Tollé au Koweït après le suicide d’un enfant bidoune
La nouvelle du suicide d’un enfant de 12 ans issu de la population apatride du Koweït, connue sous le nom de bidoune, a suscité un tollé sur internet.
L’enfant, identifié comme Ali Khaled et originaire de la région de Sulaibiya, se serait pendu dans sa chambre. Les causes exactes de son suicide ne sont pas encore connues.
Mubarak Saleh Alnajdah, qui affirme connaître personnellement la famille de l’enfant, a tweeté s’être réveillé sous le choc en apprenant son suicide.
Traduction : « Un autre enfant apatride s’est suicidé au Koweït, pourtant le gouvernement continue de priver les bidounes de leurs droits fondamentaux et se sert de l’accès à ces droits comme outil de chantage pour contraindre les bidounes à émigrer ! #انتحار_طفل_بدون »
« J’ai été choqué aujourd’hui d’apprendre le suicide d’Ali, le fils de mon frère et ami Khaled al-Shammari, de la communauté bidoune. C’est un ami que, si je n’avais pas été personnellement témoin des détails de cette tragédie, il m’aurait été impossible de croire », écrit-il sur Twitter.
Ce message, qui a été retweeté plus de 700 fois, a été utilisé pour souligner la détresse de la communauté bidoune.
Des milliers de personnes ont utilisé le hashtag #انتحار_طفل_بدون (suicide d’un enfant bidoune) pour dénoncer la discrimination subie par cette communauté.
Traduction : « Un enfant apatride de 12 ans s’est suicidé après avoir réalisé qu’il n’avait pas d’identité et pas d’avenir, et le plus cruel pour lui était de ne pas avoir de patrie… Accepteriez-vous cette mort pour votre enfant ? #انتحار_طفل_بدون »
Un communiqué publié par l’ordre des médecins du Koweït à la suite de ce suicide a condamné les injustices vis-à-vis de la communauté bidoune, réclamant des solutions de toute urgence pour garantir qu’ils obtiennent leurs droits.
« Aujourd’hui, nous avons appris le suicide d’un enfant koweïtien de la communauté bidoune et nous, personnel médical, dénonçons toute forme d’injustice et de privation dont sont victimes nos frères de la communauté bidoune.
« Ce qui s’est passé aujourd’hui est la conséquence inéluctable des mauvaises conditions socio-économiques que [les bidounes] endurent »
- Ordre des médecins du Koweït
« Nous croyons qu’ils ont droit à une vie décente et au respect de leurs droits fondamentaux. Ce qui s’est passé aujourd’hui est la conséquence inéluctable des mauvaises conditions socio-économiques qu’ils endurent. »
« Par conséquent, nous rappelons la nécessité impérative de respecter les droits de l’homme garantis par l’islam ainsi que par la Constitution koweïtienne, les conventions et chartes ratifiées par l’État du Koweït », poursuit le communiqué.
Traduction : « Leurs suicides ont augmenté et maintenant leurs enfants commencent à se suicider, savez-vous ce que ça signifie quand un enfant de 11 ans pense au suicide ? Ce n’est pas juste et ce n’est pas acceptable. Leur cas doit être résolu aussi vite que possible. #انتحار_طفل_بدون »
Traduction : « Je n’ai jamais rien entendu de tel auparavant, un enfant de 11 ans s’est suicidé ! Quel genre d’épreuves pourrait connaître un enfant !!
« L’assassin, c’est notre pays. Pour beaucoup… il n’y a pas d’autre choix et aucun espoir de vivre humainement ici. #انتحار_طفل_بدون »
Les bidounes, terme arabe qui signifie littéralement « sans » et désigne le fait que les membres de cette communauté sont apatrides ou sans nationalité, sont considérés comme des ressortissants étrangers ou immigrants illégaux au Koweït. La plupart des bidounes sont de confession chiite.
Histoire d’une marginalisation
Au Koweït, les bidounes ne peuvent obtenir de certificat de naissance ou de décès, n’ont pas de papiers d’identité, ce qui restreint fortement leur accès à l’emploi, aux services sociaux et aux voyages à l’étranger.
Les bidounes ne peuvent pas non plus étudier dans les écoles et universités du Koweït.
Traduction : « Événement tragique et sans précédent, un enfant apatride de 12 ans au Koweït, Ali Khaled, s’est suicidé en se pendant dans sa chambre. Les apatrides/bidounes souffrent depuis des années d’isolement systématique et de privation de leurs droits tels que la citoyenneté, l’éducation, l’accès au travail, les certificats de naissance et de décès, etc.
« C’est le quatrième suicide parmi les bidounes en un an et demi, sans compter toutes les tentatives ratées au cours de la même période. #انتحار_طفل_بدون »
Les membres de la communauté bidoune du Koweït souffrent depuis longtemps de marginalisation. Selon plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, ils sont victimes de nettoyage ethnique, de génocide et de discriminations aux mains de l’État du Koweït.
Selon Human Rights Watch, la communauté bidoune est composée d’environ 88 000 à 106 000 apatrides.
Les organisations pour les droits de l’homme expliquent qu’ils ont été marginalisés par le gouvernement parce que selon lui, la plupart d’entre eux ont émigré au Koweït depuis les pays voisins et ont dissimulé leur nationalité pour revendiquer la nationalité koweïtienne.
La plupart des membres de la communauté bidoune ont du mal à obtenir des documents civils, à faire respecter leurs droits à se soigner, s’éduquer ou travailler.
Les cartes d’identité délivrées aux membres de la communauté ces dernières années mentionnent souvent que leur titulaire est Irakien, Saoudien, Iranien ou d’une autre nationalité.
L’année dernière, un Koweïtien a tenté de se suicider en s’immolant pour protester contre les conditions de vie dans la région de Sulaibiya. Talal al-Khulaifi (27 ans) a survécu mais souffre de brûlures graves.
Cet incident a attiré énormément d’attention sur les réseaux sociaux, les internautes exprimant leur sympathie et demandant un plan d’action pour remédier au problème.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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