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Séisme au Maroc : pourquoi il s’est produit et comment s’y préparer à l’avenir

Selon des experts, le séisme a été causé par « une vulnérabilité de la croûte terrestre » et les dégâts ont été aggravés par la fragilité des bâtiments
Un homme observe les décombres d’habitations à Imi N’Tala, village de montagne au sud de Marrakech, le 10 septembre 2023 (AFP)
Un homme observe les décombres d’habitations à Imi N’Tala, village de montagne au sud de Marrakech, le 10 septembre 2023 (AFP)

Lorsqu’il est question de séismes fréquents, le Maroc n’est pas forcément le premier pays qui vient à l’esprit. 

Les séismes d’une ampleur comparable à la catastrophe survenue vendredi – d’une magnitude de 6,8 et ayant tué plus de 2 900 personnes – sont rares mais pas inédits dans ce pays du Maghreb.

Contrairement à des pays comme la Turquie et la Syrie, fortement exposés aux séismes en raison de leur situation géographique au carrefour de plaques tectoniques terrestres, seule une petite zone du nord du Maroc se trouve à l’intersection de plaques. 

Le pays a cependant été touché par l’activité sismique à plusieurs reprises au cours du dernier quart de millénaire, notamment par une secousse de quinze secondes qui a enseveli la métropole d’Agadir en 1960. 

Le séisme de vendredi a été provoqué par une collision entre les plaques africaine et eurasienne. 

« La collision entre les plaques africaine et eurasienne est un événement tectonique majeur qui a commencé il y a environ 60 millions d’années, fermant un grand bassin océanique appelé Téthys », explique à Middle East Eye Sylvain Barbot, professeur associé en sciences de la terre à l’Université de Californie du Sud. 

Déformations de la croûte terrestre

Même si l’épicentre du séisme se trouvait à 550 km au sud de l’endroit où les plaques s’entrechoquent, la région demeure une zone à risque

« Les vestiges de la Téthys constituent aujourd’hui le bassin méditerranéen. La fermeture de la Téthys a formé les Alpes françaises, les monts Zagros et l’Himalaya », détaille Sylvain Barbot. 

L’universitaire souligne que les montagnes du Haut Atlas marocain contribuent à la convergence des plaques, favorisant la survenue occasionnelle de séismes. 

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« La raison pour laquelle le séisme s’est produit loin de la frontière entre des plaques est que l’Atlas constitue une vulnérabilité locale de la croûte [terrestre]. »

Dans le cas du séisme de 2004 qui a frappé Al Hoceima sur le littoral septentrional du Maroc, les secousses se sont produites à la frontière entre les plaques. Il s’agit de la zone la plus active du pays sur le plan sismique. 

Ce séisme a fait 630 morts et déplacé 15 000 personnes. 

Plusieurs autres séismes importants survenus au Maroc se sont produits loin de cette frontière, notamment la catastrophe de 1960 à Agadir. 

Ce séisme d’une magnitude de 5,8 a enseveli toute la ville et tué environ 15 000 personnes, soit plus d’un tiers de la population d’Agadir. La ville a été entièrement reconstruite à un peu plus d’un kilomètre au sud de l’ancienne métropole. 

« Les séismes sont possibles partout, mais leur probabilité relative est beaucoup plus élevée dans les régions où l’on observe des déformations de la croûte terrestre [par exemple des montagnes] et des failles », explique à MEE Jonathan Stewart, professeur de génie civil et environnemental spécialisé dans le génie sismique à la Samueli School of Engineering de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA).

Résilience sismique

Les failles sont des fractures présentes à la surface de la Terre, souvent engendrées par les mouvements des plaques tectoniques. Elles sont responsables de nombreux séismes.

« Il existe des tensions dans les plaques ailleurs qu’au niveau des frontières de plaques. En général, elles se concentrent le long des failles », souligne Jonathan Stewart. « Si les failles sont cartographiées, il est possible d’améliorer les prévisions sismiques. » 

La proximité de frontières de plaques a souvent un effet important sur le niveau de préparation des pays aux séismes. 

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Jonathan Stewart constate que des endroits comme le Japon, Taïwan et la Californie, où la sismicité est élevée compte tenu de la proximité de frontières de plaques, présentent un niveau de préparation avancé. 

« Mais il existe également des exemples de sociétés vivant près de frontières de plaques qui sont relativement mal préparées [par exemple avec des codes du bâtiment insuffisants ou insuffisamment mis en œuvre], comme le Népal, le Pakistan ou la Turquie. » 

Selon Jonathan Stewart, dans les régions éloignées de ces frontières, l’attention portée à la résilience sismique tend à être « limitée ». 

Dans le cas du Maroc, un certain nombre de structures détruites étaient des maisons en briques d’argile et des bâtiments en maçonnerie. 

« Le séisme de Marrakech a ébranlé de nombreux édifices historiques, également appelés bâtiments ''pré-code'', qui ne sont pas conçus pour résister à de telles secousses », poursuit Sylvain Barbot. 

Sylvain Barbot rappelle que la résistance à de telles secousses dépend à la fois de la solidité des fondations et de la charpente des bâtiments, sachant que les structures les plus hautes sont les plus susceptibles d’être endommagées. 

Plus de victimes la nuit

« Les bâtiments en briques d’argile et en maçonnerie [s’effondrent] sous l’effet de ce que nous appelons la rupture fragile, qui les rend susceptibles de s’écrouler soudainement. Les bâtiments renforcés d’acier subissent une rupture ductile [capable de se déformer sans casser] qui peut les endommager mais ne provoque pas l’effondrement complet de la structure. » 

Plusieurs édifices médiévaux qui attirent de nombreux touristes au Maroc ont été endommagés par le séisme, notamment la mosquée de Tinmel dans les montagnes du Haut Atlas ainsi que la vieille ville et les anciens remparts de Marrakech. 

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Jonathan Stewart souligne que ces édifices historiques peuvent intégrer des systèmes d’isolation sismique, comme ce fut le cas pour l’hôtel de ville de San Francisco, bien que ces mesures puissent se révéler coûteuses. 

Au-delà des matériaux de construction, le moment auquel le séisme s’est produit – durant la nuit – a également eu un impact sur le bilan humain. 

« Les séismes qui se produisent la nuit peuvent faire plus de victimes, car les gens peuvent être plus exposés dans leur propre logement si le bâtiment s’effondre », indique Sylvain Barbot. 

De plus, l’obscurité nocturne peut entraver la progression des survivants dans les débris et les décombres lorsqu’ils tentent de se mettre à l’abri, ce qui accroît le risque de blessures.

Les autorités marocaines peuvent prendre diverses mesures à l’avenir pour réduire le risque d’être confrontées au niveau de destruction observé ces derniers jours. 

Selon Jonathan Stewart, la cartographie et la modélisation essentielles pour améliorer la résilience sismique. 

« Cartographier les failles sismiques. Développer des modèles adaptés à la région pour prédire les mouvements du sol en cas de séisme », suggère-t-il. « Produire des cartes d’aléas sismiques qui reflètent le résultat de ces modèles et intégrer ces cartes dans le processus de conception parasismique. » 

L’autre aspect à prendre en compte pour améliorer la préparation est la structure des bâtiments.

Jonathan Stewart recommande aux autorités de « mettre à jour le code du bâtiment de manière à refléter les connaissances et les pratiques modernes [et de] veiller au respect du code du bâtiment ». 

L’universitaire ajoute que des mesures incitatives doivent être mises en place pour garantir la modernisation des structures plus anciennes. 

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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