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Tunisie : pour s’opposer à une loi, l’opposition chante l’hymne national au parlement

Le parlement tunisien a adopté mercredi soir, malgré la virulente opposition de plusieurs députés, un projet de loi défendu par le président Béji Caïd Essebsi mais rejeté par la société civile
Les députés de l'opposition tunisienne ont voulu s'opposer, en vain, à l'adoption du projet de loi dit « de réconciliation » (AFP)

La scène a duré près d’un quart d’heure. Debout dans l’hémicycle, des députés de l’opposition à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) ont entonné l’hymne national en tapant de la main sur leur pupitre. Ils voulaient ainsi empêcher la lecture d’un rapport sur le projet de loi dit « de réconciliation ». 

Le parlement a finalement adopté, mercredi soir, ce projet de loi très controversé. Poussé par la présidence, le texte prévoyait au début d’amnistier certaines personnes (hommes d'affaires, anciens du régime du dictateur déchu Ben Ali) poursuivies pour corruption, en échange du remboursement à l'État des sommes indûment gagnées et d'une pénalité financière.

Face à la contestation de la société civile et d’une partie de la classe politique, le texte a été revu pour ne concerner que les fonctionnaires accusés d'être impliqués dans des faits de corruption administrative et n'ayant pas touché de pots-de-vin.

Menaces sur les avancées démocratiques de la Tunisie

Les députés de l’opposition avaient prévenu, lors d’une conférence de presse, qu’ils comptaient s’opposer à cette loi, qui, à leur yeux, « ne fait que servir les corrompus et faciliter la corruption ». Certains ont d'ailleurs boycotté le vote. 

Au milieu des cris et des invectives, les députés s'en sont pris les uns aux autres. Face à l'opposition, les élus de Nidaa Tounes, parti fondé par Béji Caïd Essebsi, ont défendu l'examen du projet de loi, tout comme plusieurs élus du parti islamiste Ennahdha, qui fait partie du gouvernement.

https://twitter.com/Aisha_Mbarek/status/907923896002805762

« Cette plénière est une mascarade ! », a lancé Ammar Amroussia, élu du Front populaire (gauche) tandis que la députée Samia Abbou (courant démocrate) traitait les députés de Nidaa Tounes de « mafia ».

Le député Mongi Rahoui s'est de son côté insurgé contre « le sens des priorités » du parlement dominé par Nidaa Tounes et Ennahdha, en se demandant comment l'Assemblée pouvait débattre de ce projet alors que le code des collectivités locales n'a toujours pas été adopté, à trois mois des élections municipales.

Le parlement devait élire mardi de nouveaux membres au sein de l'instance chargée d'organiser ce scrutin pour remplir des postes vacants, mais n'a pas pu le faire faute de quorum.

https://twitter.com/Mira404/status/908021388509958146

Pour de nombreux députés, comme Ammar Amroussia, l'absence de leurs collègues était « délibérée, pour pousser à reporter les municipales » pour lesquelles plusieurs partis ne sont pas « prêts », jugent des médias et des observateurs.

À LIRE : INTERVIEW - Hamma Hammami : « Nidaa Tounes ne veut pas d'élections libres »

Devant le parlement, pendant que se tenait la plénière, des dizaines de manifestants ont protesté contre le projet de loi. « La corruption ne passera pas ! », « Nous ne cèderons pas ! », ont scandé les protestataires réunis à l'appel du collectif Manich Msamah (« Je ne pardonne pas »).

Manifestation de Manich Msamah à Tunis mardi 13 septembre (Facebook)
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