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Des utilisateurs de Facebook emploient une ancienne police arabe pour contourner les algorithmes et soutenir les Palestiniens

Des internautes ont trouvé une solution originale après que de nombreux comptes ont été bloqués ou restreints en raison de contenus publiés au sujet de Gaza
Les géants des réseaux sociaux peuvent demander à leurs algorithmes de passer en revue la base de données de leurs utilisateurs et de signaler toute publication ou photo contenant des mots jugés contraires à leurs normes communautaires (Facebook)

Sur les réseaux sociaux, les internautes palestiniens et arabes ont remis au goût du jour une ancienne police de caractères arabe pour contrecarrer les puissants algorithmes de Facebook et exprimer leurs opinions politiques et leur soutien aux Palestiniens à la lumière des récents événements en Israël et en Palestine.

Twitter, TikTok et Instagram – propriété de Facebook – ont été accusés d’avoir banni, bloqué ou restreint des comptes qui ont publié des photos des bombardements israéliens contre les civils de la bande de Gaza ou des messages comportant notamment des mots et des hashtags tels que « Palestine », « résistance », « Israël », « Hamas » ou « al-Aqsa ».

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Les algorithmes utilisés par ces réseaux sociaux sont un ensemble d’instructions écrites dans un langage de programmation et insérées dans une machine informatique pour accomplir une tâche.

Ces entreprises peuvent demander à leurs algorithmes de passer en revue la base de données de leurs utilisateurs et de signaler toute publication ou photo contenant des mots jugés contraires à leurs normes communautaires ou incitant à la haine et à la violence.

Cette technologie à la pointe de la modernité se révèle cependant impuissante face à une ancienne police arabe qui s’écrit sans points.

Un éventail d’interprétations

Pour la tester, des utilisateurs de Facebook ont massivement partagé une publication avec une photo indiquant « Mort à Israël : profitez bien des algorithmes, M. Mark », en référence au fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg.

Le post, qui ne comportait pas de points, est passé sous les radars de l’algorithme veillant au respect des normes communautaires de Facebook. Ces publications, que Middle East Eye a pu consulter, sont toujours visibles aujourd’hui.

Le message en ancienne police arabe indiquant « Mort à Israël : profitez bien des algorithmes, M. Mark » est passé sous les radars de l’algorithme veillant au respect des normes communautaires de Facebook (capture d’écran)
Le message en ancienne police arabe indiquant « Mort à Israël : profitez bien des algorithmes, M. Mark » est passé sous les radars de l’algorithme de Facebook (capture d’écran)

Pour qualifier ce type d’écriture, les linguistes arabes emploient le terme ijaam issu du nom ajami, qui désigne un étranger dont l’arabe n’est pas la langue maternelle. Cette écriture supprime les voyelles du mot et rend ainsi le discours consonant et assourdi. Elle offre également au lecteur un éventail d’interprétations, dans la mesure où un mot sans points comporte plusieurs significations.

Le mot « point », nouqta en arabe, peut aussi signifier vigilance, faiblesse ou étouffement lorsqu’il est écrit sans points. Les mots qui le précèdent et le suivent déterminent également sa lecture. S’il est facile et assez amusant pour les arabophones de lire cette ancienne police de caractères, les algorithmes des machines du XXIe siècle semblent rencontrer quelques difficultés pour le moment.

Plusieurs sites web permettent actuellement de convertir l’arabe classique en police ancienne, notamment arabic-services.ml.

Des versions anciennes de l’écriture arabe ont été gravées sur des pierres et des rochers que l’on a pu trouver dans différentes régions du nord de la péninsule Arabique et du désert syrien, qui s’étend entre la Syrie actuelle, l’ouest de l’Irak et l’est de la Jordanie.

Bien que la péninsule Arabique soit perçue dans les récits historiques islamiques comme le berceau de l’arabe, de nouvelles recherches et la découverte d’inscriptions sur pierre commencent à indiquer que la langue a évolué dans des endroits tels que la Syrie et la Jordanie avant de migrer vers le sud jusqu’à l’actuelle Arabie saoudite, rapporte Ahmad al-Jallad, épigraphiste, philologue et historien de la langue.

Des contenus palestiniens soumis à la censure

Dans un rapport publié fin mai, 7amleh - Arab Center for Social Media Advancement a indiqué avoir recensé plus de 500 violations des droits numériques des Palestiniens entre le 6 et le 19 mai, lors de l’offensive israélienne contre Gaza.

D’après l’ONG, le nombre de publications supprimées ou soumises à des restrictions a augmenté depuis qu’Israël a approuvé les expulsions forcées de Palestiniens dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est occupée, la prise d’assaut de la mosquée al-Aqsa par la police israélienne pendant le mois de Ramadan puis le bombardement de la bande de Gaza.

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Au total, les frappes aériennes israéliennes contre Gaza ont fait 253 morts côté palestinien, dont 66 enfants, ainsi qu’environ 2 000 blessés, selon le ministère gazaoui de la Santé. Treize personnes ont perdu la vie en Israël en raison de roquettes lancées depuis Gaza.

Établi à Haïfa, dans le nord d’Israël, 7amleh a déclaré avoir reçu des signalements provenant d’Instagram (50 %), de Facebook (35 %), de Twitter (11 %) et du réseau social chinois TikTok (1 %).

Le rapport de 7amleh a fait également référence à l’unité de lutte contre la cybercriminalité du ministère israélien de la Justice, que le groupe accuse de signaler activement des milliers de publications concernant les Palestiniens de Jérusalem-Est, de Cisjordanie occupée et d’Israël, ainsi que l’attaque militaire israélienne contre la bande de Gaza assiégée.

Le 14 mai, le ministre israélien de la Défense Benny Gantz a rencontré sur Zoom des dirigeants de Facebook et TikTok et les a exhortés à sévir contre les publications qui « incitent à la violence ».

Après la réunion, le bureau de Benny Gantz a publié un communiqué indiquant que les dirigeants des firmes avaient promis de s’attaquer « rapidement et efficacement » à ces pratiques.

Selon 7amleh, Facebook collabore étroitement avec le gouvernement israélien pour filtrer les publications palestiniennes, y compris pour les restreindre et les supprimer. 

En 2018, Haaretz a rapporté que Facebook avait accédé à 95 % des demandes soumises entre mai et août par le gouvernement israélien contre des contenus palestiniens.

À la suite de la rencontre avec Benny Gantz, des internautes palestiniens et arabes ont lancé une campagne d’évaluations négatives contre le géant des réseaux sociaux.

La note de Facebook sur l’App Store n’est actuellement que de 2,2 étoiles et la plupart des commentaires récents critiquent la politique de confidentialité et de traitement des données de la plateforme ainsi que la censure des contenus palestiniens. L’application compte maintenant 2,3 étoiles sur Google Play.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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