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France : une Algérienne partie vivre à Raqqa contrôlée par l’EI quand elle était mineure risque l’expulsion

Cette femme née en France avait 15 ans lorsqu’elle a été emmenée sur le territoire de l’État islamique par sa mère et son oncle
Une femme porte son enfant dans un camp de prisonniers liés à l’EI, dans le nord-est de la Syrie (AFP/Delil Souleiman)

La France a lancé une procédure d’expulsion contre une Algérienne rapatriée de Syrie qui a été emmenée dans ce pays déchiré par la guerre à l’âge de 15 ans par sa famille qui avait prêté allégeance au groupe État islamique (EI).

La femme de 24 ans, connue sous le nom de Sana, pseudonyme utilisé pour protéger son identité, est née et a grandi en France et est d’origine algérienne.

Elle aurait pu prendre la nationalité française à l’âge de 13 ans mais n’y a pas été autorisée par sa mère, partisane de l’EI.

Sana a été mariée à un membre belge du groupe armé en Syrie et a ensuite été emprisonnée par des membres des Forces démocratiques syriennes (FDS) dans un camp du nord-est du pays.

La femme, mère de deux jeunes filles, a été rapatriée en France en janvier 2023 après quatre ans de détention.

Comme pour d’autres personnes liées à l’EI qui ont fait l’objet d’un rapatriement, les autorités françaises n’ont pas engagé de poursuites pénales contre Sana.

Mais pour le préfet du Nord Georges-François Leclerc, qui a assisté à une audience à Lille sur le projet d’expulsion de Sana, cette dernière représente une « menace grave pour la République française ».

Middle East Eye a contacté l’avocate de Sana, maître Marie Dosé : « Je l’avais préparée à la prison, mais pas à cela, pas à l’expulsion », confie-t-elle.

Sa cliente devait assister à la réunion de la commission d’expulsion mercredi, mais a été hospitalisée après une apparente crise d’angoisse. « C’est trop de pression pour elle », ajoute maître Dosé.

Sana, qui a vécu toute sa vie en France jusqu’à son déménagement en Syrie, a dit ne pas connaître l’Algérie.

« Je n’imaginais pas le pire, je ne savais pas que l’on en était arrivé là », poursuit l’avocate.

« Un mariage forcé à 15 ans, c’est un viol »

Les responsables antiterroristes en France connaissent le cas de Sana, et son âge au moment de son départ pour la Syrie aurait été un facteur dans leur décision de ne pas la poursuivre en justice.

L’adolescente était essentiellement sous le contrôle de sa mère et de son oncle, totalement voués à l’idéologie de l’État islamique.

En 2014, lorsque ces derniers l’ont emmenée en Syrie, elle n’aurait pas pu donner son consentement légal à cette décision.

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Sana a été mariée à un membre belge de l’EI dès son arrivée à Raqqa, qui était autrefois la capitale de facto du groupe, et a donné naissance à sa première enfant à l’âge de 16 ans. À 19 ans, elle a eu sa deuxième fille.

« Un mariage forcé à 15 ans, c’est un viol », commente son avocate.

Sana a déclaré aux enquêteurs français qu’elle avait tenté de fuir le groupe, mais que sa mère l’en avait empêchée.

En mars 2019, elle a été arrêtée puis détenue par les FDS, une milice composée principalement de groupes kurdes et de certaines factions arabes, soutenue par les États-Unis.

S’exprimant lors de l’audience d’expulsion mercredi, Georges-François Leclerc, qui représente le ministère de l’Intérieur, a martelé sa position : « La loi est la loi », a-t-il dit.

« Vous pouvez être victime d’une enfance terrible tout en restant une menace », a-t-il ajouté, précisant que le fait que Sana voyait les musulmans chiites comme « malades » était une preuve de sa radicalisation.

Les deux filles de Sana, nées en Syrie et n’ayant pas la nationalité française, ne sont pas mentionnées dans la procédure judiciaire et sont actuellement prises en charge par une famille d’accueil.

« Les filles sont heureuses de retrouver leur mère lors de visites organisées par le médiateur », a déclaré le haut fonctionnaire. « Si [Sana] peut être une bonne mère en France, elle peut être une bonne mère en Algérie », a-t-il poursuivi.

« Comment en est-on arrivé là ? », s’interroge Marie Dosé. « Nous échouons partout. Ce que Sana m’a dit, c’est que sa mère attendait cela. C’est elle qui se réjouit en ce moment. »

La mère de Sana est toujours détenue dans un camp de prisonniers du nord-est de la Syrie après avoir refusé d’être rapatriée en France, affirmant fermement son soutien à l’idéologie de l’État islamique.

La commission d’expulsion doit rendre son verdict sur Sana le 27 septembre.

Traduit de l’anglais (original).

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