douze jours en cas de « péril imminent résultant d’une guerre étrangère » ou « d’une insurrection à main armée ». L’état de siège conférerait à l’armée les pouvoirs de la police et restreindrait davantage les libertés fondamentales.

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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