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Iran : l’épouse de Reza Pahlavi poste « femme, vie, liberté » sur la photo d’une soldate israélienne

Yasmine Pahlavi, belle-fille de l’ancien shah d’Iran, a publié un slogan anti-gouvernemental kurde sur la photo d’une soldate de l’armée d’Israël lors d’un voyage de son époux dans le pays
Une pancarte portant l’inscription « Femme, vie, liberté » lors d’un rassemblement de soutien aux manifestations en Iran, à Berlin le 13 décembre 2022 (AFP)

Depuis la mort en septembre 2022 de la jeune Kurde Mahsa Amini en garde à vue pour avoir porté un hijab « inapproprié », le slogan « femme, vie, liberté » est devenu un cri de ralliement pour les Iraniennes et les Iraniens qui protestent contre la violence de l’État et la répression des libertés civiles.

Alors, quand la belle-fille de l’ancien monarque iranien a posté #zanzendegiazadi (le slogan en persan) sur Instagram sur la photo d’une soldate israélienne, cela en a déconcerté plus d’un.

Yasmine Pahlavi a posté l’image mardi alors qu’elle accompagnait son mari Reza lors d’un voyage en Israël, où le fils de l’ancien shah d’Iran a rencontré de nombreux responsables, dont le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.

soldate israel pahlavi

Reza Pahlavi cherche depuis de nombreuses années à se présenter comme l’un des principaux leaders de l’opposition iranienne en exil et, depuis le début des manifestations anti-gouvernementales en Iran, il est une figure régulière des médias et cercles politiques internationaux.

Cependant, il a suscité les critiques de nombreux autres groupes d’opposition, qui avertissent que les Iraniens n’accepteront pas un retour à la monarchie, évoquant les nombreuses violations des droits de l’homme et la répression de la dissidence qui ont eu lieu durant le règne de père, le shah Mohammad Reza Pahlavi.

« Sombrement ironique »

Bien que Reza Pahlavi ait appelé au remplacement de la République islamique par un Iran « laïc et démocratique, lui et sa femme ont défendu en public l’héritage de son père.

Selon Seamus Malekafzali, un journaliste indépendant irano-américain interviewé par Middle East Eye, il est « sombrement ironique » de voir les héritiers de la dynastie Pahlavi utiliser un slogan fondé par des Kurdes de gauche qu’ils ont si impitoyablement écrasés et l’appliquer à l’armée israélienne.

« [Il est ironique] qu’un slogan qui a trouvé une nouvelle popularité en Iran en tant que message employé non seulement contre les impositions patriarcales mais aussi contre la violence structurelle du gouvernement se retrouve dans un message soutenant l’un des exemples les plus évidents et les plus visibles de violence structurelle gouvernementale, l’[armée israélienne] », note-t-il.

Plusieurs commentateurs ont également souligné l’ironie de voir Yasmine Pahlavi utiliser une phrase issue d’un mouvement politique kurde lié au groupe armé du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en référence à une membre de l’armée israélienne.

« [Il est ironique] qu’un slogan qui a trouvé une nouvelle popularité en Iran en tant que message employé [...] contre la violence structurelle du gouvernement se retrouve dans un message soutenant l’un des exemples les plus évidents et les plus visibles de violence structurelle gouvernementale, l’[armée israélienne] »

- Seamus Malekafzali, journaliste

Au début des années 1980, de nombreux combattants du PKK étaient basés au Liban, où ils ont été formés par leurs camarades marxistes-léninistes du Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP) et d’autres groupes armés palestiniens.

En 1982, Israël a envahi le Liban et le PKK a aidé des groupes palestiniens dans leur combat contre l’armée israélienne. Au moins onze combattants du PKK sont morts pendant le conflit.

Matthew Petti, chercheur basé en Jordanie spécialiste du rôle des Kurdes dans la guerre civile libanaise, souligne qu’il est pour le moins étrange d’associer ce slogan à l’armée israélienne étant donné qu’il provient d’un mouvement fondé par « des exilés kurdes au Liban, où ils ont été formés par des guérilleros palestiniens et ont livré certains de leurs premiers combats sérieux contre les forces israéliennes ».

Alors que le PKK lui-même n’a été formé qu’en 1978 – pendant les derniers jours de la dynastie Pahlavi –, le shah était un farouche opposant à l’autonomie kurde en Iran et combattait régulièrement d’autres groupes séparatistes kurdes.

Le principal mouvement kurde d’opposition au shah était peut-être le Parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI), lequel a soutenu la révolution qui l’a finalement renversé.

Le groupe est depuis devenu un opposant à la République islamique, et ses bases ont été visées par des frappes aériennes iraniennes lors des manifestations anti-gouvernementales.

Au cours de sa visite en Israël, Reza Pahlavi a visité le mur des Lamentations et a été photographié en train de prier, une kippa sur la tête.

Traduction : « Ainsi dit Cyrus, le roi de Perse, ‘’Tous les royaumes de la terre, le Seigneur Dieu des cieux me les a livrés, et il m’a ordonné de lui bâtir une maison à Jérusalem, qui est en Judée’’. – Bible hébraïque, Esdras 1:2

« Il y a 2 500 ans, Cyrus le Grand a libéré le peuple juif de sa captivité et l’a aidé à reconstruire son Temple à Jérusalem. C’est avec une profonde admiration que je visite le mur Occidental de ce Temple et que je prie pour le jour où les bons peuples d’Iran et d’Israël pourront renouveler notre amitié historique. »

Il n’a en revanche pas rencontré de représentants palestiniens ou de responsables de l’Autorité palestinienne pendant son voyage.

La monarchie Pahlavi, qui a gouverné l’Iran entre 1925 et 1979, était un proche allié d’Israël.

La République islamique, formée à la suite du renversement du shah en 1979, est en revanche devenue l’ennemi juré d’Israël et fait régulièrement référence à l’alliance du shah avec ce pays dans sa propagande.

Selon Matthew Petti, le voyage de Pahlavi semble une tentative de Pahlavi visant à renforcer le soutien au mouvement monarchiste.

« Le voyage de Pahlavi en Israël se déroule au moment où les monarchistes au sein de l’opposition iranienne sont de plus en plus à couteaux tirés avec d’autres factions, et où l’Arabie saoudite retire son soutien au mouvement », fait-il observer, en référence à la récente détente entre Riyad et Téhéran.

« Cela ressemble à une manœuvre visant à dépeindre Pahlavi comme un leader qui peut obtenir un soutien étranger réaffirmé et prendre des décisions importantes quant à la direction du mouvement. »

Traduit de l’anglais (original).

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